Ch 60 : Les Maîtres de la Montagne

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TW: Violence - Mention de viol

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Affichant un sourire dédaigneux, le jeune ours jubilait, penché sur Yuan Sunjie à genoux, qu'il tenait par le menton. Dans le ciel, le soleil avait entamé sa descente vers les bras de l'horizon et réchauffait le vent de la forêt, chargé d'humidité fraîche qui balayait la cour de l'antique palais perdu.

« Tu es le dernier des Pan, l'orphelin de Hou Yuanna et de Pan Gong, poursuivit l'homme. Mon père a fait la promesse d'effacer le nom Pan jusqu'au dernier, et ce serment, je suis là pour l'honorer aujourd'hui. En tant que fils, je me dois de faire honneur à mon père. Peux-tu comprendre cela ? Ah mais j'oubliais, tu n'as pas eu de parents pour t'apprendre les devoirs filiaux... Vois-tu, ton existence est une menace pour ma famille.
— Vous êtes du clan des Ombres de Jade » répliqua Yuan Sunjie, plus comme une affirmation qu'une question, car il avait reconnu les couleurs des hommes en noirs qui avaient attaqué Shi Chang sur la falaise.

Il sentait le calme dans sa voix s'envoler petit à petit.

« Qui vous dit que je suis celui que vous recherchez ? Je n'ai pas le souvenir de vous avoir déjà croisé, ni même avoir jamais entendu votre nom. Si c'était le cas, en effet, je les aurais sans doute oubliés aussi. »

L'ours pouffa d'un rire nasal, ne lâchant pas son attention, il libéra finalement le menton de l'adolescent en se redressant.

« Mon nom est Sui Han. Tu as la même arrogance que ce ton suffisant de père et tu as les yeux de la seule femme que j'ai jamais désirée... Jusqu'à l'obsession... C'est elle qui m'a laissé ce... souvenir, fit-il en glissant l'ongle de son pouce sur sa cicatrice. Même morte aujourd'hui, à chaque fois que je vois mon visage, cette cicatrice me fait penser à Hou Yuanna et ses yeux d'or. La Beauté aux Mille Pétales d'Or... ! J'ai voulu les posséder, dès l'instant où je les ai vus. Elle était magnifique, d'une grande beauté, tu l'aurais vu ! raconta-t-il avec un sourire aux lèvres, le regard perdu dans le vague et se remémorant des souvenirs d'une époque d'antan. J'ai aimé ta mère, tu sais ? Elle a torturé mon coeur pendant des jours et des nuits. Elle était mes jours et mes nuits ! Mais moi, qui à l'âge de vingt ans avais déjà tué et assassiné plus d'une centaine d'hommes, je me retrouvais dans l'incapacité d'adresser un simple mot à cette fée du ciel. Je me contentais de la regarder de loin, comme le soleil, et je vivais dans sa lumière à chacune de ses apparitions quand elle venait danser dans le style Yuan. »

Les mains ligotées derrière le dos, Yuan Sunjie demeura silencieux et écouta. Sa curiosité prenait le dessus. Sui Han continua, son ton se chargeant d'une colère sourde.

« Seulement, un jour, elle fut enlevée par un voleur ! Ce voleur ! Cet arrogant Pan Gong ! Je le connaissais bien ce serpent ! Je le fréquentais depuis que nous rampions encore dans nos langes ! Il connaissait mes sentiments pour cette fille ! Pan Gong était comme ça depuis qu'il était enfant ; il vole et s'approprie tout ce que je désire ! Mon père se mettait constamment en travers de mon chemin et il prenait sans cesse sa défense, comme si c'était lui son véritable fils ! C'était toujours à moi de céder. Je haïssais Pan Gong pour cela et je l'ai toujours haï. Alors cette fois-ci, j'ai refusé de céder et j'ai décidé d'aller délivrer la femme que j'aimais... Mais une fois encore, mon père m'a arrêté. Ce jour-là, il m'a fait de graves révélations sur la famille Pan... »

Les hommes qui s'entraînaient, avaient quitté l'enclos pour se rapprocher et écouter. Leurs visages étaient à découvert, pourtant, ils étaient aussi sinistres que des masques de cérémonies mortuaires. Rassemblés en cercle autour de Sui Han qui poursuivait son monologue, ils dépeignaient un mur corpulent tout autour de leur meneur, alourdissant l'atmosphère pesant sur Yuan Sunjie.

« Le chef de ma famille, mon père, était le larbin de Pan Jingcao. Pan Jingcao était ton grand-père et le chef de famille de la maison Pan... Ma famille était connue pour être des criminels, des membres de la pègre. Ton grand-père et sa famille passaient, elle, pour de simples et riches paysans, traitant dans le commerce du riz et du coton. Pan Jingcao possédait des champs et des gens. Il payait des hommes pour entretenir ses cultures, et ils venaient vivre et travailler là avec leurs familles. Évidemment, ces gens étaient tous sous sa coupe ; ses hommes de mains ! Aux yeux de la société, les Pan ne pouvaient que passer pour une famille honorable qui faisait vivre des centaines de personnes. Des gens admirables ! En plus, les Pan, ne faisaient jamais étalage de leur fortune. Il se disait que Pan Jingcao était aussi riche que le gouverneur, pourtant, ce gros porc non plus n'a jamais osé entreprendre quoique ce soit contre eux. Certaines rumeurs rapportaient que le gouverneur était juste un homme de paille, placé par Pan Jingcao lui-même. Qui aurait cru alors que, dans son ombre, se cacherait la tête de l'organisation la plus criminelle et crainte des Neuf Royaumes ? »

L'Éternité d'Une SecondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant