Ch 18: Le cadavre retrouvé en vie

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« Mon nom est Lin Ming. Je suis fermier et commis du boucher au petit village qui se trouve juste après la ville du Pêcheur de Plumes. Ma femme s'est éteinte, il y a un mois de cela. Elle a toujours eu une santé fragile depuis l'enfance voyez-vous ? Elle est partie soudainement... Mais depuis peu, son spectre ne cesse de me hanter chez moi ! Elle est encore revenue hier ! Je ne sais plus quoi faire ! Aidez-moi, je vous en prie ! J'ai peur ! Je souhaite que ma femme repose en paix, alors je me suis dit que les cultivateurs pourraient sûrement m'aider. Vous êtes cultivateurs ou bien des disciples, n'est-ce pas ? Je vois tout le temps des gens habillés comme vous dans les cuisines du Pavillon quand je fais mes livraisons. Je vous en prie, emmenez-moi voir les cultivateurs de la secte. »

Une lumière s'était mise à briller dans les yeux de Yuan Sunjie depuis qu'il avait entendu le mot 'spectre' et sans perdre un instant, il s'avança d'un pas et attrapa Lin Ming par les épaules.

« Vous êtes au bon endroit monsieur ! Vous n'avez pas à vous inquiéter et ne vous en faites pas, vous êtes tombé sur les bonnes personnes ! Dites-moi donc, vous êtes passé par quel chemin pour monter jusqu'au sommet du volcan ? »

Yuan Sunjie voulait vérifier qui d'autre à part eux avait vu ou parlé à Lin Ming. Le sommet n'était pas un lieu où n'importe qui pouvait s'y rendre pour s'y promener à son aise, sans mentionner le fait que la secte Zhu, classé troisième au rang des clans majeurs en cultivation, avait un tel prestige dans le milieu des cultivateurs que même pour louer leurs services, il fallait au moins faire la queue pendant trois mois. Pour cette raison, les portes étaient inaccessibles à ceux qui n'étaient pas du Pavillon ou en possession d'un laissez-passer. Le monde extérieur devait traiter avec des sorts qui bloquaient l'accès, au risque de devoir se faire entraîner dans un labyrinthe d'escalier de dix mille marches qui menait droit à un poste de garde du clan, situé dans le port au pied du Mont Zhu, et à une sévère note salée pour les plus chanceux. 

« J'ai pu rentrer avec mon passe-droit. Je livre parfois de la viande et de la peau à l'ainé Zhu Jieshi. Je sais qu'il ne m'attend pas, mais il me connaît, il voudra sûrement m'entendre. Vous êtes des disciples de la Cour Intérieure ? Pouvez-vous me mener à lui ? Mais pourquoi me demandez-vous par quel chemin je suis passé ?
— Ne vous en faites pas nous sommes bien des disciples de la secte, mais je suis bien au regret de vous dire que Zhanglao* Zhu Jieshi est en ce moment en pleine retraite sur l'îlot Konokono. Vous êtes très chanceux ! Nous sommes justement spécialisés dans l'exorcisme des spectres ! Si je vous ai demandé par quel chemin vous êtes passé, c'est justement pour vérifier si le spectre ne vous suit pas. 
— Comment ça, si le spectre ne me suit pas ? » s'écria Lin Ming avec affolement.

Wang Xiao écarquilla des yeux scandalisés vers Yuan Sunjie. Son visage se ternit et il semblait incapable de prononcer un simple mot. Sans faire attention à son air choqué, Yuan Sunjie avait fait faire demi-tour à Lin Ming et redescendait la sente avec lui en reprenant son discours.

« Les spectres sont pires que des fantômes, au cas où vous ne le sauriez pas, ils s'accrochent à vous comme un bigorneau sur un rocher. Vous ne les voyez pas quand il fait jour et ils apparaissent en suivant un cycle précis, alors que les fantômes ont plutôt tendance à apparaître pendant plusieurs nuits d'affilées. L'avez-vous remarqué ?
— ...Euh, maintenant que vous le dites... C'est vrai ! Le spectre est apparu trois fois, après dix jours à chaque fois !
— Vous voyez ! Et dites-moi, mon bon monsieur, est-ce qu'il vous arrive de vous sentir lourd parfois, comme s'il y avait un poids sur vos épaules quand vous marchez ? Comme si vous aviez un enfant assis sur les épaules ?
— Ma foi ! s'exclama le commis. Maintenant, maintenant que vous le dites ! Je me sens lourd et plus épuisé que jamais, en effet !
— Monsieur Lin, continua Yuan Sunjie. Je ne veux pas vous effrayer, mais... Vous savez, après la mort, le corps perd de l'eau, sa graisse fond, il perd aussi de la masse. Ce qui rend le cadavre plus léger que le poids de son vivant, comme un enfant vous voyez. Cet ''enfant'', fit-il en appuyant bien sur ses prochains mots, est actuellement assis sur vos épaules ou votre dos en ce moment même. Car un spectre ne quitte jamais celui qu'il hante. 
— PAR LE CIEL ! QUE DOIS-JE FAIRE, XIUZHE ? s'écria Lin Ming en se serrant la tête entre ses mains.
— Vous êtes vraiment chanceux d'être tombé sur nous ! En plus, nous sommes libres en ce moment, n'est-ce pas Wang Xiao ? C'est très simple ! Je vais tout de suite vous débarrasser du spectre et le forcer à rentrer en courant dans sa tombe, mais ce ne sera que temporaire. Il vous suffit juste de revêtir vos robes extérieures à l'envers et le tour sera joué.
— Porter les robes à l'envers ? Cela suffira ? Comment ?
— Essayez et vous verrez bien.
— Eh... ? D'accord. »

L'Éternité d'Une SecondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant