Été 1497, duché de Qualissa au sud de Silène
Une rose rouge plantée au milieu de bouquets odorants de lavande se balançait doucement au rythme du vent chaud. Sa particularité, comme toutes les fleurs de l'espèce Immortalis, était son incapacité à flâner, ce qui faisait d'elle une plante très recherchée.
Autour du parterre arrondi, un petit sentier de gravier formait un rectangle suffisamment grand pour y installer des ruches à ses extrémités. Des abeilles élevées par un mage apiculteur et dotées d'une certaine intelligence y résidaient. Elles produisaient du miel aux nombreuses vertus, dont la réparation de l'épiderme suite à une brûlure.
A proximité des lavandes, des Sérilis, des plantes carnivores de deux mètres aux pétales transparents, tentaient d'avaler sans succès des petites fées qui virevoltaient au-dessus d'elles. Ces créatures bleues reconnaissables à leurs oreilles pointues abordaient un air espiègle.
Plus loin, un étang délimité par des épicéas était recouvert de lotus. Un vieux ponton menait à des barques qui sortaient tout droit de l'atelier du menuisier. Les embarcations arboraient l'emblème du duché: un corbeau volant au-dessus d'un saule pleureur.
Derrière moi, des Tordaèmes se tordaient dans un grincement à peine perceptible. Ces petits arbres fruitiers produisaient de gros fruits toxiques pour les humains mais savoureux pour les fées.
A leur gauche, on retrouvait des sureaux et des hortensias. A droite, des guotias, des végétaux ronds et plats crachaient des bulles de rêves. En touchant une bulle, on visualisait le songe d'un inconnu. Il s'agissait par exemple d'un pirate qui désirait dénicher quelques trésors. Cependant, on l'oubliait au bout de bout de quelques minutes.
Aux abords des guotias, un sphinx sauvage pas plus haut que trois pommes chassait des papillons en compagnie d'une chimère sous un érable planté pas loin de peupliers et de fontaines entourées de plants de fleurs. Parfois, des individus jetaient des pièces dans ces fontaines en faisant un vœu.
Puis, des pergolas dispersées dans le jardin soutenaient des plantes grimpantes comme le chèvrefeuille, la vigne ou encore la glycine.
Le parc faisait face à un château-fort imposant composé d'une cour centrale et de nombreuses tours reliées par des remparts. A l'est de la citadelle, la Forêt Sanglante s'étendait à perte de vue. Personne ne s'aventurait dans les bois dangereux, hormis les condamnés à mort et les chasseurs expérimentés. Les adultes apprenaient très vite aux enfants trop curieux le terrible sort qui les attendait s'ils décidaient de se confronter aux loups géants. Ces redoutables prédateurs mangeaient tous les êtres vivants. Pour une raison inconnue, ils ne quittaient jamais leur territoire.
Les gardes ne patrouillaient pas dans les environs. Je ne pouvais pas m'enfuir, alors ils n'avaient pas besoin de me surveiller. Les esclaves portaient en effet un bracelet forgé par un sorcier qui émettait un signal dès qu'ils s'éloignaient du château. Seul ce magicien était en capacité d'enlever les bijoux de nos poignets.
Orpheline et née libre, je fus élevée jusqu'à mes quinze ans par mon oncle Hérold, un ancien commerçant reconverti en potier. Décédé d'une crise cardiaque en 1493, il fut enterré par un médecin légiste au cimetière de notre village.
Ensuite, un petit orphelinat m'hébergea pendant quelques mois. J'y vécus en compagnie d'enfants de tout âge. Au début, je me disais naïvement que les choses s'arrangeraient et qu'un lointain parent viendrait me chercher.
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Les Élues
FantasyLe royaume de Silène, situé aux confins de l'Europe, était prospère grâce à ses nombreuses mines de diamants. Un dragon attaqua en 1457 la capitale du pays, Leïnna. Il menaça de réduire la contrée en cendres. Le peuple consentit en échange de sa sur...