Les démones se turent quand de mystérieux bruits retentirent soudainement dans le cimetière. Des chaînes semblaient s'entrechoquer dans une tombe proche du monolithe.
Une goule s'approcha prudemment de la sépulture suspecte quand le couvercle de cette dernière glissa brusquement vers la droite. La démone, prise par surprise, effaça subitement les traits de son visage.
Deux bras surgirent du cercueil tandis qu'une voix féminine se fit entendre:
— N'ayez crainte! C'est moi, Kona! Je me suis cachée ici pour échapper au bagne. Puis, je me suis endormie.
— Kona, demanda Faraguar sur un ton irrité, qu'as-tu fait pour être condamné au bagne?
— Disons que c'est une longue histoire, dit la fameuse Kona en sortant de la sépulture.
Cette dernière portait une tenue de prisonnier usée. Son pantalon marron était élimé et sa veste blanche décolorée. Les chevilles de la démone (qui était pieds nus) étaient recouvertes de gros bracelets métalliques. Le mot "prisonnier" tatoué en noir sur son front me choqua. Ses cheveux roux en pagaille n'étaient pas assez longs pour recouvrir l'horrible inscription.
— J'ai été condamnée à deux ans de travaux forcés, expliqua ensuite Kona. Je pensais écoper d'une amende quand j'ai été arrêté par la police, mais par manque de chance, j'ai été jugé par Riti. J'ai bien tenté de me défendre lors de l'audience, mais il n'a pas voulu m'écouter. Comme il n'arrêtait pas de me traiter de «délinquante», j'ai fini par croire qu'il ne connaissait que ce mot.
— Kona, s'impatienta Faraguar, réponds à ma question. Que s'est-il passé ?
— C'est une longue histoire, répéta Kona. Tout a commencé il y a un mois. Je me promenais au bord d'un cours d'eau limpide lors d'un après-midi ensoleillé.
J'écoutais tranquillement le pépiement des oiseaux, les clapotis et le doux murmure du vent. Je me détendais grâce aux bruits apaisants de la nature. Je n'étais pas gêné par le soleil car des arbres me procuraient de l'ombre.
J'ai rencontré après quinze minutes de marche un petit buisson épineux. L'arbuste, qui était vivant, m'a donné un avertissement. « Fais immédiatement demi-tour si tu veux vivre » a-t-il dit fermement. Bien sûr, je lui ai demandé pourquoi je ne pouvais pas continuer ma balade. Il a seulement répondu: « Si tu t'aventures plus loin, tu courras un grave danger ». J'ai décidé de l'ignorer.
Plus loin, j'ai croisé un vendeur de vin ambulant accompagné d'une chèvre. Le marchand m'a donné le même avertissement. J'ai une nouvelle fois fait comme si je n'avais rien entendu.
Ensuite, je suis tombé sur une petite fille qui n'arrêtait pas de réclamer sa mère en pleurant. J'ai cherché à savoir où étaient ses parents car je pensais qu'elle s'était perdue.
La petite a alors tendu un doigt vers la rivière en criant: « Maman est là-bas !». En examinant le cours d'eau, j'ai repéré une barque. J'ai sauté dans l'eau sans réfléchir et ai nagé jusqu'à l'embarcation. En montant dans le bateau, j'ai découvert un lion féroce...
— Kona, l'interrompit Faraguar, je ne veux pas perdre mon temps à entendre des bêtises. Dis-nous la vérité. Qu'as-tu vu dans la barque ?
— J'y ai vu une femme, avoua Kona. Ses yeux étaient écarquillés et sa bouche grande ouverte. Elle semblait crier.
La petite fille a attiré mon attention depuis la berge en hurlant « Attention ! ». En me retournant, j'ai vu la morte se lever. Je n'ai pas eu peur car le cadavre était possédé par un esprit. Par conséquent, j'ai mangé le fantôme.
En visualisant ses souvenirs, j'ai réalisé qu'il s'agissait de l'âme d'une carpe qui hantait la rivière depuis huit ans. La femme qu'elle possédait est morte d'une noyade accidentelle.
J'ai raccompagné l'enfant et sa défunte mère jusqu'au tribunal. Les juges ont cru que j'avais tué la femme, alors je me suis enfuie. Cependant, des policiers m'ont rattrapé et arrêté. Me sachant innocente, j'ai pensé que je risquais uniquement une sanction pour avoir arrêté le coupable à leur place.
Puis, j'ai été jugé par Riti et condamné au bagne. Selon lui, je méritais une correction pour mon insolence. Je n'ai pas compris en quoi j'ai été insolente. J'ai seulement raconté mon périple et demandé qu'il me remercie pour avoir mis fin aux mauvais agissements de la carpe...
— Comment t'es-tu retrouvé dans un cercueil ? S'enquit une goule.
— Des forçats ont eu pitié de moi et ont fait diversion pour que je m'échappe lors de notre transfert vers le pénitentiaire. Puis, j'ai couru jusqu'à la nécropole.
A la fin de son récit, Kona réclama de l'eau. La trouvant trop jeune pour être incarcérée, je voulus connaître son âge.
— J'ai quinze ans depuis quatre jours, annonça la goule après s'être désaltéré. Comment me vois-tu ? Demanda-t-elle par la suite.
Sa question n'était pas surprenante: les humains n'étaient pas capables de voir les véritables apparences des démones. Aussi, chacun les percevait différemment. En général, ils repéraient les goules quand elles dévoraient des âmes ou quand elles adoptaient des visages lisses.
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Les Élues
FantasyLe royaume de Silène, situé aux confins de l'Europe, était prospère grâce à ses nombreuses mines de diamants. Un dragon attaqua en 1457 la capitale du pays, Leïnna. Il menaça de réduire la contrée en cendres. Le peuple consentit en échange de sa sur...