Chapitre 13

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Zippo vivait dans une maison gigantesque entre deux rangées de séquoias, qu'il avait bâti avec des pierres récupérées dans une carrière. Des feuilles mortes avaient peu à peu recouvert le toit en chaume.

Comme la porte d'entrée était grande ouverte, j'entendis mon ami se disputer avec un autre commerçant :

— Je refuse de vendre ma boutique ! Criait Zippo. Tes menaces ne me feront pas changer d'avis.

— Tu n'auras pas d'autres chances, prévint son interlocuteur. Si tu ne signes pas ce contrat, mon maître détruira ta boutique.

— Je n'ai pas peur, affirma le géant. Cassandre n'est qu'un lâche qui se cache derrière ses sbires. S'il veut se battre, qu'il vienne !

— Comme tu voudras, céda son adversaire. Tu as gagné pour aujourd'hui, mais attends-toi à des représailles !

Un homme apparut dans le vestibule en chiffonnant rageusement une feuille. Il passa devant moi sans me voir, comme si j'étais invisible, et partit en grognant.

Mal à l'aise, je toquai à la porte pour signaler ma présence. Zippo entra à son tour dans le hall et sourit quand il me vit :

— Salut ! Je suis content de te voir. Comment vas-tu ? Viens dans la cuisine pour boire un thé.

Il me guida jusqu'à une grande pièce lumineuse située au fond d'un couloir. Elle contenait un four, un évier, une cuve d'eau, un plan de travail et des placards disposés autour d'une table large de sept mètres.

— Que se passe-t-il ? Demandai-je après m'être assise sur un tabouret. J'ai entendu ta dispute avec cet homme.

— Un riche marchand me harcèle depuis une semaine, expliqua Zippo en me tendant une tasse, car je refuse de lui vendre ma boutique. Originaire du comté voisin d'Oraize, il veut faire des affaires à Qualissa. Il a déjà acquis cinq boutiques au marché de la citadelle. C'est une brute, qui ordonne à ses sous-fifres de frapper les commerçants qui lui résistent.

— Que comptes-tu faire ?

— Puisque ce Cassandre me cherche querelle, s'exclama-t-il en serrant les poings, je lui donnerai une leçon !

Je ne m'inquiétais pas pour lui. Le géant impavide était en effet un champion de lutte. Il se battait à la foire hebdomadaire et y remportait souvent des gains.

Je l'avais rencontré lors de son premier combat contre Raige, alors que j'accompagnais Aènne à la fête pour y regarder une course de chevaux. J'avais été impressionné par sa force car il avait vaincu l'intendant en moins d'une minute en le plaquant au sol.

Ensuite, mon ami me parla de sa maison. Selon lui, elle était hantée. En effet, il entendait des bruits inhabituels la nuit. Au début, il pensait que des rats se cachaient dans ses murs. Or, les bruits ne s'étaient pas arrêtés malgré l'installation de pièges.

— Je ne sais plus quoi faire, dit-il en soupirant. Je n'arrive plus à dormir. Que me conseilles-tu ?

— Si nous inspectons minutieusement ta maison, nous trouverons peut-être l'origine des bruits qui te dérangent ?

— Bonne idée, approuva Zippo sur un ton soulagé. Je me chargerai de l'étage et toi de la cave.

La cave était située en dessous de la cuisine. On y accédait grâce à un escalier étroit dissimulé par un vieux rideau vert fixé au fond de la pièce.

En descendant dans le local souterrain éclairé par une lampe (18), où étaient stockés les légumes et le vin, je découvris un papillon doré inanimé, qui gisait au pied d'une jarre. En approchant la lampe de l'insecte, je constatai avec horreur que ses ailes avaient été arrachées ...

Point de vue de Zippo

Je crus entendre des murmures depuis l'étage alors que je posai un pied sur la première marche. Croyant avoir affaire à des voleurs, je montai l'escalier sans faire de bruit.

Quand j'atteins la dernière marche, la porte qui donnait sur mon atelier s'ouvrit lentement.

En prenant mon courage à deux mains, j'entrai dans la pièce, qui était vide. De plus, la fenêtre n'était pas brisée et mes automates n'avaient pas bougé de leurs étagères. Tout était normal. Mais alors, qu'avais-je entendu ? Était-ce une hallucination ?

Subitement, la porte se referma et le parquet grinça, comme si quelqu'un marchait derrière moi. Cependant, en me retournant, je vis personne.

Ensuite, mon sang se glaça quand je sentis des mains invisibles se poser sur mes épaules. Paralysé par la peur, je ne réagis pas, jusqu'à ce qu'une voix souffla à mon oreille : « Fuis !».

Par conséquent, je pris la poudre d'escampette et appelai Lysandre au secours. Je la retrouvai dehors, pâle et effrayé, comme si elle avait aussi vu un fantôme.

Elle me montra un insecte en expliquant qu'elle l'avait trouvé près d'une jarre. Le papillon avait sans doute été tué par les esprits qui infestaient ma maison.

Après, nous nous décidâmes de prévenir Raige de ce qui s'était produit. Une mesure devait être prise pour nous protéger des fantômes !

18. Des lucioles capturées dans un petit piège magique en verre permettent à Zippo de voir dans la cave quand elles brillent. Leur luminosité augmente si on touche le piège. Ce dispositif est appelé «lampe» par Lysandre.

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