Chapitre 12

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Un papillon doré entra dans la nécropole quand une ondée commença à tomber.
Il se déplaçait lentement dans l'air, dispersant de la poussière d'or à chaque battement d'ailes. Il survola un esprit éveillé qui tenait un livre de comptes.

Affalé sur un vieux divan, le djinn regardait dans le vide, perdu dans ses pensées et mélancolique. Faraguar avait inventorié les objets présents dans le cimetière et listé ce qui lui manquait, avant de se faire happer par des souvenirs anciens et douloureux qu'il n'avait jamais réussi à enterrer.

Il revit tout d'abord sa rencontre avec le Destin dans un désert aride. Le Destin s'était montré à lui sous la forme d'un tigre au milieu des ruines d'une cité antique qu'il avait connue à son apogée des siècles auparavant. Le tigre avait prédit son avenir. Au début, Faraguar ne l'avait pas cru car il s'était senti invincible. Or, le Destin ne mentait jamais. Comme prévu, le djinn fut capturé et emprisonné par un Silénien. Ses descendants prirent son exemple.

La dernière duchesse de Qualissa lui confia la gestion du cimetière. Dans la nécropole, le djinn prenait toutes les décisions même si Séïra avait le dernier mot. Il avait commandé par exemple de nouvelles fleurs jaunes et un tissu plus résistant pour mieux protéger les momies. Toutefois, comme ses prédécesseurs, elle ne le libéra pas. Il s'en moquait, car il avait perdu tout espoir. Le Faraguar libre et joyeux était mort depuis longtemps. Il n'était plus qu'un être surnaturel déchu, conservé et contemplé tel un objet dans un musée.

Le papillon se posa brièvement sur son épaule gauche. Puis, il décolla et se dirigea vers une jeune fille qui rêvait de son oncle et de son enfance. Détendue, elle souriait et dormait si profondément qu'elle n'entendait pas les ronflements de ses voisines. Ses souvenirs heureux lui permettaient d'échapper temporairement au présent. Grâce à eux, elle ne se souciait pas des marchands d'esclaves et du dragon.

Le papillon s'envola quand une goule se réveilla vers huit heures. Les autres se levèrent cinq minutes plus tard, au moment où des chasseurs déposèrent leur petit déjeuner avant de partir travailler.

Point de vue de Lysandre

En me réveillant, je découvris sur la sépulture de Tamo des plateaux garnis de tranches de pain, de fruits, d'œufs et de viande.

J'étais de bonne humeur car je bénéficiais enfin d'un jour de repos. Je m'étirai donc en souriant et rangeai rapidement mon matelas dans un espace dédié au fond du cimetière. Puis, je rejoignis les goules qui se servaient ou commençaient à manger.

Kona s'approcha pendant que j'attrapai dans une corbeille une poignée de myrtilles et me demanda ce que j'avais prévu pour la journée. « Pour commencer, je rendrai visite à Zippo, le géant qui tient une échoppe au marché permanent. Ensuite, j'irai prendre des nouvelles de Doli, la cuisinière du potager. Après, je me promènerai dans le parc. ».

Curieuse, je retournai la question à Kona.
« Je ne sais ce que nous ferons aujourd'hui », me répondit-elle en jouant avec son verre. « Je resterai dans le cimetière jusqu'à ce que ma condamnation soit oubliée ». Puis, me fixant intensément, elle ajouta : « Si quelqu'un me dénonce, je mangerai son âme. » À ces mots, je déglutis difficilement.

Une fois mon maigre repas terminé, je remerciai Faraguar pour son aide, saluai les goules et quittai le cimetière. Devant le bâtiment, je croisai deux hermines, des créatures domestiquées ou chassées pour leur fourrure jusqu’au siècle dernier, qui couraient en direction des bois.

Plus tard, alors que je rejoignais la demeure du géant, je fus de plus en plus troublé. J'avais l'impression d'être observé. Pourtant, en me retournant et en regardant autour de moi, je ne vis personne...

Point de vue extérieur

Un homme enveloppé dans une cape noire tâchée de sang surveillait avec appréhension une esclave, qui marchait sans remarquer le papillon voletant au-dessus d'elle.

Dissimulé derrière un arbre, le mari de Quina agrippait un sac en toile et priait les dieux pour que le louveteau qu'il avait drogué et capturé ne se réveille pas. Pour ne pas être repéré, il ne devait surtout pas faire de bruit.

Quand l'esclave disparut de son champ de vision, il décida de quitter sa cachette. Cependant, un grognement le figea soudainement.

Il se retourna lentement et se retrouva face à un loup géant. Avant qu'il ne crie, la bête aux yeux jaunes, qu'il n'avait pas entendu approcher, le frappa violemment à la tête. En tombant, il heurta une pierre et lâcha le sac dans un buisson.

Puis, il s'évanouit de douleur quand le loup de deux mètres le mordit, avant de le traîner lentement dans les bois. Pour l'instant, la bête épargnait l'homme malgré sa colère. Elle comptait le maintenir en vie jusqu'à ce qui lui rende son louveteau. Ensuite, elle le dévorera ...

Les ÉluesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant