Chapitre 1 : Vic

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« Le seul homme dont tu as besoin dans ta vie, est celui qui te prouvera qu'il a besoin de toi dans la sienne »

Ibn Abi Shayba

Octobre 2019, de nos jours

— Mais bon sang, avancez ! hurlé-je comme si le conducteur devant moi pouvait m'entendre.

Je vais être à la bourre, très à la bourre. Et s'il y a bien une chose que je déteste c'est d'être en retard.

Pourtant, fut un temps je m'en foutais, je prenais la vie comme elle venait.

Désormais tout est organisé. Je maitrise tout, de l'argent que je veux gagner à celui que je veux dépenser, des personnes que j'ai décidé de rencontrer à celles qu'il est préférable d'éviter. Oui je maitrise tout. Ça limite les imprévus, et tous les risques que pourrait comporter une vie d'insouciance. Patronne de ma propre entreprise, il n'est pas bien difficile d'orchestrer mes journées. Des horaires précis, une seule et unique employée – depuis qu'une étudiante m'a lâchée – et une panoplie de règles auxquelles je me tiens – la raison sans doute pour laquelle elle est partie d'après Clara, mon amie. Le seul jour que je ne maiîtrise pas est ce foutu lundi où ma boutique est fermée.

Non pas que je sois en manque d'inspiration pour combler les heures, bien au contraire. Le matin, je fais la comptabilité du Cupcake & Coffee, mon commerce, les courses pour la semaine aussi, puis je pars déjeunez chez ma mère. Quatre longues et éprouvantes heures avec elle. C'est une des raisons qui nous ont poussées, Charlyne et moi, à décréter que le lundi devait avoir cette soirée « Minettes en folie ». Charlyne sait que chaque semaine, j'ai besoin d'un défouloir et surtout de ma meilleure amie. Lorsque je sors de chez ma mère, je la récupère devant l'école où elle travaille comme institutrice, puis après être passées chez moi pour nous changer, nous filons donner des cours de pole dance. Du moins, Charlyne donne un cours et moi je l'assiste. Mais nous nous éclatons ! Dit comme ça, venant d'anciennes stripteaseuses, je ne suis pas sûre que nous soyons très crédibles. Pourtant il n'y a aucun amalgame à faire. Le pole dance est un sport et il n'est pas réservé aux stripteaseuses. Si apprendre à faire du pole dance à des quinquagénaires permettait de tenir la queue de leur mari sagement dans leur caleçon, ça se saurait et nous aurions certainement trouvé le remède contre l'infidélité !

J'essaie de me faire rire mais rien ne passe dans ma gorge à part un grognement d'impatience.

— Il y a deux files, bon sang ! Deux files ! Ne me dites pas que les deux sont bloquées ?!!

Je parle encore seule. Il parait que c'est comme écrire une lettre – sans jamais la donner – à quelqu'un qui nous a fait souffrir, ça permet de décharger nos émotions. Je ne me sens pas mieux pour autant. La preuve : je me tape le front contre le volant.

Comme chaque lundi, je décolle de chez ma mère à 15h précises afin d'arriver à l'école de Charlyne, très en avance mais surtout pile poils à l'heure à laquelle la cantinière s'en va. Ainsi, je récupère sa place de parking dans l'avenue. Si je me contentais d'arriver au moment où Charlyne finit, je devrais faire trente-six fois le tour du quartier à la recherche d'un emplacement que je risquerais de ne jamais trouver, pour finir le quart d'heure d'après dans l'effervescence des mamans qui accourent pour récupérer leurs gamins.

Hormis, que ça me rapporte des clientes pour des gâteaux d'anniversaire, ça crie pour parler, ça rit, ça blablate sans arrêt de mioches, de microbes, du ventre de leur mari et de leur indélicatesse, ..., c'est horrible. C'est comme se retrouver au milieu d'un bus rempli de chinois, sauf qu'avec eux, au moins, je ne comprendrais pas un traître mot de ce qu'ils racontent.

Et parfois ça vaut mieux.

Aujourd'hui, je vais avoir droit à cette version-là de l'histoire. Je ne serai jamais à l'heure devant l'école pour récupérer la place de la cantinière. Certainement à cause d'un mec musclé, prétentieux, blindé aux as, bien mieux manucuré et coiffé que moi, qui s'est pris pour Jeff Gordon dans les rues de Seattle et qui n'a pas su prendre le virage au coin de la rue ! Les sirènes d'une ambulance pour preuve, ça fait déjà plus de dix minutes qu'elles font office de musique d'ambiance.

Fight & DealOù les histoires vivent. Découvrez maintenant