Chapitre 6 : Vic

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« Vis comme si tu devais mourir demain. Apprends comme si tu devais vivre toujours » Gandhi



Je ne réalise que suivre Jamie jusqu'au garage de son ami était une mauvaise idée qu'une fois que je pénètre à l'intérieur avec ma voiture. D'ailleurs, Jamie a le temps de garer sa bécane, d'ôter sa veste et son casque, de me rejoindre et d'ouvrir la portière de ma voiture avant que je percute où je suis.

Ce que je vois devant moi est fidèle aux photos sur le net. Un garage moderne, propre, lumineux, grand, quatre postes de travail différents, des étalages de pièces de voiture, des servantes à outils... sauf que comme tous les garages il est tenu par des hommes. Celui-ci ne fait pas exception.

Adieu l'image du vieux gars aux frisouilles grasses sur la tête, au visage sali de cambouis et au ventre bedonnant moulé dans un bleu de travail taché d'huile de moteur. Là, j'ai l'impression d'être chez ABERCROMBIE & FITCH sauf que je ne suis pas ici pour faire du shopping et que je ne suis pas non plus le style de nana émoustillée par un big bang de testostérone.

C'est même tout le contraire. J'exècre la testostérone sous toutes ses formes et encore plus en tablette...

— Vic ? Ça va ? interroge Jamie.

Je l'ignore, autant concentrée à reprendre le dessus sur mon corps tremblotant que sur l'analyse de la situation. Je vois et compte trois mécaniciens. Un premier est sous le pont-avant d'une voiture hissée dans les airs, le deuxième est penché au-dessus du moteur d'une autre, et le troisième nous fait signe du fond du garage avant de venir à notre rencontre.

Je lui donne la trentaine, les cheveux aussi blonds que les blés mais la peau halée par le soleil, il est aussi grand, aussi musclé, aussi beau, aussi sexy et sans doute aussi dangereux que Jamie.

Je déglutis, tandis que ce dernier insiste :

— Vic ?

Je n'aurais jamais dû venir. Jamais. Que me dirait Clara ? De profiter de la vue. Comme si les trois mecs devant moi pouvaient ressembler à de magnifiques falaises qu'on rêverait de grimper. Pour l'heure je me jetterais de la falaise pour la fuir au plus vite...

Donc je ferme les yeux et prends une grande inspiration. Je suis responsable de la situation, c'est moi qui ai accepté de suivre Jamie jusqu'ici, je suis aussi celle qui l'a embauché, et encore celle qui lui est rentrée dedans. Je dois donc être capable de me sortir de là.

Lorsque j'ouvre les paupières, ma porte est toujours grande ouverte et Jamie n'a pas bougé de devant. Il m'observe comme précédemment dans mon café lorsque je me laissais apaiser par les bras de Josie. Avec les sourcils froncés, un voile étrange dans le regard, mélange entre l'inquiétude et la gêne. Je coupe le moteur en forçant un sourire et tente de le rassurer :

— J'ai du mal à trouver le sommeil ces derniers temps. C'est juste un petit coup de pompe...

À son air sceptique, je comprends que ma prestation ne l'a absolument pas convaincu. Néanmoins, il ne relève pas. Tant mieux, mon but n'est pas qu'il cesse de se faire du souci pour moi, mais qu'il garde le silence et qu'il passe outre ce qu'il voit. C'est ce qu'il fait, il se contente de me tendre la main.

Elle est épaisse et grande.

Je la regarde. Je le regarde. Je la regarde encore.

Et je les ignore. Lui et sa main.

Qu'importe qu'il puisse être bienveillant, je ne dois pas le laisser s'approcher. Non pas parce que je ne suis pas prête à me laisser toucher mais uniquement parce que je ne veux pas qu'il fissure ce mur solidement construit depuis des mois.

Fight & DealOù les histoires vivent. Découvrez maintenant