« Une journée sans rire est une journée perdue » Charlie Chaplin
J'entends encore les mots de mon avocat résonner dans ma tête : « Georges Benson a demandé l'annulation de la mesure d'éloignement ». Et je me souviens à quel point j'ai pu être terrorisée, à quel point la peur a pu faire partie de mon quotidien et à quel point elle m'a étouffé. Je n'ai pas compté le nombre de fois où j'ai voulu en finir pour que tout s'arrête. Vraiment en finir.
Si la journée a filé sans encombre, sans que je ne me pose plus de question sur les entrées et sorties de la boutique, sans doute parce que je gardais à l'esprit qu'il y avait Jamie derrière moi. Lorsque qu'il dû partir, j'eus beaucoup plus de mal à réfléchir.
Je voyais George partout, jusque sur les visages des passants et dans les ombres des rues.
Ce soir-là, j'ai laissé les lumières allumées toute la nuit, j'ai dû vérifier au moins vingt fois que les alarmes étaient fonctionnelles et les serrures fermées et j'ai fini par m'endormir avec un taser dans une main et mon téléphone dans l'autre.
Résultat : pour la x-ième fois de la semaine, j'ai une tête à faire craquer tous les zombies de Seattle.
Lorsque Jamie arrive à la boutique, ce vendredi matin, il se retrouve coincé derrière la porte d'entrée alors qu'habituellement j'anticipe son arrivée et la déverrouille à partir de neuf heures. J'aimerais pouvoir dire que c'est par simple précaution, mais en réalité c'est une obsession. Je n'ouvrirai définitivement les portes du Cupcakes & Coffee que lorsque ce sera l'heure.
— Salut, dit-il avant de foncer au vestiaire.
— Salut.
Court, rapide, égal. Parfait pour le remercier de ne pas demander comment je vais. Je retourne à ma besogne – à savoir : finir d'installer les gâteaux sous leurs cloches. À ma montre, il a quarante minutes de retard. Plus que les autres jours. Alors sitôt a-t-il remis un pied dans la salle que je m'apprête à le sermonner :
— J'ai été tolérante mais là tu...
— Je sais, coupe-t-il. Je suis désolé.
Il se gratte la tête, l'air réellement embêté.
— Ça ne suffit pas.
— Le problème c'est que tant que je n'aurai pas de contrat de travail, signé de ta main, je ne pourrai pas être là avant.
Je cligne des yeux, abasourdie face à son argument. En gros, si je veux qu'il soit là à l'heure, je dois lui certifier qu'il aura la place ?
— Tu es très mauvais en chantage, fais-je remarquer.
Il me sourit comprenant très certainement aussi bien que moi que je n'ai pas le choix. Qu'importe qu'il arrive à l'heure ou non, hier il avait raison, je vais avoir besoin de lui comme garde du corps. Ne serait-ce que pour me sentir rassurée.
La preuve, depuis qu'il est là, mon cœur a repris un rythme de croisière normal, mes oreilles ont cessé de bourdonner et je n'ai pas regardé une seule fois la rue.
Je le regarde à lui. Et même si ça me fait chier c'est toujours mieux que d'écouter ma tête me dire que je dois avoir peur. Car, que se passera-t-il lorsque la demande de George sera rejetée ? Et s'il restait sur Seattle ?
Compter sur Jamie la journée c'est une chose, le soir, la nuit, en est une autre.
Mon souffle se tarit, ma poitrine me brûle. Concentre-toi sur lui, Vic.
C'est ce que je fais. Et la vision est plus qu'agréable, je ne vais pas mentir.
Chiffon à la main, Jamie est déjà en action. Il place les chaises et astique les tables. Aujourd'hui pas de chemise. Il porte un T-shirt à manches courtes blanc. Je ne sais pas si ça vient de la couleur ou de la matière, mais même à un bon mètre de lui, je suis capable de dire avec exactitude quel muscle intervient dans ses mouvements, lequel se contracte, lequel s'étire. J'aurais dû être plus assidue à mes cours de biologie, j'aurais pu en citer les noms.

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Fight & Deal
RomanceElle est sa boss, mais c'est lui qui commande ! Victime d'une violente agression, Vic reprend peu à peu goût à la vie en ouvrant un petit café de quartier, mais en fermant son coeur à toute émotion. Alors qu'elle recrute un serveur, elle fait la co...