Chapitre 14 : Vic

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« Un sourire coûte moins cher que l'électricité, mais donne autant de lumière » Abbé Pierre



J'ai décidé que désormais je ne comptabiliserai plus les nuits où j'ai peu ou pas dormi. Qu'importe que je sois fatiguée, moche ou que ça joue sur mon humeur. Au moins, je me souviens que si je suis dans cet état, c'est parce que tout n'est pas réglé dans ma tête.

Ça pourrait paraitre simple mais aujourd'hui, comme tous les lundis, je vais manger chez ma mère. Je jette un coup d'œil à ma montre. Il est un peu plus de onze heures et Jamie n'est toujours pas là. Je lui envoie un message.

[La ponctualité n'est vraiment pas ton fort...]

En plus de m'agacer qu'il soit en retard sur l'horaire que nous nous étions fixés hier, je suis déçue qu'il ne soit pas venu plus tôt comme la veille. À croire qu'en réalité, il n'avait jamais pensé être là pour me rassurer, et que son histoire de courses à faire était vraie.

Quelque chose en moi refuse d'emblée cette idée. Ça va à l'encontre de ses agissements, car même s'il ne me demande pas comment je vais, ces derniers jours, j'ai bien senti ses regards dans mon dos, sa façon d'étudier mes faits et gestes, et quoi dire de sa proposition à m'accompagner chez Charlyne et Matthew ?

C'est insensé.

Comme son sourire faiblard et son silence face à ma demande d'entraînement. Il n'a pas dit oui, il n'a pas dit non. D'un côté je me réjouis qu'il puisse hésiter et qu'il ne rejette pas d'emblée l'idée, et d'un autre côté, son incertitude me blesse parce qu'il vaudrait comme un choix difficile à faire dans sa vie.

Je ne l'ai pas demandé en mariage, bordel !

De derrière la vitrine du Cupcake & Coffee, j'entends la moto de Jamie rugir avant de la voir. Je m'empresse de récupérer mon sac à dos rempli de quelques provisions pour chez ma mère et je sors au pas de course. Je vais être en retard et me prendre tout un tas de remarque dans la tête.

Je verrouille la boutique et rejoins Jamie à sa moto.

— Salut. Je commençais à m'inquiéter.

Aucune réponse, absence totale de réaction, il reste le dos droit, les mains accrochées aux poignées de sa bécane et le regard fixé devant lui. Génial... Je ne dois sans doute pas être la seule à avoir passé une nuit de folie.

Je lui donne l'adresse de chez ma mère puis enfile mon casque et monte derrière lui. J'ai à peine le temps de glisser ma main sur sa hanche qu'il s'insère dans l'avenue.

Heureusement pour moi, si sa bonne humeur semble être restée coincée dans l'espace-temps, ça n'a aucune incidence sur sa conduite. Mais juste pour le faire chier et parce que j'avoue que ça m'emmerde profondément de le voir aussi froid, j'émets une pression sur son flanc. Il ralentit. Je sens ses cordes vocales vibrer sous mes doigts dans son hurlement :

— Quoi ?!!

Je décale ma main sur ses abdominaux même si ça m'oblige à me rapprocher de lui, puis je crie à mon tour :

— Rien !!!

Mieux vaut deux fois qu'une : pas de réponse, absence totale de réaction, je n'ai même pas saisi l'ombre d'un soupir sous ma paume. Il accélère et je ne tente pas de le taquiner une nouvelle fois. Je ne connais pas Jamie depuis longtemps, mais je le connais assez pour savoir qu'il a un self-control hors du commun et que je ne réussirai pas à lui soutirer quoi que ce soit. Néanmoins, je ne change pas de position. Je reste collée à son dos, parce qu'il me protège du froid, parce que la posture est plus naturelle et plus confortable et rien d'autre... Ok, j'avoue que je suis déstabilisée de le voir ainsi. Le repas chez Charlyne s'est très bien passé, et l'après-midi a été tout aussi agréable. Il a ri, il a fait des blagues, il m'a taquinée. Alors quel est le problème ?

Fight & DealOù les histoires vivent. Découvrez maintenant