« La persévérance, c'est ce qui rend l'impossible possible, le possible probable et le probable réalisé »
Léon Trotsky
Comme à chaque fois que Charlyne passe la porte du Cupcake & Coffee, elle accourt jusqu'au Jukebox et lance la première musique qui lui passe sous la main. Étant donné que c'est un Wurlitzer des années 60, j'ai pu remplacer les vieux disques de l'époque par des 45-tours plus récents. Ce Jukebox, est seul rescapé avec notre chat de notre ancienne colocation.
Mon café étant fermé le lundi, ma meilleure amie se permet de monter le son. La voix de Madonna résonne entre les murs du magasin. Je me souviens du jour où je l'ai acquis comme si c'était hier. Mon père se tenait exactement où Charlyne se trouve aujourd'hui. Après avoir fait un tour d'horizon, il m'avait dit : « C'est audacieux. Et là au moins, je sais que tu n'accueilleras pas tes clients en petite tenue. ». Puis il avait tourné les talons.
Malheureusement, il n'a jamais pu remettre un pied ici. Mais je suis tout ce qu'il a toujours voulu que je devienne : autonome, responsable, et entreprenante. Alors qu'à mes débuts je me contentais de proposer des boissons et des pâtisseries, aujourd'hui, j'anime des ateliers plusieurs fois par semaine, je propose de la petite restauration le midi, je fais quelques fois des goutés pour les anniversaires et j'ai même réussi à décrocher des contrats de fournisseurs dans de petites entreprises locales.
Et comme c'est ici que je compte passer toute ma vie, j'ai agencé ma boutique pour qu'elle soit à mon image. Hormis les meubles de style baroque, qui ont été repeint couleur argentée et les assises des fauteuils couverts de tissu rose pastel, tout le reste est fait de couleurs vives, et d'objets de décoration moderne. Et grâce aux grandes baies vitrées qui donnent sur l'avenue, la lumière nous offre la liberté.
J'entends le plafond au-dessus de ma tête vibrer, et je rappelle ma meilleure amie à l'ordre :
— Charlyne ! Baisse le son !
Je passe derrière le comptoir. Elle s'exécute mais se met à chanter horriblement mal :
— Hoooo, Like a virgiiiin !
Je fourre la tête dans le réfrigérateur et le temps que j'en sorte deux canettes de coca-cola, Charlyne s'est matérialisée devant moi.
— Fut un temps tu ne te plaignais pas de ma voix, fait-elle remarquer.
— En ce temps-là, nous avions besoin l'une de l'autre pour payer le loyer, et honnêtement il valait mieux t'avoir dans les oreilles, qu'en tant que cuisinière...
Elle me tire la langue.
— Bon, dit-elle en jetant un coup d'œil à sa montre. Nous avons une heure devant nous. Qui commence ?
— Tu as l'air d'avoir des tonnes de choses à me raconter, alors... Laisse-moi juste réfléchir deux minutes.
C'est notre rituel. Je dois seulement lui trouver un mot avec lequel elle devra raconter quelque chose. Je fais semblant de chercher juste pour la forme parce qu'avec ma meilleure amie je pourrais dire « crotte de nez » qu'elle trouverait un truc génial à raconter. Un jour, je lui ai donné le mot adamantin, loin de moi l'idée de tester ses connaissances ou sa culture générale, mais là où je lui aurais raconté avoir eu du mal à percer un mur qui se trouvait être aussi dur que du diamant, elle, a commencé à me parler de Matthew... du sourire éclatant de Matt, de la douceur de Matt, de la dureté de Matt... bref ! À gerber !
Même si ce jeu peut paraitre stupide, il me permet, et Charlyne le sait, de parler de certaines choses de façon très imagé. La seule règle est qu'il est interdit de prononcer tous les mots se rapprochant de près ou de loin de mon père ou de George. Tout ceux-là je les réserve à Clara, ma psy, largement plus que ma psy.

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Fight & Deal
DragosteElle est sa boss, mais c'est lui qui commande ! Victime d'une violente agression, Vic reprend peu à peu goût à la vie en ouvrant un petit café de quartier, mais en fermant son coeur à toute émotion. Alors qu'elle recrute un serveur, elle fait la co...