« Il faut savoir ce que l'on veut. Quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire ; quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire. » Georges Clemenceau
J'ai sciemment évité Vic toute la soirée, et je pense qu'elle l'a très bien compris. Du moins c'est le seul argument que je lui ai trouvé quand j'ai vu qu'elle comptait rentrer chez elle.
J'étais dans ce couloir pour plusieurs raisons, la principale pour être au plus loin d'elle, pour ne pas être tenté de l'embrasser, pour ne pas davantage apprécier sa compagnie, en bref, pour prendre mes distances mais aussi parce que j'avais besoin de réfléchir à ces dernières vingt-quatre heures : je suis mouillé jusqu'au cou, je ne peux pas quitter cet emploi maintenant que la machine est lancée, alors je dois accepter de prendre des risques avec l'histoire d'ex de Vic.
En vrai, j'ai aussi la trouille qu'elle puisse m'apprécier et tomber de haut en apprenant qui je suis réellement.
D'ailleurs, en la voyant observer le mur des trophées où sont affichés une partie des miens, je redoute de piquer sa curiosité. J'ai rallumé les lumières et la climatisation, une paire de gants de boxe de petite taille en mains, je la rejoins. Elle a les yeux fixés sur une photo de moi. Sur ce cliché, je suis trempé de sueur, sonné par la victoire. Porté par Izaac et mon père, je brandis dans les airs la ceinture que je venais de gagner : la WBA. Mon cœur se serre, ma mâchoire se contracte. Ce titre prestigieux, comme tous les autres qui l'ont précédé, m'ont été arrachés. Il ne me reste que ma notoriété, l'affection de ceux qui me connaissent vraiment, et ce genre de photo pour me rappeler ce que j'ai été.
— The Gusty Wind... lit Vic sous le cliché.
Je l'ignore et lui tends les gants de boxe noir que j'ai dégotés pour elle.
— Tiens, ils devraient t'aller.
— C'est toi sur cette photo ?!
Question rhétorique bien entendu, elle sait que c'est moi. Sauf que la veille chez ses amis, sentant que Matthew était à deux doigts de me reconnaitre, j'ai délibérément déformé la réalité.
Ok. J'ai menti. Je pousse un soupir et rejoins les sacs de frappe dans le milieu de la salle. Elle me suit en trottinant.
— Alors ?
Il semblerait que je doive dire quelque chose pour qu'elle me lâche :
— Avant j'étais : « the Gusty Wind ». C'est de l'histoire ancienne. Malheureusement, le propriétaire du club pense que ça peut ramener des clients de me voir trainer ici !
J'insiste sur le fait que je ne suis pas ce fameux proprio sinon quels arguments j'aurais pour vouloir à tout prix son poste de serveur ? Je me place derrière un des sacs et lui fais signe d'approcher. Elle regarde les gants dans ses mains et fronce les sourcils, légèrement agacée :
— Tu penses que je vais me promener avec des gants de boxe tous les jours ? Et auquel cas, tu crois réellement que mon agresseur me laissera le temps de les enfiler ?
Elle prend une voix fluette et se met à papillonner des yeux :
— Attendez monsieur l'agresseur, je mets mes gants de boxe pour vous péter la tronche et ensuite vous pourrez faire ce que vous voulez de moi ! Non mais tu réfléchis deux minutes ? Tu sais ce que c'est une agression ?
Que trop bien. Si habituellement j'aime quand elle raconte des conneries, avec ce qu'il vient de se passer au Cupcakes & Coffee, je n'ai vraiment pas envie de rire. Je lui fais savoir en soupirant profondément. En même temps, ça me permet de repousser les sentiments qui m'avaient surpris lorsque j'ai eu son message. Je récupère un peu brusquement le deuxième gant qu'elle n'arrive pas à enfiler. Tout compte fait, la haine persiste. Pas vis-à-vis d'elle, mais contre son connard d'ex-petit ami. J'écarte les bordures en cuir, et après qu'elle ait glissé sa main dedans, je m'éloigne et me replace derrière le sac de frappe.
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Fight & Deal
RomansaElle est sa boss, mais c'est lui qui commande ! Victime d'une violente agression, Vic reprend peu à peu goût à la vie en ouvrant un petit café de quartier, mais en fermant son coeur à toute émotion. Alors qu'elle recrute un serveur, elle fait la co...