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Même si Raja lui avait laissé la direction de la clinique des métamorphes– les intéressés l'appelaient la « climé » -, Bianca n'avait jamais pu se résoudre à changer de tenue. Elle portait donc, comme à son habitude, l'uniforme blanc des infirmières, son métier d'origine, tandis qu'elle arpentait les couloirs de la climé.

En saluant ses collègues au passage, en répondant aux questions des patients, elle sortit du bâtiment principal.

Le problème lorsque l'on prenait en charge des patients capables de se transformer en animal – un animal qui ne pouvait être deviné par le personnel médical si l'intéressé ne disait pas la vérité –c'était qu'il était difficile de savoir comment les contenir avant qu'il ne soit trop tard. Aussi Morgane avait-elle mis en place un certain nombre de sorts pour parer aux cas les plus probables.

C'est pour quoi Bianca croisa un léopard en train de se jeter sur une barrière invisible. Rendu fou par la douleur, il essayait de lacérer les infirmiers qui voulaient le soigner. Ceux-ci durent lui planter une fléchette tranquillisante dans l'épaule pour arriver à quelque chose.

Elle vit également le papillon dont elle avait suturé l'aile voler dans le couloir, heureux de retrouver sa mobilité. Il se serait échappé sans finir ses soins si Morgane n'avait pas installé un sort empêchant les patients de quitter les lieux sans le consentement d'au moins deux membres du personnel et d'un membre de leur famille, s'ils en avaient.

Une fois à l'air libre, elle laissa de côté les agrès de rééducation pour singe, puis l'aquarium extérieur pour se rendre à la mare.

Une fois arrivée, elle agit comme Raja l'avait souvent fait au cours des années précédentes : elle s'assit tranquillement, posément, sans geste brusque, croisa les jambes et observa le colvert qui barbotait, seul.

-Bonjour, Donald.

L'oiseau se tourna vivement vers elle, surpris. Il cancana une réponse que, bien entendu, elle ne comprit pas.

-Tu m'as l'air en forme aujourd'hui.

*

**

Elle était revenue. Le cœur de Donald s'accéléra brusquement. Il aurait aimé l'entendre arriver, se préparer à sa venue. Malheureusement, ses années de captivité avaient eu raison de son ouïe, et son odorat était aussi mauvais que celui d'un canard sauvage.

Il y réfléchissait depuis longtemps. Il était peut-être temps...d'avancer.

Ce que Bianca était en train de lui expliquer, pour la centième fois sans doute.

-Je ne sais pas ce qui te pousse à rester dans ce corps de canard jour après jour, disait-elle. Je sais que tu es mal dans ta peau, que tu as souffert de la ménagerie. Mais, Donald, t'enfermer dans ton rôle de canard n'est pas la meilleure des solutions. Tu vaux mieux que ça.

Il n'avait jamais été d'accord avec cette dernière phrase. Bianca ne le connaissait pas assez pour savoir s'il valait mieux que son corps d'animal. Cependant, elle semblait le croire.

Il joua de ses pattes palmées pour s'approcher d'elle. Elle ne le quittait pas des yeux, concentrée sur chacun de ses gestes, sans cesser de parler.

-Il nous serait tellement plus facile de te venir en aide si nous pouvions te parler réellement. Si nous pouvions échanger. Tout ce que nous demandons, c'est une conversation. Une seule, après tu feras...

Elle s'interrompit net. Donald venait de redevenir un homme, sous ses yeux, pour la première fois depuis... pas si longtemps que ça, en vérité. Il l'était redevenu devant Raja, par la force des choses, peu de temps auparavant, mais ne l'avait pas désiré. Aujourd'hui était la première fois depuis des années qu'il redevenait un homme de sa propre volonté.

Prime de chasse - Chasses interdites 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant