Chapitre 50

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Ma dernière fournée de pancakes desservie dans l'assiette, j'éteignis l'appareil et amenai ladite assiette sur la table à manger. J'apportai ensuite la confiture, la pâte à tartiner – le Saint-Graal de Lucas, le sucre, les bols et démarrai la machine à café. En attendant, je rangeai le salon. Je pliai le plaid du canapé, tapotai les coussins déformés et passai un petit coup de balai.

Mina, dans la chemise de mon frère, descendit la première avec de tout petits yeux. Elle se les frotta, bâilla, les cheveux coiffés après une longue nuit agitée, et sursauta en m'apercevant dans le salon. Je la saluai avec un grand sourire amusé.

— Tu m'as foutu les jetons ! Qu'est-ce que tu fais là ? T'es rentrée quand ? m'interrogea-t-elle la voix à moitié cassée.

— Vers sept heures, rigolai-je, tu prends bien du café le matin ?

— Oui... Je t'ai même pas enten...

Sa phrase s'interrompit. Intriguée, j'arquai un sourcil et adossai le balai dans un comble. L'effroi défigura ses traits, son regard écarquillé fixé sur mon œil droit. J'amenai ma main au niveau de ma tempe – à la naissance de cette belle blessure aux couleurs noir et violet qui allait me priver d'un peu de visibilité pour la journée. Je frôlai ma peau endolorie, grimaçai à ce léger contact et Lucas apparus dans le dos de la jeune femme, vêtu de son jogging. Il embrassa le sommet de la chevelure de Mina, surprise par sa présence, et emprisonna son cou de son bras imposant en redressant son attention en face de lui. Sa réaction ne se fit pas attendre.

— Putain, qui t'a fait ça ? C'est le type que tu devais voir cette nuit ? s'emporta-t-il

Lucas bondit sur moi, poussa Mina dans son élan brusque. Il hésita à poser une main sur ma joue, mais se rétracta à ma crispation. Il toisa mon œil à demi fermé, le visage tremblant, possédé par une rage fulgurante. Je repérai une veine apparaître le long de son cou, la même que celle de Frédéric. Je retroussai mes lèvres, reformai un sourire attendri qu'il perçut comme une provocation. Les nerfs à vif, je me dépêchai de le calmer et de le rassurer.

— Lucas, je suis tombée du lit au réveil. Je me suis pris le coin de la table de nuit... Tout va bien.

Je me notais qu'il fallait absolument que je prévienne Frédéric si je le croisais cet après-midi au repère. Lui, ce n'était pas comme ça qu'il allait réagir.

Lucas, la tension diminuant à faible allure, me jaugeait de ses yeux marron, injectés d'une colère qui gonflait mon cœur d'amour.

— J'espère que tu dis la vérité.

— Je te le promets.

Il inspecta mon œil au beurre noir, me demanda si j'y avais étalé de la crème. Je lui répondis que j'étais passée à la pharmacie en louchant sur Mina, les bras retroussés, en retrait. Elle posait un regard que je n'arrivais pas à définir sur mon frère. Intimidé, admiratif, triste. Elle osait le rejoindre, alors je reculais et leur ordonnai de passer à table. Lucas soupira, ses doigts dans sa chevelure épaisse, et expira l'air négatif de ses poumons.

Dans la cuisine, j'empoignai la cafetière et leur servis de ce liquide corsé, tandis que Lucas hallucinait en découvrant tout ce que j'avais préparé.

— T'es tombée du lit ou quoi ?

— Ah.Ah.Ah.

Lucas grimaça à son lapsus et s'excusa. Il s'installa à table et apprécia son café avec un morceau de sucre à contrario de Mina, sa vision perdue dans le pot de confiture. Son sourire ne rayonnait plus comme elle avait l'habitude de me le montrer. Sa voix ne berçait plus mes oreilles. Son mutisme m'inquiétait et je compris dès l'instant où Lucas posa cette question :

Désillusions // Eren X Reader X LivaïOù les histoires vivent. Découvrez maintenant