Chapitre 53

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Hanji était méconnaissable. Les maquilleuses avaient passé plus d'une heure entière à teindre son visage en blanc et ses lèvres en rouge. Tandis que les coiffeuses avaient eu besoin de trois heures pour dresser la chevelure de la jeune femme. Maintenant, le temps était venu de l'habiller. Une tout autre histoire tout aussi interminable. Même la future mariée n'en pouvait plus. D'ailleurs, nous ne pouvions pas dire qu'elle était vraiment parmi nous. Elle n'avait pas jeté un seul coup d'œil à son apparence dans le miroir sur sa gauche. Elle ne souriait pas, parlait en monosyllabe. Chrislène, Yuna et moi-même essayions tant bien que mal de lui changer les idées, de lui voler une petite expression de bonheur. Mais la tristesse peignait son regard, dominait l'espace et déteignait sur ma sœur, au bord des larmes. Yuna passait ses heures à la prendre dans ses bras. Quant à moi, je m'efforçais à faire comprendre à la future mariée l'importance de cette journée. Que c'était son jour.

Elle n'entendait pas.

Et je la comprenais.

Dans peu de temps, à rester ici, je rattraperais l'état de ma sœur avec son mouchoir dans la main remerciant le ciel d'avoir utilisé un maquillage waterproof. Ainsi, je fis signe à Chrislène que je sortais prendre l'air. Je soufflai une fois la porte fermée derrière moi et déambulai dans le couloir de l'hôtel, réservé exclusivement pour le mariage. J'effectuai de petits pas dans ce kimono noir. Ma patience mise à rude épreuve. J'avançais à deux à l'heure là-dedans.

Je toquai sur cette planche en bois d'un blanc crème et entrai avant d'entendre l'autorisation de mon frère. En le découvrant, le visage déboussolé, je me disais qu'ils seraient beaux ces deux-là sur leurs photos de mariage à tirer une gueule de six pieds de long. Un bon souvenir à emporter...

Autant voir Hanji aussi mal ne se répercutait pas encore sur moi, mais être spectatrice de la souffrance de mon frère réveillait une douleur lancinante dans ma poitrine. C'était censé être le plus beau jour de leur vie et il s'était transformé en un poids lourd dont ils rêvaient de s'en défaire à la hâte.

Frédéric m'accorda une œillade pour connaître la personne qui s'aventurait sans permission dans sa chambre. Il heurta mes prunelles pleines d'émoi et retourna se perdre dans le paysage que lui offrait la fenêtre.

— Tu es très beau, lui déclarai-je tendrement.

Très beau était un euphémisme. Cet homme était d'une beauté à se damner dans son montsuki noir. La puissance de son aura aurait pu mettre le monde à ses pieds. Frédéric leva un bras dans ma direction. Je déposai ma main dans la sienne et il m'attira contre son torse. Dos à lui, il tomba son front sur mon épaule dans un soupir déchirant. Mes larmes me piquaient.

— Merci d'être toujours restée avec moi...se confessa mon frère d'une voix fragilisée par l'émotion.

J'apposai mes mains sur son avant-bras au-dessus de ma poitrine et caressai la soie de son tissu en bloquant ma tête sur son profil. Son après-rasage et son eau de Cologne inhalaient dans mes narines.

— Où tu voulais que j'aille ? le taquinai-je, tu perdrais la face sans moi.

Son rire chatouilla ma peau et combla mon cœur d'un peu de bonheur. Au moins, il n'avait pas perdu son second degré. Notre silence commun nous emportait loin dans nos pensées jusqu'à ce qu'il le rompe et déclenche une violente crispation de tous mes muscles.

— Je suis désolé. Tellement désolé.

Il me projeta loin. Beaucoup trop loin. Dans cet endroit que je me refusais d'aller. Cinq secondes de torture où les excuses de mon frère passèrent en flèche dans ma tête.

Désolé d'avoir été une entrave à ton bonheur, un obstacle à ton amour. De n'avoir rien compris dès le départ. D'être resté aveuglé et de ne pas avoir été le frère que tu attendais. Désolé pour mes absences à tes souffrances silencieuses. Désolé d'avoir agi égoïstement.

Désillusions // Eren X Reader X LivaïOù les histoires vivent. Découvrez maintenant