Chapitre 49

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— Tu n'aurais pas vu mon pull noir ? Je l'avais mis sur la rampe d'escalier, je le trouve plus.

Lucas parut dans le miroir de notre salle de bain. Il s'appuya sur l'embrasure de la porte en découvrant mon apparence et ses yeux s'assombrirent. Son rôle de père le rattrapa ; il inspecta ma tenue comme il le ferait avec sa fille avant qu'elle sorte entre amis dans plusieurs années. Il la passait aux rayons X, logés dans ses prunelles noisette, pendant que j'attendais une petite réaction, une petite remarque. Qu'importe, mais qu'il cesse cette insistance gênante sur mon corps. Surtout que j'avais beau chercher, je ne trouvais rien d'indécent ou d'exhibant dans mon accoutrement. Cette robe en coton ne divulguait ou ne laissait pas de place à l'imagination. Elle marquait néanmoins ma taille. C'était une tenue dans laquelle je me sentais à l'aise. Par contre, je subissais ces collants noirs qui conservaient la chaleur suffocante de mon corps. Je crevais de chaud. Mes joues rougissaient avec une facilité qui me mettra dans l'embarras toute la nuit. Mais le pire était la transpiration. Je passais mon temps à m'asperger de déodorant de peur que ma puanteur explose à mes narines. Et aux siennes...

— C'est trop ? finis-je par lui demander peu confiant.

De la pointe de mes orteils aux racines de mes cheveux, j'entendais mon cœur pulser à pleine balle. Mes dents dévoraient la fine peau de mes lèvres et m'obligeaient à remettre cette couleur rouge qui ajoutait l'unique touche sensuelle à mon ensemble. Lucas, derrière moi, m'observait en silence, les bras croisés contre son torse, ses muscles plus marqués qu'un autre jour ordinaire. Il évaluait mon décolleté inexistant, jaugeait mon seul bijou à mon poignet. Mon petit coup d'eyeliner tout fin, ma coiffure toute simpliste qui m'avait pris des heures à valider. Mais surtout, il absorbait la détresse dans mon regard. Alors, il garda pour lui ses réflexions et termina par me dire :

— Tu es très belle.

Mes tympans n'attendaient que ce genre de compliment pour qu'une déferlante de bien-être envahisse mon être. Sa première marque d'affection verbale en vingt-cinq ans d'existence. Ça se fêtait. Si je n'avais pas passé quarante minutes à me maquiller d'un simple trait sur les paupières, j'en aurais versé ma petite larme. Je ramassais mon attirail dans ma trousse de toilette avant que l'autre ne râle et lavai le lavabo de quelques mèches de cheveux tombées au combat.

— Nerveuse ?

— Oui, répondis-je trop rapidement.

— C'est tout nouveau, j'ai l'impression. T'as l'air d'un petit chiot abandonné qui attend qu'on lui montre le chemin à prendre.

Il ne pensait pas si bien dire. J'analysai encore mon visage dans la glace, le contrôlai pour la énième fois en sentant mon frère se retenir de souffler d'exaspération.

— C'est la première fois que je vais à un rendez-vous où je sais que l'histoire n'en restera pas à une partie de jambes en l'air, avouai-je pour trouver de l'aide.

— Tu vas te lancer dans une histoire sérieuse ? se moqua-t-il, bon... est-ce qu'on peut parler de sérieux un rendez-vous à une heure du mat ?

— Il a des horaires de nuit, mentis-je qu'à moitié, puis, ça ne me dérange pas.

Il garda son avis pour lui. Il haussa les épaules et retourna dans le couloir, tandis que je me dirigeai vers ma chambre. Je rangeai mon deuxième choix de robe sur un cintre, et extirpai mes bottes neuves de leur boîte, un achat excessif de ce matin, mais sans regret. Je les enfilai et me contemplai dans mon grand miroir mural. Je vérifiai que j'avais bien enlevé les étiquettes sous mes chaussures, sniffai mes dessous de bras, et retirai mon manteau du placard avec une main tremblante et moite de nervosité.

Désillusions // Eren X Reader X LivaïOù les histoires vivent. Découvrez maintenant