Désillusions // Eren X Reader X Livaï

Chapitre 4

Un jeune serveur nous présenta notre table dans ce grand restaurant lumineux. Je cachai mon sourire étonné lorsqu'Eren me tira la chaise et m'invita à m'asseoir. La galanterie ne lui allait pas, surtout en sachant ce qu'il avait en tête. Mais, je m'installai, affamée par toutes ces bonnes odeurs. Eren prit place en face de moi et adossa son poing sur la table. Je réceptionnai le menu donné par le serveur en m'amusant avec les sandales qu'Eren m'avait trouvées dans une autre chambre. Je le feuilletai, l'eau à la bouche, et ne révélai la tête que lorsque mon choix fut arrêté.

— Je prendrais une soupe à la citrouille.

L'oyabun hocha la tête en direction du serveur. Ce dernier me retira le menu des mains en s'excusant et s'en alla après une inclinaison. Je prêtai attention seulement maintenant aux alentours plutôt calmes. Peu de personnes y mangeaient malgré les quinzaines de tables disponibles. Le bruit que je percevais me semblait venir d'une autre pièce. Les rares hommes qui prenaient leur souper avaient retroussé leurs manches de chemise jusqu'aux coudes. Ils nous dévoilaient leurs œuvres d'art encrées dans leur chair. Des écailles, des vagues, des pétales de sakura, du rouge, du bleu, de l'orange, du blanc. Ils s'arrêtaient nets à la naissance de leurs poignets pour quelques-uns, pour d'autres au milieu de l'avant-bras.

Je me reconcentrai sur l'homme aux yeux rares, m'imaginai quelle sorte de dessin régnait sur son corps. S'ils en étaient imposants.

— C'est une belle auberge. Elle vous appartient ? commençai-je la conversation sachant qu'il ne la fera visiblement pas.

Eren acquiesça et compléta :

— Elle appartient à ma famille depuis trois générations. Mon arrière-grand-mère désirait tenir un lieu pour les voyageurs. Ainsi, son mari, mon arrière-grand-père et oyabun, lui a offert ce terrain où juste une vieille maison en bois tenait encore debout. Un an après, elle accueillait. La décoration est restée la même : au goût des vieux.

Je ne pensais pas être autant intéressée par son histoire. Elle n'avait rien d'exceptionnel. Mais chaque mot que traversaient ses lèvres m'atteignait en pleine poitrine, mais aussi à un endroit plus au sud.

— J'aime beaucoup. On s'y sent bien.

Ses prunelles brillaient sous l'éclairage du lustre. Le yakuza pigmentait la couleur de mes joues et développait mon sourire nerveux. Je le cachai avec mon verre, avalai une petite gorgée d'eau fraîche en attendant un liquide plus cordé et propice. Celui-ci arriva peu de temps après. Une belle couleur rouge rubis qu'Eren me servit à la place de l'employé. Dans son action, la luminosité attira mon champ de vision sur sa chevalière. Cette plaque rectangulaire au motif ciselé emportait ce J gravé dont toute personne en connaissait la signification. Ce bijou était une antiquité qu'on enseignait même à l'université dans certaines matières. Je me trouvais en face d'elle, tout en ayant conscience des risques. Un mélange d'excitation et de danger me tordait l'estomac et diminuait ma faim.

— Je lève mon verre à cette future soirée qui, j'espère, vous fera oublier cette journée fatigante, prononçai-je

Le sourire d'Eren s'élargit. Il me suivit dans mes gestes. Son dos quitta le dossier et ses doigts glissèrent autour du pied de son verre pour le lever à la hauteur du mien. Un doux son aigu résonna à nos oreilles. J'apportai le buvant à mes lèvres et dégustai ce vin. Au-dessus du verre, j'observais le trajet de la pomme d'Adam de cet homme. Ce mouvement de bas en haut. Et remontai mon attention sur son visage, sur ses petites mèches brunes rebelles qu'ils ne pouvaient pas attacher dans son chignon. Il fixait son verre comme si toutes ses pensées se présentaient à lui. Hypnotisé, il semblait s'être égaré, ainsi je tendis ma jambe droite à la recherche de la sienne sous la table. Je trouvais son mollet. Aussi développé que son torse. Et à ce contact, il revint à lui. Il déposa ce qu'il avait dans la main et retomba sur sa chaise en expirant les tensions dans ses épaules.