Chapitre 13

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Un supplice pour lui. Un calvaire pour moi. A chaque mouvement et effort que je lui faisais faire, il retenait ses cris de douleur entre ses dents. Je soutenais tout son poids. Son bras bloqué autour de ma nuque et le mien agrippé à sa taille, nous avancions millimètre par millimètre vers la sortie de cette ruelle sombre et humide. Le vent froid nous parvenait de face et nous ralentissais. Néanmoins, je ne faiblissais pas et le forçais à marcher jusqu'à ma voiture, garée à l'entrée de ce chemin.

En sortant de ce long couloir, j'inspectai les alentours. A cette heure tardive, personne courait les rues, hormis les gros fêtards alcoolisés. Je lui informai que je le conduisais à l'hôpital d'une voix la plus calme que je pouvais donner et une voix rauque atteignit mon oreille en se transformant en une brutale quinte de toux. Ses genoux fléchirent et me déséquilibrèrent. Je tombai au sol avec lui, emportée et le regardai, vulnérable, cracher le sang qui rentrait dans sa bouche.

- Je dois vous emmener. Vous perdez beaucoup de sang, lui expliquai-je en cachant ma panique

Avant qu'il s'effondre une seconde fois, je me plaçai en face de lui et l'entourai de mes bras. Je massai son dos, entre ses omoplates et abaissai mon visage au plus près du sien afin de réussir à l'entendre malgré sa paume contre sa bouche en sang.

- Je m'en fous.

Je stoppai mes cercles sur son dos face à cette réponse égoïste d'une part et puérile de l'autre. Dans l'état où il était, je ne lui demandais pas son avis. Il devait juste obéir. Cependant, je ne pourrais jamais l'emmener à destination s'il refusait de bouger.

Mon portable dans la poche de mon manteau, bon pour l'incinération, je composai le numéro des urgences et le portai à mon oreille tandis que mes doigts s'enroulèrent dans sa chemise déchirée par la panique et le stress. Je tentai d'analyser l'ampleur des dégâts en écartant sa veste, là où je pensais trouver une blessure importante. Je tirai sur le tissu en bloquant mon portable entre mon oreille et mon épaule et me figeai. La raison de son refus me parut évidente à présent.

- Oh mon dieu, murmurai-je

Je me décalai, laissant une faible lumière jaunâtre d'un lampadaire éclairer ce corps meurtri et celui-ci me confirma la présence de tatouage de son épaule à son coude, noyé dans son sang.

- Urgence de Tokyo. Nous sommes à votre écoute, parla un homme dans le combiné

Les lèvres cousues, le jeune homme répétait des « Allô » pendant que je bloquais, incapable de savoir quelle décision je devais prendre. J'ignorais si les hôpitaux acceptaient les Yakuzas. Le laisseraient-ils mourir ? A en croire la réaction de cet homme, je pouvais opter pour une réponse positive.

Je devais faire mon choix rapidement. Allais-je prendre le risque de l'emmener en sachant qu'ils le refuseront, et donc perdre un temps crucial ? Je ne pouvais pas appeler mon frère. Celui-ci ferait une attaque. Je regrettais de ne pas avoir le numéro d'Eren. Il aurait pu lui venir en aide.

Mon cerveau fusa d'idée rocambolesque et je m'arrêtai sur l'une d'entre elles. Horrible, risquée, stupide, idiote. Je ne voyais pas d'autre solution.

Je raccrochai aux urgences et rangeai mon portable. Une bonne inspiration s'imposa. Je réalisai ce que j'allais devoir faire. Devoir lui faire. Mais c'était soit ça, soit le regarder mourir.

- Relevez-vous, ordonnai-je, je ne vous emmènerais pas à l'hôpital, vous avez ma promesse.

Avec difficulté, nous nous relevâmes. Je m'accrochai fermement à sa veste et coinçai son bras contre ma nuque. Entendre ses gémissements me faisaient mal et c'était loin d'être fini. Il n'était pas au bout de ses peines.

Désillusions // Eren X Reader X LivaïOù les histoires vivent. Découvrez maintenant