Chapitre 34

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Je n'avais pas vu Daichi de la journée. Il ne m'avait pas informé de son départ et j'avouais qu'après dix heures d'affilée de travail intensif, notre accroche matinale n'était plus que le cadet de mes soucis. Je ne rêvais que d'un lit, peu importe lequel, et d'un bon massage.

Je souffrais le martyre avec cette épaule. La douleur me lançait dans tout le bras et s'étendait à mon omoplate. Je faisais mes étirements à une fréquence de plus en plus soutenue à tel point que Livaï avait pris ma place le temps que le médicament agisse. Cette situation m'agaçait, mais je reconnaissais que sans son aide, j'en aurais eu pour la nuit. Et en prime, j'aurais perdu mon bras.

La douceur du moteur me berçait. J'abandonnai mon poids sur le siège et tombai ma tête entre le rebord de la fenêtre et l'appuie-tête. Je priais pour m'éteindre dès l'instant où j'étendrai mon corps sur le matelas. Ce qui se trouvait sous mes yeux ne pouvait plus être qualifié de cerne. Ni même de poche. C'étaient des besaces. Cette nuit, je n'avais pas le choix de dormir, mais à force d'ordonner à mon cerveau de décrocher l'espace de quelques heures, il faisait tout le contraire. Et pourtant, là, dans cette voiture, j'avais espoir d'une nuit sans rêve et sans cauchemar.

— Merci de ne pas m'avoir écouté, m'exprimai-je en somnolant.

Une heure avant, je me serais détestée pour avoir prononcé cette phrase, mais sa présence, dans mon local, m'avait fait plus de bien que je le pensais. Contre toute attente, il s'était montré curieux sur mon métier. Les conversations s'enchaînaient entre Livaï qui essayait d'élucider la cause du décès et moi qui me servais de lui comme larbin. C'était en mettant un pied dehors à la fin de ma journée que j'ai réalisé que la nuit était déjà tombée.

— C'est une tendance chez les Kimura. Vous refusez les aides extérieures à cause de votre entêtement, mais vous êtes les premiers à reconnaître vos torts.

Je gloussai dans mon coin et papillonnai des cils afin de percevoir d'une façon plus nette, les lumières de la ville. Je remarquais un nombre plus important de personnes dans les rues. La plupart se promenaient près du parc et s'y engouffraient avec leurs enfants, un appareil photo autour de leur cou.

— C'est plutôt une bonne chose, non ?

Je quittai la foule des yeux pour ce beau yakuza au volant. Il se concentrait sur la route, mais déviait son œil par moment entre moi et le rétroviseur intérieur. Je croisai mes bras et mes jambes et ouvris mes oreilles en grand, impatiente d'entendre sa réponse.

— Tu aurais pu tout simplement nous éviter une scène si tu avais admis dès le début que tu avais besoin d'une tierce personne pour te prêter mainforte, balança-t-il

Je ne notais plus toutes les bavures qu'il avait commises durant la journée. Il avait passé tout son temps à se rattraper face à mon regard noir qu'à la fin, j'en souriais et trouvais ce défaut craquant. Mais là, il n'allait pas se reprendre. Il pensait chaque mot qu'il avait sorti.

— Pardon ? m'exclamai-je, je n'ai jamais fait de scène !

Je me redressai en tapant du pied et m'accoudai au tableau de bord, les lèvres pincées. Livaï, détendu, freina en douceur et rétrograda devant la naissance d'un bouchon à quelques mètres. À l'arrêt, il relâcha tout son poids sur le dossier et m'accorda son attention en posant son coude sur le rebord de la fenêtre. Il appuya sa tête sur son poing et cette prunelle, illuminée par les éclairages des panneaux publicitaires, m'enveloppa de sa beauté incomparable.

— Si, et tu recommences.

Je crachai tout mon oxygène en pestant. J'ouvris la bouche pour le réprimander, mais aussitôt, je la refermai. Je pris une bonne inspiration pour me reprendre et retroussai mes lèvres dans l'unique but de lui éviter « une scène ». Mon attitude sembla l'amuser et à son tour, il fut tout ouïe.

Désillusions // Eren X Reader X LivaïOù les histoires vivent. Découvrez maintenant