Chapitre 2

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Oh, un autre inconvénient à être aveugle : tu ne peux pas avoir de montre. Et là, j'aimerais vraiment, vraiment savoir l'heure. Pourquoi ? C'est simple : je suis actuellement en physique. Aaaaaaah la physique et moi, ça ne fait pas deux, pas trois, non, ça fait 5.

- "Psst... Tu peux me donner l'heure s'il te plait ?"

- "Bien sûr ! Il est... 17h30." Me répondit une fille à ma droite.

- "Encore 15 minutes..." Marmonai-je, plus pour moi que pour elle "Merci."

- "Ouais... C'est long..." Me dit-elle "Au fait, moi c'est Anna."

- "Ah... Enchantée..."

- "Humm... Et toi ?"

- "Mïa."

- "Oh c'est joli comme prénom !" Me dit-elle, avec un sourire dans la voix.

Oui, un sourire dans la voix. Vous n'avez jamais remarqué ? Quand quelqu'un parle en souriant, cela s'entend. Vous ne me croyez pas ? Faites le test, vous verrez !

- "Je viens juste d'emménager ici, dans le quartier des Dunes. Tu connais ?" Me demanda-t-elle.

Le quartier des Dunes ? C'est bien ce qu'elle a dit ?

- "Oui, j'habite dans ce quartier justement."

- "Oh ! C'est marrant !" S'exclama-t-elle.

- "Mademoiselle Tulier, je vous dérange peut-être ?" Lui demanda le professeur d'une voix forte.

Quelques secondes s'écoulèrent dans le silence, lorsque ma voisine me toucha le bras.

- "Hey ! Ça te dirait de venir prendre un verre avec tes parents chez moi ce soir ? Histoire qu'on fasse plus ample connaissance." Me dit-elle en chuchotant, cette fois.

- "Hummm... Pourquoi pas !"

Après ça, la cloche sonna, signalant la fin des cours, et de la journée. C'est drôle comme ce bruit est l'un de mes préférés !

- "Bon, bah alors à ce soir !" Me dit-elle gaiement avant de partir.

Les autres élèves sortirent de la classe dans un silence absolu. Ah ah. Non je blague. Tout le monde connait le bruit si commun du grincement des chaises contre le sol, des règles en fer qui tombent dans la précipitation et des voix qui s'élèvent.
Pour moi, ces bruits sont franchement insupportables, mais j'attend tout de même que tout le monde soit sorti pour me lever.
Pendant les cours, Pipo dort sous ma table. Ça a toujours été comme ça, il est habitué maintenant. Il est très sage, mais je me souviens qu'un jour, alors qu'il était malade, il avait vomi dans la classe, ce qui avait provoqué des cris de dégoût de la part de mes camarades. Non, ne les jugez pas, on était en 6ème.

- "Aller Pipo, on s'en va !" Dis-je à mon chien en me levant.

Tout content de sortir, il tira sur la laisse comme un fou.

- "Je suis là ma chérie !" M'interpela ma mère, lorsque j'arrivai sur le parking.

Guidée par sa voix, je la rejoignis dans la voiture, puis y entrai en poussant un long soupir.

- "Alors, cette journée ?" Me demanda ma mère gaiement en mettant la clé sur le contact.

Je posai ma tête contre la vitre.

- "Épuisante..." Lui répondis-je dans un souffle, ce qui la fit rire.

- "Ah oui ? Tant que ça ?"

- "Oh oui ! Il a fait super chaud ! Au moins 50 degrés !" ''M'exclamai-je.

- "Ah oui, au moins !" Se moqua-t-elle gentiment en imitant ma voix, qui soit dit-en passant n'est pas du tout comme ça, pensai-je.

- "Tu ne te rends pas compte maman ! Pour moi, chaleur signifie transpiration, transpiration signifie mauvaise odeur. Devine qui est mon prof principal cette année ? Monsieur Lambert ! Ce mec ne connait pas le déodorant, c'est impossible." Marmonai-je.

Ma mère explosa de rire avant de poser sa main sur ma jambe.

- "Oh, ma pauvre Chérie ! Quelle vie horrible tu as !"

- "Merci de t'en rendre enfin compte !" Lui répondis-je en souriant.

Nous étions vraiment complices et j'adorais ça ! Sincèrement !

- "Ah oui ! Une fille de ma classe qui a emménagé dans notre quartier nous a invités à prendre l'apéro chez elle ce soir." Lui dis-je.

- "Quelle bonne idée ! Elle a l'air gentille ?"

- "Oui oui..."

- "Ce serait super que vous deveniez amies !" S'enthousiasma ma mère, en garant la voiture.

Je marmonnai un vague "Oui" avant de sortir. Ne vous méprenez pas, ne pas avoir d'amis ne m'enchante pas totalement mais je n'en ai plus depuis longtemps. C'est devenu une habitude. Alors cette fille pleine de joie de vivre me déstabilisait. Et si elle se rendait compte que je ne suis pas une fille intéressante et me laissait tomber ? Je crois que le choc serait dur.
Vers 20h30, mes parents et moi allèrent donc vers la maison de nos nouveaux voisins.
C'est un homme avec une voix étonnement grave qui nous ouvrit la porte.

- "Bonsoir, entrez je vous en prie." Nous dit-il.

Ma mère me guidait dans cette maison, encore inconnue, en mettant sa main dans le bas de mon dos. Nous n'avions pas emmené Pipo, malgré mes demandes suppliantes. Ma mère m'avait dit que nous ne connaissions pas encore ces personnes, et que l'une d'entre elles pouvaient être allergique aux poils de chien ou tout simplement en avait peur. Bêtises, si vous voulez mon avis. Elle ne voulait juste pas s'encombrer.

- "Heureuse de vous rencontrer" leur dit ma mère.

Les parents d'Anna étaient vraiment très gentils, et le repas qu'avait préparé sa mère sentait délicieusement bon. C'est donc pour cela que lorsqu'elle nous a invité à commencer à manger, je me suis précipitée à table.
Et pour tout vous dire, ce repas, dont l'odeur ferait saliver n'importe quelle personne normalement constituée, était l'un des meilleurs que je n'avais jamais mangé.

- "Tu aimes Mïa ?" Me demanda Anna en riant, pendant le dessert.

Si j'aime ? Quelle question !

- "Oh oui ! J'adore même ! Ce repas était vraiment délicieux. Sincèrement." Lui répondis-je entre deux bouchées d'un fondant au chocolat DIVIN.

- "Je te remercie Mïa, c'est très gentil." Me répondit sa mère, heureuse.

À la fin du repas, mes parents et les siens se mirent à parler de la ville, de politique et de sport. Ennuyeux, selon moi. C'est donc pour cela que je me suis levée de table en m'excusant poliment, sous prétexte d'une envie pressante. Anna m'accompagna jusqu'aux toilettes puis repartit.
J'y étais depuis 5 minutes au moins, afin d'éviter leur conversation, lorsqu'un bruit attira mon attention.
J'ouvris les toilettes et me laissai guider par ce bruit que j'identifiai maintenant comme du piano. La personne qui était en train de jouer était douée, sans aucun doute. La mélodie, tellement belle, me fit frissonner. Waouh.
Je décidai de trouver la source de cette musique en avançant à l'aveugle, les bras tendus devant moi.
Après avoir heurté près de 3 murs et trébuché deux fois, j'y arrivai enfin. Ne voulant pas déranger l'artiste, je poussai la porte doucement.
J'écoutais ce chef d'œuvre depuis quelques minutes, savourant chaque notes avec éblouissement, lorsque la musique s'arrêta soudainement et que quelqu'un toussota.

- "Euh... Je peux t'aider ?" Me demanda une voix masculine.

- "Désolée, je ne voulais pas déranger..." Balbutiai-je, gênée, en commençant à refermer la porte.

- "Non, attends !"

Super ! Apparemment, la discrétion n'est pas non plus mon fort. Mais là, j'ai carrément l'air d'une voyeuse, dans le sens où il doit me trouver vraiment bizarre. J'ignorai l'appel et essayai de retourner dans le salon.

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