Chapitre 3

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J'ignorai cet appel et essayai de retrouver le chemin du salon. Malheureusement, dans la précipitation, je ne risquais pas d'y arriver. Et merde.
J'allais de nouveau trébucher lorsque quelqu'un posa sa main sur mon bras.

- "Attention, il y a une marche ici." Me dit le même garçon.

J'essayai de me libérer. Il rigola.

- "Je ne vais pas te manger, ne t'inquiète pas !" Rigola-t-il doucement. "Tu es la nouvelle amie de ma sœur non ?"

Je secouai la tête positivement.

- "Moi c'est Xavier, je suis son frère."

J'esquissai un vague sourire.

- "Tu... Tu joues très bien du piano..." Bredouillai-je.

- "Merci. Tu en joues aussi ?" Me demanda-t-il avec le sourire.

- "Euh... Non..." Lui répondis-je, en re baissant la tête.

N'avait-il pas remarqué que j'étais aveugle ?

- "Tu devrais essayer, quand on veut vraiment y arriver, ce n'est pas si difficile que ça."

- "Je partirais tout de même avec un léger désavantage..." Lui rappelai-je, sur le mode de l'humour, en faisant des gestes de guillemets.

- "Non, au contraire, je suis sûr que tu dois avoir l'oreille beaucoup plus musicale que les personnes avec deux yeux valides." Me dit-il, toujours en souriant.

- "Mouais..." Rigolai-je.

- "Ça te dit un petit test ?" Me dit-il en saisissant ma main.

- "Hein ? De quoi ?" Lui demandai-je précipitamment, en me laissant guider néanmoins.

- "Assis-toi là jeune demoiselle." Me demanda-t-il en m'aidant à m'asseoir sur une chaise. "Je reviens."

Je restai assise sur cette chaise dans l'incompréhension. Qu'entendait-il par test ?
Je l'entendis revenir et placer une deuxième chaise à côté de la mienne.

- "Donne moi tes mains." Me demanda-t-il gentiment.

Pourquoi donc ? Je les lui tendis, lentement. Il les plaça sur les touches du piano.

- "La plupart des pianos, comme le mien, sont composés de 88 touches. Pour faire court, plus les touches sont vers la gauche, plus elles produisent un son grave, plus elles sont vers la droite, plus elles produisent un son aiguë." Me dit-il en me faisant appuyer sur toutes les touches, pour me le démontrer.

Je ne l'écoutait que d'une oreille distraite. Mon esprit était concentré sur ses mains sur les miennes. Elles étaient douces et beaucoup plus grandes que les miennes, vu la manière dont il les tenait.
Il me fit entendre le son que produisaient chacune des touches une dizaine de fois, pour que je les mémorise.

- "Maintenant, je vais jouer une courte mélodie, pas trop compliquée, et tu vas essayer de la rejouer, compris ?" Me dit-il.

Je secouai la tête, et il se mit à jouer. La mélodie ne durait que quelques secondes seulement, et j'essayai de la mémoriser le mieux que je pouvais.

- "Maintenant, à toi." Me dit-il en souriant, lorsqu'il eut finit.

Bizarrement, j'avais envie de l'impressionner. Je soufflai un bon coup, repérai les touches en faisant glisser mes doigts dessus délicatement, et commençai.
J'étais vraiment concentrée, essayant de faire le moins d'erreurs possibles. À la fin, je reposai mes mains sur mes cuisses, presque essouflée.
J'attendis quelques secondes, le cœur battant, qu'il me donne ses impressions, mais il n'en fit rien.

- "Alors ?" Lui demandai-je donc, impatiente.

- "C'était vraiment..." Commença-t-il. "Vraiment impressionnant. Tu n'as fait que deux erreurs." Me dit-il d'une voix douce et souriante.

Je lui fis un grand sourire. Il répéta cet exercice plusieurs fois, avec un enthousiasme grandissant, tout en augmentant la difficulté. Nous rigolions ensemble avec une aisance incroyable. Il me fit écouter plusieurs chansons qu'il avait lui même inventées, toutes aussi belles les unes que les autres, même si j'avais une petite préférence pour celle qu'il avait nommée Everything Is Possible.
Je ne sais pas combien de temps nous sommes restés assis en face de ce piano. Ce que je sais, c'est que lorsque ma mère m'a appelée pour que l'on rentre chez nous, je n'avais pas envie de partir. Je me suis tout de même levée, lentement.

- "J'ai une proposition à te faire." Me dit-il.

- "Mais encore ?" Lui répondis-je en souriant.

- "Je t'apprendrai à jouer du piano si, et seulement si... Tu acceptes de passer du temps avec moi."

Je fis mine de réfléchir intensément, ce qui le fit rire. Mais je savais déjà que j'allais accepter.

- "Hummm... C'est d'accord." Lui dis-je en souriant.

On se serra la main, comme pour sceller un accord, puis il me raccompagna au salon où tout le monde se fit la bise et se souhaita bonne nuit.
Avant de sortir de chez eux, je sentis le souffle de quelqu'un contre mon oreille.

- "Premier cours dans deux jours, 15h pétante. Ne sois pas en retard." Me dit Xavier d'une voix douce et grave en même temps.

Son geste me déstabilisa au plus haut point mais je ne laissai rien paraître.
Une fois sortie par contre, je ne pu m'empêcher de sourire comme une idiote.

- "Mïa ? C'est quoi ce magnifique sourire que tu nous fait là ?" Me demanda ma mère en rigolant, en me bousculant doucement avec son épaule.

- "Oh rien." Lui répondis-je en tournant la tête.

Au contraire, c'est tout.

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