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Les matinées de septembre furent fantastiques. Il faisait très beau ce jour-là, mais la canicule restait dantesque. Cependant, étant au Sénégal, je ne pouvais point me permettre de me plaindre de cette chaleur. Au Sénégal, il faisait froid seulement trois mois d'affilée, voire moins.

C'était piteux pour moi de voir les vieilles femmes travailler sous ce chaud soleil ardent, mais je n'y pus rien, car même moi, j'avais des corvées interminables.

Mon père fut malade depuis plus de cinq mois. En effet, il avait un cancer pulmonaire. Je n'avais même plus espoir en sa guérison. Il fumait beaucoup, malgré sa pauvreté, il achetait plusieurs paquets de cigarettes. J'essayais souvent de lui dire que c'était une mauvaise conduite, mais j'avais toujours la crainte, car il était un homme sévère, trop même. On n'avait pas la complicité « père-fille » comme on dit. De ce fait, ma mère passait presque tout son temps à l'hôpital. Ainsi, je restais à la maison pour faire le ménage, le linge, repasser les habits, coudre les vêtements troués, balayer toutes les pièces... et souvent, je cuisinais.

Oui, juste souvent, car depuis que mon père avait arrêté de travailler, je ne cuisinais plus tous les jours, puisque naturellement, on était pauvre. Pourtant, le meilleur ami de mon père, mon parrain, nous ravitaillait chaque mois avec toutes sortes de denrées, vu qu'il était aisé. Mais, à son insu, mon père vendait tout en retour, prétextant que c'était du gaspillage et que ma mère et lui pouvaient manger au marché. Ainsi, à la descente, je devais aller dans les maisons environnantes afin de me mettre quelque chose sous la dent.

Pauvre, un mot que je connaissais et comprenais très bien ainsi que ses nombreux synonymes : démuni, indigent, nécessiteux, fauché, infortuné, affligé... bref. Mais mon père se débrouillait en vendant du poisson sec au marché, et ma mère faisait des tricots de laine à vendre. Cela ne marchait que parfois.

Et si nous parlions un peu de moi ? Je me nomme Abibatou Diongue, mais j'étais communément appelée Aby ou Abiba... Je suis née et ai grandi à Médina, où je vis toujours. J'étais en classe de quatrième secondaire et je fréquentais le collège privé près de mon domicile. Ne vous étonnez pas du fait que je fusse dans une école privée vu la situation de ma famille ! Ma scolarité était prise en charge par mon parrain, Abdoul Cambel Sy. Au Sénégal, le parrainage d'un enfant est une chose culturelle pour les musulmans. Cette pratique s'appelle « Baayalé » ou « Ndayalé » en wolof, signifiant respectivement « parrainage » ou « marrainage ». Mon parrain m'aimait beaucoup et a toujours souhaité que j'obtienne une bonne éducation afin de mieux préparer mon avenir.

Même si ma famille était démunie, je portais des vêtements sans trous ni taches. Je n'avais que quelques vêtements, mais ils étaient toujours propres et bien repassés. Mon teint s'illuminait par la mélanine qui coulait dans mes veines. J'avais une courte chevelure noire et crépue. Je ne faisais que des twists. Je ne me tressais pas. Je ne l'aimais pas. À l'école, tout le monde portait un regard plein de dégoût à mon égard, sauf Binetou, qui était ma meilleure amie. Ce pourrait être pire si je n'avais pas d'uniforme qui cachait mon style vestimentaire. Bien vrai que je portais des habits bien, mais je ne pouvais pas être aussi « branchée » que les filles de mon âge, car pour l'être, il fallait être riche... -à ce que j'espérais-. En tout cas, je faisais de mon mieux pour porter des habits présentables. Je ne savais même pas me décrire moralement, puisque mentalement, j'étais instable. Je ne me souciais plus de ma personne à cause des multiples problèmes familiaux (financiers, sanitaires...).

AbibaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant