En ces jours récents, la demeure devenait plus animée. L'homonyme d'Awa, Maam Awa, ainsi que sa fille Safietou, la plus âgée, étaient présentes à la maison. Ainsi, nous commencions à utiliser les distinctions « petite Safi » et « grande Safi » afin de discerner les deux homonymes. Il semblait qu'elles rendaient visite chaque fois que Ta Safietou bénéficiait de son congé annuel.Maam Awa, au teint mat, possédait une stature imposante bien que corpulente. Sa fille, physiquement similaire à sa mère, était cependant svelte . Grande Safi s'était déjà marié auparavant mais elle a deux fois divorcé avant de rester célibataire.
Maam Awa résidait dans une demeure distinguée à Dakar Plateau, tandis que Ta Safietou occupait un bel appartement non loin de sa mère, à l'avenue des Jaambaars. Leur présence semblait perturber Ta Ouly, car elle recevait plusieurs remarques piquantes de leur part. Elles se plaignaient ouvertement du fait que cette dernière ne leur offrait pratiquement aucun cadeau, que ce soit de l'or ou des objets de valeur, préférant des présents tels que des fleurs ou des chocolats à la manière occidentale.Maam Awa précisait : « Je suis diabétique, et le chocolat ne fait qu'altérer ma santé. Mon fils est aisé, et je mérite mieux. » Ta Safietou ajoutait : « Moi aussi, je suis allergique à l'odeur des fleurs. L'autre fois, je toussais sans arrêt jusqu'à même en vomir. Vraiment, c'est ignoble de la part d'une *Jek.»
*Jek : terme wolof signifiant femme mariée.
Cela provoquait des rires, mais tata Ouly ne semblait pas apprécier et se retirait sans rien dire. Ces deux femmes étaient exigeantes à vivre, supervisant attentivement nos moindres faits et gestes. Par conséquent, je choisissais de rester à l'école après les cours. Après les salutations, je me réfugiais dans ma chambre, tentant de passer moins de temps à la maison. Notre demeure était constamment animée par des griots et des « bongomans » qui faisaient l'éloge de ces visiteuses depuis leur arrivée. Tonton, bien qu'antagoniste, n'y pouvait rien, car il s'agissait de sa mère.
Maam Awa se plaignait de l'éducation de ses petits-enfants, surtout celle de son homonyme. Elle décriait tous les aspects de sa vie : ses grasses matinées, ses sorties incessantes, sa paresse, ses fréquentations, son irrespect envers les aînés, son insolence... Elle la jugeait trop moderne à son goût. La vieille disait : « Comment comptes-tu cuisiner un jour avec tes faux ongles ? On dirait vraiment des ongles de tigres... » Awa roulait des yeux à chaque critique ou lui répondait par une phrase qui la faisait crier ou injurier. La vieille affirmait aussi que la petite Safi était insociable et ne se souciait pas d'elle, ajoutant que Aziz dépensait trop l'argent de son fils à son avis. Ah, cette vieille, elle avait toujours son mot à dire.
***
~PDV EXTERNE
Un jour, Maam Awa engagea une discussion avec Abdou afin de trouver un mari pour son homonyme, craignant que cette dernière puisse causer la honte à toute la famille en tombant enceinte un jour.
-Mais maman...tu sais très bien que c'est impossible pour l'instant.Elle n'a même pas encore eu son bac. Elle est encore jeune...Dit Abdou.
- Hannnn! Donc toi Abdou tu commences à me désobéir et à nier les pratiques ancestrales . Abdou tu sais très bien que je n'ai jamais délaissé les rites même si je me suis installée en ville et que je mène une vie bourgeoise dorénavant. Néanmoins , je participe toujours aux événements du village et j'assiste chaque année à la fête organisée après les récoltes . Jadis, si une fille devenait pubère , on lui trouvait rapidement un mari avant qu'elle ne commence à faire des galipettes hors mariage ou ne perde sa virginité . Répliqua la vieille.
- C'est bien vrai tout ce que vous dites . Certes c'était bien de faire cela d'une part ,par contre de nos jours, le mariage forcé fait l'actualité . On en parle dans les journaux, émissions et discussions. Tout le monde pense que c'est inhumain de faire cela . A propos de Awa , ne t'en fais pas. Je réglerai son cas.
-« Je règlerai son cas » Dit-elle en imitant son fils.
Abdou tu ne régleras rien. Je te connais. Tu as tendance à toujours laisser aller. Si elle était au village, elle serait mariée
depuis longtemps sans que je ne me plaigne mais c'est juste cette ville qui constitue un blocage.Ici, personne ne respecte les coutumes. On risque même de m'enfermer pour une si petite chose. Dit-elle en rouspétant.Abdoul préférait se taire puis elle reprit:
-Toi là, tu ne m'as pas dit que cette fille vivait ici.
- Si si. C'était lors de ton voyage à Jeedah.
- Je ne m'en rappelle plus alors.
-Ah c'est ça...
- Sais-tu qu'elle est une « tëg» ?
tëg: mot wolof signifiant une personne qui fait partie d'une ethnie de bijoutiers, de forgerons...
- Oui... Y'a t'il un problème avec ça ?
- Sais-tu qu'elle porte malheur ? Déjà ses parents vivaient dans de déplorables situations depuis sa naissance. Il y'a quelques mois, son père est décédé . Elle est venue ici et en même pas un mois, tu as divorcé...
-Mais comment peux-tu penser d'une telle sorte ? Je suis vraiment choqué. As-tu oublié que tu es une croyante ?
-Attends juste de voir la suite... , prédit -elle en se levant.
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Abiba
Teen FictionDans les ruelles ensoleillées de Dakar, une ville côtière baignée par les vagues de l'Atlantique, Abiba est née sous le regard bienveillant du phare majestueux. C'est ici, entre les reflets dorés du sable et le murmure constant de l'océan, que comme...