Huit

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ABIBATOU DIONGUE

De la voiture, j'admirais le beau paysage de la cité . Un itinéraire coutumier que je connaissais bien. De la rue Adrian jusqu'à mon école. À côté de moi s'asseyait Safi. Tête collée à la vitre , écouteurs dans les oreilles ,elle regardait un point invisible. Elle était pathétique. Sûrement qu'elle a encore eu un crève-cœur. Si jeune pour endurer tout cela...
Sa sœur, comme à son habitude, s'installait sur le siège d'avant. Elle se tapotait minutieusement le visage avec son pinceau de maquillage en se plaignant de ses cernes . Normal , elle dormait à peine vu qu'elle passait toute la nuit à parler avec son amant.
On arriva à l'école. Elles regagnaient chacune leurs classes. Je faisais de même.
On était le dix du mois . C'était le jour des contrôles du paiement des frais scolaires. J'étais rassurée, tonton avait l'habitude  de payer toute l'année car il disait qu'il n'avait pas trop de temps pour régler les multiples paiements chaque mois.
Le surveillant faisait l'appel en disant que celui qui n'entendait pas son nom n'avait qu'à sortir sans un moindre bruit . Personne n'était sortie à l'exception de Kalidou , mon voisin de table.
Il n'avait pas payé.
Je n'étais pas ébahie. Kalidou renvoyé , c'était habituel.
Je continuais le cours de sciences physiques tout en ayant un pincement au cœur de voir mon camarade de classe rater son cours.
À la descente, je me contentai de lui envoyer la photo du cours sur whatsApp puis l'appelai pour lui expliquer ce qu'il a raté. Il ne manqua pas l'occasion de me dire qu'il avait trop honte d'être renvoyé parmi tous ses camarades à chaque fois. Je lui disais qu'il ne fallait pas en faire tout un plein , c'étaient des choses qui arrivaient et aussi les parents n'ont pas toujours le temps pour le paiement . Histoire de le réconforter mais il me disait :
« La vérité est que ce n'est pas un problème de temps mais plutôt financier. Mon père est décédé depuis l'année précédente . Et comme ma mère n'avait que moi comme enfant donc après l'héritage, sa co-épouse qui avait plusieurs enfants, a pris presque tous les biens dont la maison. Donc , on avait plus rien du tout. On est parti habiter chez mon oncle et ma mère ne voulait pas que je change d'école . Malgré mon insistance,elle ne veut pas que j'aille dans les écoles publiques vu qu'il y'a beaucoup de grèves.Elle veut me voir réussir . A chaque fin du mois, elle hypothèque ses bijoux voir même les vendre. À vrai dire, je n'ai plus beaucoup de motivation pour continuer l'école. Je veux arrêter et l'aider dans ses petites ventes de légumes.»
Je continuais de le rassurer en lui disant de ne lâcher et tout ira bien.

Il y'a deux choses à comprendre: l'étude met encore en lumière, d'une autre façon, que la réussite scolaire est inégale en fonction de l'origine sociale. Ce n'est pas un lien déterministe , mais c'est une variation en fonction des groupes sociaux.
Les élèves du milieu social plutôt défavorisé sont plus nombreux à arrêter leurs études à bac+2 , alors que les jeunes d'origine sociale plus favorisée visent un niveau bien supérieur. Il y'a donc une différence de réussite scolaire et de parcours de formation selon la catégorie sociale d'origine des parents.
La catégorie « favorisée » réunit les professions intermédiaires. La catégorie «moyenne» comprend les agriculteurs exploitants, les artisans commerçants et les employés. Puis la catégorie «défavorisée» rassemble les ouvriers, les chômeurs et les inactifs n'ayant jamais travaillé. Il s'agirait de parler d'une affaire de bras long. Mais n'oublions pas qu'on est au Sénégal, pays où l'injustice règne .
L'école française est plus efficace pour les élèves de milieux favorisés que pour les élèves de milieux appartenant aux groupes minoritaires car elle ne parvient pas à acquérir les compétences basiques à tous les élèves alors que c'est l'une de ses principales missions.
Les capacités des plus favorisés s'améliorent alors qu'au contraire les compétences des moins favorisés se dégradent. Les plus défavorisés ne bénéficient pas des mêmes opportunités d'apprentissage que ceux des milieux favorisés, ce qui accentue les inégalités de départ.
L'environnement familial des élèves a une influence sur leur parcours scolaire , l'acquisition de connaissances,ainsi que le niveau de diplôme en sortie du système éducatif. Les conditions de vie des parents, leurs ressources économiques et culturelles, sont plus ou moins favorables à la réussite scolaire.
Mais aussi qu'on se dise la vérité : comment un élève qui n'a pas de goûter ni d'argent pour le transport et qui marche pour aller à l'école peut-il se concentrer en cours ?
Aura-t-il la force de tenir pour toute une journée ?
Comment un élève qui n'a pas de matériaux pédagogiques peut-il apprendre ?
Comment l'élève qui ses parents n'ont pas de quoi payer la facture d'électricité peut-il apprendre dans le noir ?
Mais sans oublier , comment l'élève qui ses parents n'ont pas les moyens de couvrir ses frais de scolarisation peut-il étudier avec l'esprit aisé ?
Et les étudiants de l'UCAD qui dorment dans les couloirs juste par faute de moyens . Ils ne peuvent pas se payer une chambre.
D'après tout ce que je viens de dire, si l'élève n'a pas de détermination et la confiance en soi , il ne pourra certainement pas réussir .
Même dans le milieu rural , il y'a des écoles situées à deux ou trois kilomètres de la maison de l'élève.
Mais le fait d'être pauvre ne doit pas pousser l'élève à délaisser ses études . Il suffit juste d'être motivé.
Alors que si tu viens d'une famille aisée , après le bac tu n'auras ni de problème pour les frais scolaires ni de problème pour l'acquisition du matériel pédagogique, tu peux même partir à l'étranger pour finir tes études.
En gros, tu as multiples chances pour réussir.
Mais cela ne signifie pas que tu ne dois pas apprendre. Au contraire, comme tu as les moyens, tu dois t'en servir positivement.
Tout ce que je veux dire par là c'est que dans une école tous les élèves doivent être au même pied d'égalité , c'est même pour cela qu'on porte des uniformes pour ne pas distinguer le riche du pauvre.
Pour conclure, je peux dire que le fait que l'élève soit issu d'une famille riche est un avantage pour sa réussite scolaire.

AbibaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant