Les matinées de septembre étaient fantastiques. Il faisait très beau ce jour-là, mais la canicule restait dantesque. Toutefois, étant au Sénégal, je ne pouvais point me permettre de me plaindre de cette chaleur.
Au Sénégal, il fait froid seulement trois mois d'affilée, voire moins au centre et à l'Est.
Je ne savais même pas exactement ce que je préférais. Les saisons ne me laissaient pas le choix .
L'hivernage nous laissait un temps humide et agréable après le passage de la pluie par contre la souillure des ruelles de Dakar ne me laissait pas vraiment le choix d'en faire ma saison privilégiée.
Quant à la saison sèche , je ne lui trouvais aucun point positif : migraine, sauts d'humeur, fatigue , insolation...
J'aurai peut-être plus de choix si je vivais en Europe ; où j'aurai certainement choisi le printemps comme saison favorite car d'après les livres, c'est la saison précédant l'été au cours de laquelle fleurissent les arbres. Une saison qui a reçu beaucoup d'éloges des auteurs.
J'ai lu .
J'ai lu Les saisons de l'esprit d'Emile-Auguste Chartier où il dit : « Noël , c'est le printemps de l'esprit, c'est tout promesse ».
J'ai lu.
J'ai lu « Le printemps naît chaque fois que rit une jeune fille et meurt chaque fois que pleure un enfant » dans Si je devais de Germaine Beaumont .Le printemps est la saison préférée de plusieurs auteurs occidentaux que j'ai eus à lire. C'est aussi la mienne : la lecture influence mes goûts , mes perceptions, mes choix ...
Quant aux autres saisons , je ne me suis pas intéressée mais j'en connaissais quand même le nécessaire par curiosité.C'était piteux pour moi de voir les vieilles femmes travailler sous ce chaud soleil ardent, mais je n'y pouvais rien, car même moi, j'avais des corvées interminables. La vie est loin d'être belle. J'avais beaucoup de soucis à gérer .
Mon père était malade depuis plus de cinq mois. En effet, il avait un cancer pulmonaire. À vrai dire , je n'avais même plus espoir en sa guérison. Il fumait beaucoup, malgré sa pauvreté, il achetait plusieurs paquets de cigarettes, beaucoup... J'essayais souvent de lui dire que c'était une mauvaise conduite, mais j'avais toujours la crainte, car il était un homme sévère, trop même. On n'avait pas la complicité « père-fille » comme on dit.
De ce fait, ma mère passait quasiment tout son temps à l'hôpital. Le chemin de l'hôpital a dû l'excéder. Mais elle devait faire semblant d'y aller tous les jours. Elle devait être « hypocrite » pour être appréciée par la société . Si elle l'aimait assez , ce ne serait pas un problème. Mais devoir voir tous les jours l'homme qui t'a été forcé par tes parents, malade de surcroît . Tout le monde sait que le cancer n'embellit personne .
Ainsi, je restais à la maison pour faire le ménage, le linge, repasser les habits, coudre les vêtements troués, balayer toutes les pièces... et souvent, je cuisinais.Oui, juste souvent, car depuis que mon père avait arrêté de travailler, je ne cuisinais plus tous les jours, puisque naturellement, on était pauvre. Pourtant, le meilleur ami de mon père, mon parrain, nous ravitaillait chaque mois avec toutes sortes de denrées, vu qu'il était aisé. Mais, à son insu, mon père vendait tout en retour, prétextant que c'était du gaspillage et que ma mère et lui pouvaient manger au marché. Et moi, à la descente, je devais aller dans les maisons environnantes afin de me mettre quelque chose sous la dent.
Pauvre, un mot que je connaissais et comprenais très bien ainsi que ses nombreux synonymes : démuni, indigent, nécessiteux, fauché, infortuné, affligé... bref. Mais mon père se débrouillait en vendant du poisson sec au marché, et ma mère faisait des tricots de laine à vendre. Leurs affaires ne marchaient que parfois.
Et si nous parlions un peu de moi ? Je me nomme Abibatou Diongue, mais j'étais communément appelée Aby ou Abiba... Je suis née et ai grandi à Médina, où je vis toujours. J'étais en classe de quatrième secondaire et je fréquentais le collège privé près de mon domicile. Ne vous étonnez pas du fait que je fusse dans une école privée vu la situation de ma famille ! Ma scolarité était prise en charge par mon parrain, Abdoul Cambel Sy. Au Sénégal, le parrainage d'un enfant est une chose culturelle pour les musulmans. Cette pratique s'appelle « Baayalé » ou « N'dayalé » en wolof, signifiant respectivement « parrainage » ou « marrainage ». Mon parrain m'aimait beaucoup et a toujours souhaité que j'obtienne une bonne éducation afin de mieux préparer mon avenir.
Même si ma famille était démunie, je portais des vêtements sans trous ni taches. Je n'avais que quelques vêtements, mais ils étaient toujours propres et bien repassés. Mon teint s'illuminait par la mélanine qui coulait dans mes veines. J'avais une courte chevelure noire et crépue. Je ne faisais que des twists. Je ne me tressais pas , je ne l'aimais pas. À l'école, tout le monde portait un regard plein de dégoût à mon égard, sauf Binetou, qui était ma meilleure amie. Ce pourrait être pire si je n'avais pas d'uniforme qui cachait mon style vestimentaire. Bien vrai que je portais des habits bien, mais je ne pouvais pas être aussi « branchée » que les filles de mon âge, car pour l'être, il fallait être riche... -à ce que j'espérais-. En tout cas, je faisais de mon mieux pour porter des habits présentables. Je ne savais même pas me décrire moralement, puisque mentalement, j'étais instable. Je ne me souciais plus de ma personne à cause des multiples problèmes familiaux (financiers, sanitaires...).

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Abiba
Fiksi RemajaDans les ruelles ensoleillées de Dakar, une ville côtière baignée par les vagues de l'Atlantique, Abiba est née sous le regard bienveillant du phare majestueux. C'est ici, entre les reflets dorés du sable et le murmure constant de l'océan, que comme...