Abiba

Douze

Dakar est tout petit , la nouvelle prenait son ampleur: «La fille aînée du grand Abdoul Cambel Sy est enceinte en étant mineure et non mariée.»

Ces temps-là, la bonne ambiance de la maison s'était métamorphosée par un vent glacial.
Abdoul était très énervé à cause de cet événement.
Il pensait toujours à ce que diront les gens à la naissance de son petit-enfant, surtout ses compagnons. Lui qui s'est toujours fait respecté au sein de la population . Nul ne pouvait lui faire une quelconque reproche vu qu'il était un homme pieux et véridique.
Il n'y avait jamais eu une telle chose dans sa famille donc il sera certainement taxé d'un père ayant failli à l'éducation de ses enfants.
Que dira sa mère ?
La vielle lui avait pourtant prévenu.
Les vieilles personnes prédisent sans s'en rendre compte...

Quant à Ouly, elle ne cessait de sangloter depuis l'annonce de cette nouvelle.
Comme son mari, elle aussi se souciait du « qu'en-dira-t-on » des autres . Elle ne pouvait plus sortir comme avant et regarder les gens comme avant. Elle souffrait le plus dans histoire car sa belle-famille lui retournait la faute en disant que c'est sa fille et tout ce qui lui est arrivé n'est que le fruit de son comportement dans son ménage.
Quelle mauvaise déduction !
La femme a toujours souffert.
Si c'est du comportement d'une épouse dans son ménage que dépend le destin de son enfant alors Awa ne serait pas comme cela.
Dans ce cas, Awa serait meilleure que ses semblables, pieuse, respectueuse, attentive et patiente comme sa mère .

Au début , Awa était fière de son péché. Elle se disait qu'elle serait plus libre car son père la laissera se marier avec Alou , leur donnera un appartement et leur financera.
Tous ses rêves se brisèrent lorsque Alou avoua qu'il n'était pas du tout le père de l'enfant , qu'il était juste un collègue de Awa et que c'était elle-même qui l'importunait en voulant être avec lui , devant le père de cette dernière.

Son père lui fit savoir : « Tu resteras certes sous mon toit et tu mangeras à ta faim , mais je ne te donnerai plus le plus petit sous. Tu ne sortiras plus, hormis pour tes visites prénatales que je payerai moi-même vu que le soit disant père du bébé n'assume pas ses responsabilités.»

Sa mère lui rajouta: « J'aimerais bien savoir de quoi est-ce que tu manques pour mener cette vie de dévergondée.
Si mes souvenirs sont bons , je n'ai aucunement failli à mon rôle de mère envers toi. Je te sermonnais matin , midi , soir quand je voyais tes mauvaises fréquentations. Je te punissais sévèrement quand je voyais tes notes chuter. Tout cela dans quel but? Pour qu'un jour on m'appelle pour me dire : « Félicitations, ta fille est chaste»
Si seulement tu savais comment cette phrase pourrait rendre fière et joyeuse une mère...
Tu aurais dû penser à moi ,ne serait-ce qu'une seule fois. Vois-tu à quoi je ressemble?
"La honte tue plus vite que la maladie" dit-on souvent. Et bien , je viens d'en avoir la certitude.
Awa , quelle mère voudrait avoir une fille comme ceci ? Je ne serai plus vue comme avant à cause de toi. Seul le Très-Haut connaît l'humiliation que je vis en ce moment-là.
Et ton père dans tout cela. Il est très déçu à  ton égard. Cette année-ci tu devais passer le bac . Il m'avait dit qu'il te donnerait une voiture aussi belle que celle de ton frère et te laisseras choisir dans quel pays tu voudrais continuer tes études supérieures. Mais tu as détruit tous nos rêves. »

Awa venait de se rendre compte de la gravité de son erreur. Dorénavant, elle menait un train de vie à la fois simple et ennuyeux. Elle déprimait et ne ressentait plus l'atomique bonheur. Elle n'était plus comme avant : radieuse, fraîche , à la mode.
Son frère , dont elle était si proche, était en froid avec elle.