Chapitre 16

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David resta muet, tétanisé. Il avait la tête qui tourne et la vision trouble. 

Mme Dubois jeta au sol la chaussure comme si elle avait été un déchet malodorant. Elle heurta le sol et alla glisser sous le porte-manteaux. 

— Tu es allé au bal, n’est-ce pas ? cracha Mme Dubois avec une colère froide. 

David continuait à garder la bouche fermée. Sa belle-mère l’attrapa par son écharpe pour le secouer comme un prunier. Il ne l’avait jamais vu perdre à ce point-là le contrôle de ses nerfs. 

— Comment as-tu seulement osé ? hurla Mme Dubois. Comment as-tu été assez présomptueux pour t'imaginer doté des mêmes droits que ma fille ? Tu souhaitais séduire l’héritier Leroy ? Toi ? 

Elle éclata d’un rire sans joie et plein de mépris qui fit monter les larmes aux yeux de David. 

— Je… Je… 

Le pire était que sa belle-mère avait raison. Il s’était follement imaginé des choses qui ne pouvaient en réalité pas arriver. 

Mme Dubois ne riait plus. 

— Et où as-tu seulement trouvé l’argent pour acheter ce costume et ces chaussures hors de prix ? Tu m’as volée, c’est ça ? 

Le jeune oméga secoua la tête autant qu’il le put. Sa belle-mère le tenait toujours par son écharpe et il avait du mal à respirer. 

— Non ! Non, je… 

Mme Dubois le lâcha soudain. 

— Prends tes affaires, quitte cette maison et n’en revient jamais. Je ne veux plus héberger un sale oméga voleur et menteur. 

Le cœur de David s’arrêta de battre. 

— Vous ne pouvez pas faire cela, protesta-t-il d’une voix blanche. C’est… c’est ma maison ! 

Sa belle-mère le toisa. 

— J’ai tous les droits, mon garçon. Maintenant, dégage d'ici. 

Le jeune oméga se baissa lentement pour ramasser sa chaussure. Son envie de pleurer s’était dissoute. À bien y réfléchir, il supportait de moins en moins bien de vivre avec son horrible belle famille qui n’avait fait que l’humilier et l’exploiter pendant des années. Depuis la mort de son père, sa maison n'avait plus vraiment été la sienne. Il ne s'y sentait plus le bienvenu depuis longtemps. 

Sa chaussure à la main, il monta l'escalier jusqu'au grenier, ouvrit la plus grande valise qu'il possédait et y enfourna ses affaires les plus précieuses. Il n'avait pas la place de tout emporter et se sentait triste de devoir laisser quelques habits derrière lui. Il ne savait pas si Mme Dubois le laisserait revenir une autre fois ou si elle jetterait tout à la poubelle. 

Cinq minutes plus tard, le jeune oméga redescendit. Sa belle-mère se tenait toujours dans l'entrée, raide comme un piquet. Elle ouvrit la porte sans un mot. David sortit en laissant ses clefs. Il avança dans la rue sans se retourner pour contempler la maison dans laquelle il avait toujours vécu. 

Dehors, il faisait plus froid que jamais. David sentait le bout de ses oreilles se geler. Sa valise était très lourde et il avait déjà mal aux bras. Des passants se hâtaient sur le trottoir et le dépassaient sans faire attention à lui. Ils étaient tous pressés de rentrer chez eux. 

David sentit son coeur se serrer. Lui n’avait plus de chez lui. Il ne disposait pas du moindre argent pour louer une chambre d’hôtel. Et il était évidemment hors de question de coucher à l’air libre en plein hiver. Alors il fit la première chose qui lui passa par l'esprit : il appela son parrain. 

Moins de dix minutes plus tard, une longue limousine se gardait à côté de lui et Gaspard, le chauffeur, lui ouvrit la portière avec une petite courbette. La voiture fila ensuite dans les rues de Versailles et s'arrêta devant une vaste maison aux murs blancs. 

Floris se tenait sur le seuil de la porte en compagnie de Nino. 

— Entre, poussin, entre. Tu es chez toi ici. 

Floris s’empara du sac de David qu’il remit à son majordome et poussa le jeune homme dans le dos pour le faire avancer. 

— Je…, bredouilla le petit oméga, très gêné de débarquer ainsi. Je suis désolé de m’imposer soudainement. Je ne resterai là que le temps de trouver une solution… 

Le mannequin balaya d’un geste de la main cette dernière phrase. 

— Ne raconte pas de sottises, poussinou. Je suis ravi de t’avoir sous mon toit et ma maison est bien assez grande pour nous deux. Viens te mettre au chaud. 

Floris referma la porte de l’entrée tandis que David pénétrait timidement à l’intérieur bien chauffé de l’immense maison de son parrain. Si on pouvait appeler cela une maison ! Aux yeux du jeune homme, il s'agissait davantage d'une sorte de château. L'entrée était dallée d'un carrelage noir et blanc étincelant de propreté et des œuvres d'art étaient accrochées au mur. Il y avait même dans un coin une statue de cheval en bronze grandeur nature. 

Floris se dandina, soudain gêné. 

— J’ai une chambre que tu pourras utiliser, mais elle ne sera peut-être pas à ton goût. Je… je l'avais fait aménager pour mon fils. Au cas où il s'installerait un jour chez moi. 

— Elle sera parfaite, assura David avec un mince sourire. 

Il ne devait être que 19 h ou 20 h, mais il se sentait aussi épuisé que s'il était minuit. 

— Peut-être souhaites-tu installer tes affaires avant le dîner ? lui suggéra son parrain. 

Le jeune oméga hocha simplement la tête, à bout de force. Floris lui fit monter un bel escalier en marbre jusqu'au premier étage. 

— Ta chambre est tout au bout du couloir. Tu y seras tranquille. 

Il était évident que cette pièce avait été soigneusement conçue par Floris. Elle était immense, aussi grande qu'une ou deux salles de cours. Un lit à baldaquin en bois doré trônait en son centre. On aurait pu y faire dormir quatre ou cinq David. 

— Il y a quelques habits neufs dans la penderie, lui dit Floris. N'hésites pas à te servir. 

Le mannequin paraissait inhabituellement embarrassé, comme s'il ne savait pas très bien comment il convenait de se comporter. 

— Merci, lui dit David. 

Floris le regarda avec émotion et le serra dans ses bras. 

— Je suis heureux de t'avoir sous mon toit, poussin. Tu verras, tout finira par s'arranger. 

David battit des paupières, tiraillé à nouveau par les larmes. Il se retint avec difficulté. Il avait déjà suffisamment sangloté comme cela sur l'épaule de son parrain ! Il fallait croire qu'il se transformait en fontaine dès qu'il se trouvait en sa présence ! 

Le mannequin le lâcha et l'embrassa sur la tempe. 

— À plus tard, poussinou. 

David se retrouva seul. Il ouvrit sa valise avec un soupir. Il allait sans doute rester là quelques jours et ferait sans doute mieux de défaire ses bagages. Il ouvrit la penderie et sursauta. Quelques vêtements ? Floris avait à nouveau exagéré. L'immense dressing débordait d'habits de tout genre. Les jeans de grandes marques côtoyaient des smokings à la coupe impeccable. Ne sachant où donner de la tête, David jugea plus prudent d'enfiler un pantalon rapiécé qu'il tira de sa valise ainsi que l'un de ses vieux pulls troué au coude. 

Puis il alla s'asseoir sur un fauteuil moelleux installé devant la fenêtre et examina plus attentivement la pièce.

Cendrillon (bxb) [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant