Chapitre 19

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David vola jusqu’à la maison de Floris. Ce fut du moins l’impression qu’il eut tant il s’était senti pousser des ailes. Il avait oublié de passer voir l'administration pour signaler son désir d'arrêter le lycée tant le baiser de Christophe l'avait retourné. Cela dit, il n'était à présent plus si sûr de vouloir renoncer à se rendre en cours. Oui. Peut-être pourrait-il continuer à fréquenter l'établissement un tout petit peu plus longtemps. Il ne craignait plus autant les avances déplacées des autres élèves, maintenant que Christophe Leroy l'avait embrassé

David sonna plusieurs fois à la porte en trépignant sur place. Le majordome lui ouvrit et Floris apparut timidement au bout du couloir. 

— Je… j’ai eu un billet, Maman, bredouilla David, encore sous le choc. Christophe m’a donné son dernier billet ! 

Le jeune oméga brandit avec allégresse le morceau de papier passablement froissé que lui avait remis Christophe. Il prit alors conscience de la façon dont il avait appelé spontanément son interlocuteur, sans réfléchir, et vit les yeux de Floris s’agrandir sous la surprise. 

— C’est… c’est merveilleux poussinou. 

Le mannequin se jeta sur lui pour le serrer très fort dans ses bras. 

David se raidit un instant, le souffle coupé. Devait-il continuer à faire la tête à sa mère ou lui pardonner officiellement ? Oh, et puis il était en ce moment dans une situation suffisamment embrouillée : Alice était visiblement fâchée contre lui et il ne savait plus quoi penser de Christophe Leroy. Il n’avait plus assez d’énergie pour continuer à bouder. Il se laissa donc aller contre la poitrine de Floris et ferma les yeux. Ce n’était pas la première fois que le mannequin le prenait dans ses bras, mais il ne savait pas, alors, qu’il était sa mère. Et ce simple fait changeait tout. Malgré la rancœur qu’il conservait contre Floris, il avait à présent quelqu'un pour l’aimer et veiller sur lui comme son père l’avait fait jadis. 

— Il faudra te trouver un nouveau costume encore plus beau, s’enflamma le mannequin sans le relâcher. Quelque chose de sur mesure, peut-être. Je connais un certain nombre de créateurs de talent… 

David grogna. 

— Fais ce que tu veux, mais je veux garder les mêmes chaussures. Je les aime trop. 

Floris resserra son étreinte. 

— Tout ce que tu voudras, poussin. Tout ce que tu voudras. 

Alice se jeta littéralement sur David lorsqu’il entra au lycée le matin suivant. Faisant fi de ses protestations, elle l’agrippa fermement par le bras et le traîna de force jusqu'au premier recoin désert qu’ils trouvèrent. 

— Tu m’as fait mal, protesta l’oméga en massant sa chair meurtrie par les doigts énergiques de la jeune fille. Ça ne va pas de m’enlever ainsi ? Nous avons cours dans cinq minutes ! 

Son amie roula des yeux. 

— Peu importe. Sais-tu ce qui se raconte dans tout l’établissement ?  

David secoua la tête, maussade. 

— Non, grommela-t-il. Mais quelque chose me dit que je ne vais pas tarder à le savoir… 

— Il se dit que Christophe Leroy a remis son dernier billet. Mais personne ne sait à qui ! 

Le jeune oméga devint tout pâle. Alice le fixa, les yeux plissés. 

— David, dis-moi la vérité. Es-tu cet heureux élu ? 

Le jeune homme se mordit la lèvre, se dandina, et finit par mettre la main dans sa poche pour en sortir le billet toujours aussi froissé. 

Alice poussa un cri perçant. 

— Je le savais ! hurla-t-elle en sautant sur place d’enthousiasme et en battant des mains. Je suis tellement contente pour toi ! Oh, vous allez être un couple tellement mignon ! 

— Chut ! protesta David, très gêné. Et puis ne t'emballe pas autant.  Je ne suis pas le seul à en avoir reçu. Rien ne dit que Christophe va me sélectionner comme conjoint… Sa famille préférerait certainement qu’il choisisse une fille. Il y en a de très belles, dans le lot. 

Son amie eut un geste insouciant de la main. 

— C’est à Christophe de choisir. Et comment pourrait-il ne pas te préférer ? Après avoir dévoré tes lèvres, il voudra goûter au reste, c’est certain. 

David s’empourpra, encore plus embarassé. Par moment, Alice était tout aussi pesante que Floris. Comment pouvait-il conserver intacte sa santé mentale, entouré par de tels individus ? 

Il vit un mouvement sur sa droite et se rendit compte que sa belle-sœur passait non loin d’eux. David rangea précipitamment le ticket dans sa poche. Lucille détourna la tête. Son visage ne reflétait plus aucune émotion particulière, mais le jeune oméga était persuadé qu’elle avait compris ce qu’était le morceau de papier qu’il tenait auparavant. 

"Après tout, peu importe", tenta de se persuader David. "Je n’habite plus avec elle et ma belle-mère. Elles ne peuvent plus me nuir". 

Et cette pensée lui procura une joie féroce. Sans compter que Lucille n'avait reçu aucun billet, elle. 

À l'heure du midi, ils se dirigèrent vers leur table habituelle, cachée derrière leur pilier. Comme de coutume, David épia Christophe en soupirant d’envie. Et soudain, l’alpha se tourna vers lui et lui adressa un sourire chaleureux. David en fut si retourné qu’il laissa tomber son plateau des mains. Son assiette vola en éclat et des petits pois s’éparpillèrent dans tous les sens. Le jeune oméga remarqua à peine les moqueries de ses camarades. Il était beaucoup trop heureux pour ça. 

Les jours suivants passèrent comme dans un rêve. David avait l’impression de s’être subitement transformé en princesse de contes de fées. Il se promenait dans l’immense maison de Floris qui ne le quittait pas d’un pouce. Sa mère ne cessait de rivaliser d’idées pour lui faire plaisir. Ensemble, ils se rendirent à Paris pour rencontrer des grands couturiers de renom. 

“C’est mon fils”, déclarait fièrement le mannequin à chaque nouvelle personne qu’ils rencontraient. "N'est-ce pas qu'il est adorable ?". 

Il avait l’air si heureux en l’affirmant que David sentait fondre peu à peu la colère qu’il avait développée contre lui. Il était agréable de se sentir à nouveau aimé et choyé. Le jeune oméga accepta finalement de rencontrer une couturière avec laquelle sa mère avait travaillé, qui prit ses mesures et lui proposa des dizaines de tissus différents. Il ne savait que choisir et finit par se décider par une soie bleue claire qui, selon, Floris, lui faisait "un joli teint". 

Le costume fut prêt une semaine plus tard. Il se retrouva soigneusement emballé par un vendeur dans un papier de soie et placé dans une grande boîte en carton munie d’un beau ruban rose. David n’arrivait pas à en détacher les yeux. Il avait tant hâte de pouvoir le porter ! Une fois de retour à la maison, il posa le paquet sur sa table de nuit et le contempla encore pendant des heures. 

Cendrillon (bxb) [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant