Chapitre 5: La meute

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Arthus se releva péniblement, la respiration haletante. Tous ses membres gorgés d'adrénaline tremblaient comme des feuilles mortes, prêtes à se détacher. Il était sonné, mais en vie. Il avait encore du mal à réaliser ce qu'il s'était passé. Dans son esprit, tout s'embrouillait. La seule chose dont il était certain, c'était que Yuki l'avait attaqué et qu'il s'était défendu comme il le pouvait. Tout le reste n'était qu'une succession d'images floues et de flashs lumineux.

Lorsqu'il posa son regard sur la rue, il ne put s'empêcher de grimacer. C'était un carnage, ni plus ni moins. Plusieurs lampadaires avaient été coupés nets et gisaient désormais sur le sol, criblé d'impacts aussi profond que si des obus s'étaient abattus sur la ville. Les façades de certains immeubles portaient les marques de la lame de l'Esper, comme des cicatrices gravées dans la pierre. Les vitrines de la plupart des magasins avaient volé en éclats et de nombreux débris jonchaient la route. C'était comme si une tornade s'était abattue sur la ville, ne laissant derrière elle que ruines et désolation.

Soudain, un nouveau cri de terreur résonna, suivi d'un rugissement assourdissant semblable à celui d'un loup. Arthus sursauta et son cœur s'accéléra. Même si son instinct lui hurlait de rentrer pour se barricader au dortoir, sa curiosité prit le dessus. Il devait comprendre ce qu'il se passait ici. Mais, plus que tout, il voulait retrouver Yuki et l'interroger. Pourquoi l'avait-elle attaqué de la sorte ? Que savait-elle de lui ? D'où tirait-elle ses pouvoirs ? Et qu'est-ce que c'était que cette histoire de « Maître » ? Elle avait également parlé d'une organisation... Savior. Ce nom lui évoquait vaguement quelque chose... Mais quoi ? Le seul moyen d'obtenir des réponses était de demander directement à celle qui les avait soulevées.

— Qu'est-ce qui m'arrive ? Je suis stupide ou quoi ? Je vais mourir cette fois, c'est sûr..., murmura-t-il.

Tant pis. Il ressentait un besoin presque vital de connaître la vérité. Ainsi, ignorant la douleur qui tiraillait tous ses muscles, l'adolescent se dirigea vers l'origine des hurlements au pas de course.

Il ne lui fallut que quelques minutes pour atteindre la plage d'Honchin. Là, il se cacha derrière un panneau publicitaire et observa la scène surréaliste qui se déroulait devant ses yeux. Yuki était aux prises avec plusieurs molosses sombres. Ceux-ci ressemblaient vaguement à un croisement entre un boxer et un berger allemand de la taille d'un lion, aux dos surmontés de longs poils hérissés en pic. De leurs gueules munies de crocs aussi acérés que ceux d'un crocodile suintaient un liquide fumant, semblable à de l'acide. Leurs minuscules pupilles écarlates brillaient d'un éclat de cruauté en voyant que la jeune fille peinait à les tenir à distance.

Si Arthus ne comprit pas immédiatement pourquoi la rouquine paraissait autant en difficulté et ne s'éloignait pas d'un point précis, il ne tarda pas à en trouver la raison. Elle faisait de son mieux pour protéger une fillette, blottie contre elle. À en juger par son apparence, celle-ci devait être collégienne. Elle possédait des cheveux blond platine qui ne descendaient pas en dessous de ses épaules menues. Deux mèches tombaient de chaque côté de son visage assez rond, voire même enfantin. Dans ses iris émeraudes se lisait non pas de la peur comme le garçon le crut tout d'abord, mais simplement de la tristesse, et une pointe d'agacement.

L'adolescent resta cloué sur place, interdit, incapable d'agir. Le professeur Leblanc lui avait dit que les Familiers pouvaient revêtir toutes sortes de formes, du plus insignifiant des insectes au plus imposant dragon. Cependant, c'était la première fois qu'Arthus en voyait de ses propres yeux. Il était à la fois fasciné et terrifié par ces créatures surnaturelles, si proches de lui et si différentes en apparence. Toutefois, il comprenait mieux pourquoi Yuki l'avait traité de « monstre », plus tôt. Il n'avait pas de termes plus appropriés pour qualifier les atrocités qui se mouvaient en meute sur la plage.

Un nouveau cri tira Arthus de ses pensées. L'un des chiens était parvenu à passer au travers des défenses de l'Esper et avait attrapé la jambe de l'inconnue qu'il traînait sur le sable derrière lui. Yuki se jeta à sa rescousse, mais trois autres molosses lui tombèrent dessus et la repoussèrent.

Il n'en fallut pas plus pour que l'adolescent se précipite au secours de la fillette. D'un bond, il se retrouva face au cabot, qui s'arrêta net et lâcha sa proie en grognant de colère. Et maintenant ? C'était bien beau de jouer au chevalier blanc, mais Arthus n'avait aucun plan pour la suite.

**

Yuki hoqueta de surprise lorsqu'elle vit le Familier qu'elle avait failli tuer s'interposer pour protéger la synithe en détresse. Qu'est-ce qu'il fabriquait ? N'était-il pas l'allié des chiens ? Pourquoi se mettait-il en travers de leur route alors ? Peut-être s'agissait-il de deux factions de Savior différentes ? Non. Ce garçon avait l'air totalement perdu. Il était évident qu'il n'avait aucune idée de ce qu'il se passait. Pire, il venait de signer son arrêt de mort en sautant dans la bataille de manière aussi irréfléchie ! Il n'avait aucune chance face à une meute entière de Gallytrots. Donc, soit son maître était spécialement stupide... soit il disait la vérité.

Était-ce seulement possible ? Un Familier qui existerait sans aucune attache humaine ? Un Familier comme lui ?

La Japonaise secoua la tête. Ce n'était pas le moment de penser à ça. Sa priorité était de sauver la personne que ces monstres avaient prise en chasse.

— Eh, toi ! s'écria-t-elle à l'attention d'Arthus. Ne reste pas planté là ! Si tu ne veux pas que je te tue avec eux, aide-moi à m'en débarrasser !

— D'a... D'accord, mais comment...

Le garçon n'eut pas l'occasion de terminer sa phrase. Le molosse qui lui faisait face lui sauta dessus et tenta de le mordre à la gorge. Arthus parvint à bloquer la fermeture de sa gueule avec ses mains.

— Dégage !

C'est alors qu'un éclat de lumière s'échappa de son œil gauche. Un instant plus tard, le chien lâcha prise, avant de détaler comme un lapin, la queue entre les jambes.

Le lycéen, déconcerté par ses propres facultés, se releva en titubant.

Yuki resta bouche bée devant cet exploit. Pourquoi cette créature lui avait-elle obéi ? Ça n'avait aucun sens. Un Familier ne reçoit d'ordre que de son maître. De plus, il était impossible qu'une machine à tuer comme Gallytrot ait pris peur.

Plus cette soirée avançait, et plus elle devenait étrange et illogique. L'Esper allait avoir un très long rapport à faire, une fois de retour chez elle.

— Attention, Yuki, derrière toi !

La rouquine revint soudain à la réalité. Elle n'avait analysé la situation que pendant une fraction de seconde. Pourtant, ce laps de temps avait été suffisant au reste de la meute pour percer ses défenses. Avant même qu'elle n'ait pu comprendre ce qu'il se passait, elle ressentit une vive douleur dans sa nuque. Sa vision se brouilla. Une désagréable odeur de sang envahit ses narines. La dernière chose qu'elle vit fut la silhouette du Familier à forme humaine qui se précipitait vers elle. Puis plus rien. Sa conscience l'abandonna. 

Arthus Leclipse: Le mystère du familier libre [En réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant