Des cliquetis de machines vrombissantes tirèrent la créature de son sommeil. Lorsqu'elle entrouvrit ses paupières, un tout nouveau monde s'offrit à elle. Elle se trouvait à l'intérieur d'une sorte de tube transparent, rempli d'un liquide mauve. Elle parvenait simplement à distinguer quelques ombres mouvantes à l'extérieur, tels des fantômes murmurant des mots incompréhensibles.
La chose plissa les yeux. La lumière aveuglante des néons braqués sur elle l'éblouissait. Elle leva le bras pour s'en protéger. Aussitôt, un picotement désagréable traversa sa peau. En baissant le regard pour en chercher l'origine, elle constata que son corps, humain, était connecté à sa prison de verre par un épais câble au niveau de sa poitrine.
Que se passait-il ? Elle ne se souvenait de rien. Néanmoins, elle n'était nullement inquiétée de sa situation. Elle se sentait bien, à l'intérieur de ce bocal, isolée du monde extérieur par une fine paroi, comme un embryon dans le ventre de sa mère. Un embryon capable de penser.
De l'autre côté de la cloison, les murmures indistincts se changèrent en voix. Plusieurs personnes discutaient entre elles, mais leurs paroles n'avaient aucun sens. Des cellules souches ? La vingt-quatrième paire de chromosomes ? Esper ? Invocateur ? Familier ? Que signifiaient tous ces termes ? Ils étaient pourtant prononcés dans une langue connue. Malgré cela, la conversation restait incompréhensible.
Soudain, l'individu fut envahi d'une envie irrépressible de s'échapper de sa cage de solitude pour rejoindre les hommes présents à l'extérieur.
Galvanisé par ce désir, il ressentit un afflux d'énergie qui se propagea dans tout son être. Son cœur s'accéléra, de même que sa respiration. Une sirène d'alarme se déclencha. Le tuyau collé à sa chair se décrocha brutalement. Le tube de verre se fissura, avant de voler en éclats. Telle une cascade mauve, le liquide poisseux se déversa sur le sol.
Plusieurs secondes furent nécessaires à la créature pour s'habituer à sa nouvelle condition. Ses yeux piquèrent quelques instants, ses poumons se remplirent d'air, éjectant le restant de fluide de son organisme, et un vent frais lui glaça le sang jusqu'aux os.
La pièce qu'elle découvrit la déconcerta. D'autres tubes comme le sien s'y trouvaient, mais tous étaient vides. Il n'y avait pas une seule fenêtre. L'unique source de lumière provenait de néons disposés en rangées au plafond gris. Il y avait aussi partout des dizaines de machines dont les voyants clignotaient de toutes les couleurs. À quelques mètres, l'écran éteint d'un ordinateur permit à la chose de discerner son reflet, celui d'un adolescent de sexe masculin tout à fait banal, âgé de quinze ou seize ans, tout au plus. Celui-ci remarqua que plusieurs personnes vêtues de blouses blanches s'étaient rassemblées devant lui. Ils l'observaient, tantôt étonnés, tantôt effrayés. Le garçon conclut aussitôt que son réveil brutal ne devait pas être prévu dans leurs calculs.
L'un d'eux se détacha du groupe. Il s'agissait d'un grand homme qui devait avoisiner la soixantaine. Des lunettes rondes étaient posées sur son visage creusé par de profondes rides et recouvert en partie d'une barbe de trois jours. Ses yeux, d'un bleu intense, brillaient de fierté et de satisfaction. Sur ses lèvres, un léger sourire illuminait son teint blafard, témoin d'une fatigue extrême.
— Alors tu es enfin réveillé ! s'exclama-t-il d'une voix enthousiaste.
La créature humanoïde ouvrit la bouche pour tenter de répondre, mais seul un râle rauque en sortit. Patient, le scientifique lui sourit, comme pour l'encourager à persévérer. Après plusieurs secondes à essayer de produire un son, elle y parvint finalement.
— Ré...Réveillé ?
— Ah ! Mais c'est merveilleux, tu possèdes la parole ! Mes chers collègues, on dirait bien que l'expérience est un franc succès. Félicitations à tous. Vous pouvez aller vous reposer, vous l'avez bien mérité. Je vais m'entretenir avec le patient zéro.
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Arthus Leclipse: Le mystère du familier libre [En réécriture]
Paranormal« Un jour, je me suis posé cette question : que signifie réellement "être humain"? Et j'ai réalisé que j'étais tout, sauf humaine. » Après une terrible guerre opposant les deux plus puissantes organisations planétaires, la paix semble revenue en Eur...