Insouciants

15: Coiffures douteuses ~ Lou ~

Cet après-midi, j'invite Billie chez moi pour faire une activité très spéciale... Nous entrons dans ma chambre, où j'ai pris soin de déposer tout le matériel sur mon bureau.

-"Tu as bien pris la décoloration ? Je demande.

- Yes t'inquiètes pas. Alors, t'as décidé finalement ?

- Je vais rester soft. Mes pauvres cheveux en ont déjà trop bavé ! Par contre, je laisse le destin de ma coiffure entre tes mains ! Dis-je en lui tendant une paire de ciseaux.

- Quelle responsabilité ! Tu es sûre de vouloir me laisser faire un massacre ?

- Oui, je te fais confiance ! Tu m'as bien dit que tu te coupais toi-même les cheveux, non ?

- Oui, mais sur quelqu'un c'est différent. Et puis, tu me fous une sacrée pression là !"

Billie tente encore de se défiler un moment puis, je lui fourre les ciseaux dans les mains.

-"De toute façon, si je foire ta colo, on sera quittes ! Je déclare.

- Comment ça "si tu foire ma colo"? Fais pas de connerie, hein. J'y tiens un minimum ! Déclare-t-elle en désignant ses cheveux.

- Aaaah... Je te promets rien ! Je suis pas une professionnelle non plus.

- T'as peut-être déjà été coiffeuse dans une autre vie, qui sait ?

- Ouais, peut-être... Je te fais les sourcils aussi alors ?

- Certainement pas !"

Billie affiche une mine faussement effrayée avant d'entreprendre de couper peu à peu mes longs cheveux rouges.

-"Eh, vas-y franchement hein ! Je veux du court.

- Faut savoir, je croyais que tu me laissais décider !

- Oui... Mais j'ai besoin de changement, alors n'hésite pas. J'insiste.

- D'accord, comme tu voudras, miss Rebelle !"

Ce surnom me plaît plutôt bien je dois admettre. Et c'est ainsi qu'un quart d'heure plus tard, je me retrouve avec les cheveux presque rasés.

- Waah, pour être court, c'est court ! Je m'exclame.

- Tu es exaspérante... Soupire Billie.

- Je sais, c'est pour ça que tu m'aimes, nan ? Je demande d'un sourire malicieux.

- Bien sûr. Ma déclaration foireuse d'il y a trois semaines ne t'a donc pas tant que ça marquée, si tu te pose toujours la question.

- Déjà elle n'était pas foireuse, et en plus je ne sais plus, vu comment tes sentiments évoluent vite !

Mes paroles agissent immédiatement sur Billie. Son visage se rembruni et elle fixe ses pieds. Me rendant compte de ma gaffe monumentale, je tente de me rattraper au plus vite.

- Je suis désolée Billie. Ce n'est absolument pas ce que je voulais dire.

- Mais pourtant tu l'as dit.

Sa froideur me laisse sans mot. Prenant mon long silence comme une invitation à poursuivre, elle reprend.

- Je savais bien que ça poserait un problème. Tu es trop patiente, je ne le suis pas assez.

- Comment ça, "trop patiente"? Qu'est-ce que tu entends pas là ?

- Bah je sais pas, d'après toi ? Ça fait déjà trois semaines qu'on sort ensemble et ne m'as encore rien dit.

- C'est juste ça ? S'il ne te faut que trois mots pour faire ton bonheur, fallait le dire plus vite ! Je rétorque.

Je n'aime pas le tournant que prend cette conversation. Vraiment pas.

- Non ! Ça doit être spontané, pas sur demande ! Tu comprends vraiment rien à rien... Commence-t-elle à hausser le ton.

- Pourtant ce n'est pas ce que tu es en train de faire ? Me demander de t'avouer mes sentiments ? Je t'ai déjà dit qu'il me fallait plus de temps. Je tente de calmer le jeu.

- Mais j'en peux plus d'attendre !

- Tu m'as dit que tu avais tout ton temps !

- Je ne pensais pas que madame allait prendre tant que ça de temps, tu vois !"

Ses derniers mots me blessent. Je ne comprends même pas comment nous avons pu en arriver là. Je décroche mon regard de Billie et tente de reprendre le contrôle sur la situation. Malheureusement, elle en décide autrement et rassemble ses affaires avant de bredouiller un faible "désolé" et de fermer la porte de ma chambre.

Mes jambes tremblent et je dois m'asseoir pour éviter de chuter. Je mets quelques minutes à essayer de comprendre ce qui a bien pu déraper, et les mêmes paroles repassent en boucle dans ma tête. Je me laisse glisser sur le sol et remonte mes genoux sur ma poitrine.

Je reste dans cette position jusqu'à ce que ma mère rentre du travail. Inquiétée par le silence qui règne, elle monte à l'étage. Elle voit tout de suite que quelque chose ne va pas alors lorsqu'elle m'interroge, je lui déballe tout. Maman me rassure comme elle peut, en m'assurant que je n'y suis pour rien. Elle prétend que Billie a un caractère explosif, dur à gérer. Elle ajoute même que ce n'est peut-être pas une bonne chose pour moi, que j'ai besoin de calme. Mais je refuse d'y croire. Je veux que ça marche. Elle a tout de même raison sur un point ; il ça falloir que Billie y mette du sien, sinon nous n'arriverons à rien.

À peine rassurée par ses paroles, j'arrive tout de même à avaler un repas correct. Le réveil du lendemain est une vraie torture, je ne me remémore pas tout de suite les évènements de la veille. Et c'est la boule au ventre que je me rend au lycée.

La surprise est immense lorsque je l'aperçois, ses cheveux désormais noirs, attachés en chignon. Elle se dirige vers mes meilleurs amis et moi, un sourire chancelant. Je fixe ses cheveux avant de déclarer ;

-"Ça te va bien. Dommage qu'il y est des reflets bleus.

- Il n'y en aurait pas eu si tu l'avais fait toi-même. Dit-elle en riant.

Elle choisit l'humour. Plutôt audacieux.

- Fallait pas abandonner ta coiffeuse préférée !" Je réponds sur le même ton.

Lara-Jean et Isaac ne pigent clairement rien à notre petit jeu, mais je suis rassurée par ce premier contact. Et pourtant, rien n'est encore gagné...