15.Chaleur humaine

58 3 1
                                    

 Elle pleure face à moi, je tente de m'approcher mais elle à un mouvement de recul presque immédiat. Je ne m'attendais pas à vire une telle scène ce soir. Je me sens coupable de son état alors que je souffre aussi.
« Ju' faut que tu me parles... Tu me punis avec le silence c'est ça ? Qu'est ce que je dois faire pour que tu arrêtes de m'ignorer ?
-Je suis un peu bourrée. Alors je vais te parler.
-Oh merci de me faire cette faveur... Non mais sérieux.
-Tais-toi Naë s'il te plaît. Je pensais que je vivrais mieux la rupture, je suis à fleur de peau, je suis triste et ça tout le temps. Je supporte pas de te voir, ça me rappelle quel échec ça a été.
-Un échec ? C'est ce qu'on représente à tes yeux ? T'as été la première personne que j'ai aimé, toujours la seule d'ailleurs. Notre relation était ce que j'avais de plus cher. Pas un jour ne passe sans que je culpabilise... J'ai bien compris que je ne devais pas t'attendre. Mais je peux pas me jeter la pierre, on a pas eu le droit de s'expliquer tu m'as juste foutu dehors. Alors même si c'est ce soir sous la pluie je pense que j'ai le droit à quelques mots.
-Je crois qu'on attendait pas les mêmes choses. Je t'ai mis la pression pour que tu sortes du placard et que tu assumes enfin. Mais en réalité, ça me renvoyait juste que j'étais prête a beaucoup plus que toi. Puis avec le temps je perdais patience, je n'étais plus heureuse Naë, je passais le plus clair de mon temps à t'attendre.
-Je sais que je n'ai pas été à la hauteur. Je n'ai pas fait de nous une priorité. Je pense que j'avais peur qu'on se casse la gueule une nouvelle fois. J'ai changé Ju', je ne suis plus vraiment la même et  ça compte aussi. Maintenant j'ai juste envie d'avancer. Parce que c'est terrible pour moi de savoir que même si je te cours après tu ne feras pas marche arrière.
-T'avais l'air de t'en foutre pas mal pourtant...
-Mais de quoi tu parles ? J'ai insisté des semaines entières et j'ai fini par capituler c'est tout. J'ai arrêté de te harceler de messages. La seule chose que j'attendais c'était un signe de toi.
-Je n'ai jamais reçu tes messages. J'avais demandé a Gino de me tenir au courant si tu me parlais parce que justement j'avais peur de retourner vers toi.
-C'est un enfoiré de menteur ! Il te manipule parce qu'il t'aime je pensais que t'avais compris. Je t'envoyais des messages il a sûrement bloqué mon numéro ou une connerie du genre. Je n'ai jamais voulu te mettre de côté au contraire.
-Je parlerai à Gino, crois moi ça ne va pas se passer comme ça. Je suis désolée de t'avoir laissé sans plus d'explications. Maintenant tu sais... Ce n'était pas que pour le mensonge j'ai été nulle de te laisser penser ça. On a essayé, tellement essayé. Naë ça n'a jamais donné ce qu'on attendait. Je suis désolée de te faire autant de mal tu sais. Tu me manques mais je sais que nous n'avons plus rien à faire ensemble.
-Alors pourquoi c'est si dur ? Pourquoi je supporte pas d'être loin de toi ?
-Naëlle, on s'est gâchée... C'est dur aussi d'être sans toi, mais on doit apprendre à faire l'une sans l'autre. C'est terminé pour de bon. J'ai besoin de me reconstruire, mais je voulais savoir si j'avais compté pour toi.
-Plus que ça. Et tu compteras toujours Ju'. Toujours. »

Elle s'approche enfin de moi. Nos mains se lient pour la dernière fois. Je nous sens tristes, mais apaisées. Elle me regarde, je sèche ses larmes et ses lèvres viennent agripper les miennes. Ce baiser vient calmer la nervosité que mon corps ressentait ces dernières semaines. Aucune de nous ne veut briser le lien. Nous nous embrassons pendant de longues minutes. Nous nous séparons pour mieux respirer. Alors c'est à ça que ressemble un baiser d'adieu, un geste brûlant et gelé, le début et la fin, le calme et l'excitation. Elle me remercie et retourne à l'intérieur.

Je mets mes écouteurs, 'Wanna be missed d'Hayley Kiyoko' se joue dans mes oreilles. Je n'ai pas envie de rentrer je veux juste marcher et respirer. J'ai encore la sensation de ses lèvres sur les miennes. Elle m'a tellement manqué, mais c'était la dernière. J'aurais eu la chance de vivre un bout d'histoire avec Ju'. Je ne regrette pas d'avoir vécu tant de belles choses avec elle, j'aurais préféré que rien ne s'arrête. Je respecte sa décision, avec un peu de temps je finirais par accepter complètement, pour le moment je laisse aller mes larmes en pensant à nous.
Je ne veux pas qu'on devienne amies. Je m'en sens incapable, c'est immature, ou non, je ne fais jamais dans la demie mesure. C'est tout ou rien. Je ne veux pas la perdre définitivement, je veux encore avoir de ses nouvelles, car ça ne sera jamais une étrangère, mais je n'ai pas besoin de son amitié.

Avant de tourner cette page il me reste une chose à faire. Quelque chose que j'aurais du faire il y a déjà longtemps : M'assumer !

Je vais dire à mes parents de venir me voir, ils insistent depuis un moment ça sera l'occasion. Je ne serais pas libre tant que je ne dirais pas qui je suis. Je suis prête à ce qu'ils me tournent le dos, après tout j'ai déjà tout perdu. Je n'ai plus peur de leur regard.

Le lendemain, Marcus me rend visite. J'ai encore et toujours besoin de lui raconter ce que je vis actuellement.
« Alors ca t'as fait du bien ?
-Bah c'était un baiser d'adieu mais bon... Je pense que niveau rupture je peux difficilement faire mieux.
-C'est clair, vous avez enfin eu votre moment au calme. Il fallait laisser le temps faire les choses. Tu sais quand elle est revenue elle m'a parlé de Gino elle va le virer, enfin se séparer de lui. Ils ne bosseront plus ensemble elle lui laisse un mois pour partir. Thaïs a dit tout ce qu'elle avait vu de Gino et c'était cool de voir tout le monde ouvrir les yeux. On l'a pas harcelé par la suite, j'ai eu du mal à me contenir je t'avoue mais il est parti de lui même. Julina était assez chamboulée mais ça va aller.
-Merci. C'est rassurant de savoir qu'elle et moi on peut compter sur vous. Tu sais je la déteste pas, et j'ai pas envie qu'elle soit seule. Moi j'ai eu de la chance de t'avoir. Mais elle est un peu difficile à approcher quand ça ne va pas. J'arrête pas de culpabiliser, j'te jure c'est horrible si j'avais été autrement je.
-Stop ! Tu sais ce que je dis tout le temps c'est que si c'est arrivé, c'était sans doute inévitable. Alors te tape pas trop dessus. Avec des « si » on referait le monde.
-T'as raison... Elle me manque tellement. Des fois je regarde la porte et je l'imagine passer à l'improviste pour me dire que sa place est avec moi. Je sais au fond de moi que c'est idiot que ça n'arrivera jamais.
-Y'a rien d'idiot. T'es en période de deuil, tu as traversé et tu vas continuer de vivre et de ressentir tout et son contraire. Mais Naë laisse toi du temps.
-Ouais ... J'ai décidé de tout dire à mes parents. Je peux plus garder ça pour moi. Et je veux qu'ils sachent qui était Julina. Je pense que je lui dois au moins ça.
-T'as raison ! Écoute-toi. Tu as une idée de comment t'y prendre ?
-Oui. Je vais leur dire de venir me voir ce week-end et tout leur dire. Je m'en fous de les perdre. Je suis tellement en colère de ne pas avoir été courageuse. Je reste leur fille lesbienne ou non. Je leur laisserai le temps qu'il faut pour digérer. Mais je n'attends pas leur bénédiction, je les tiens juste au courant de qui est réellement leur fille. Je suis prête.
-Et bah go ! T'es courageuse Naë, vraiment. Baisse pas les bras, fais moi confiance dans pas longtemps ça ira de mieux en mieux.
-Merci Marcus. T'es vraiment le meilleur. Parle moi un peu de toi et Aminata.
-Franchement ça se passe super bien. Je suis bien, j'ai rien à lui reprocher. Elle est tellement ouverte d'esprit et à l'écoute. Je peux être moi, tout le temps. Elle me prend en compte dans toutes circonstances. J'ai un immense respect pour la personne qu'elle est. Je ne veux rien précipiter. Je veux faire les choses bien.
-Je te connais depuis longtemps maintenant. Tu n'as jamais été comme ça avec une fille. Si c'est la bonne pour toi je sais ce que ça veut dire.
-Ouais, c'est totalement ça. Bon pas tout de suite : ça ne fait que quelques mois.
-Et j'ai une question c'est assez indiscret mais comment tu tiens le coup sexuellement.
-Ah. C'est rien ! Tant que ça reste entre nous on peut en parler. Il n' y aura rien avant le mariage elle a été clair. Et si je me suis engagé avec elle je respecte ça. C'est super dur, elle est belle et désirable mais je ne suis pas un hypocrite. J'attendrais. C'était sa condition et j'ai dit oui.
-Vous avez de la chance de vous avoir. Je pense sincèrement qu'elle a encore plein de chose à t'apporter.
-Oui. Et tu vois de ne pas avoir de relation sexuelle ça n'enlève rien au niveau intime. Je ne saurais pas te dire pourquoi mais je me sens proche d'elle et très intime.
-Bah l'intimité avec sa moitié c'est tellement plus que coucher ensemble. L'autre à parfois juste à te parler s'ouvrir à toi pour que tu sentes un lien, une connexion que tu ne trouves qu'avec cette personne.
-C'est ça ! Une connexion de malade ! J'aime trop cette fille ! Mais lui dit rien, elle va croire que je suis acquis et je ne suis pas un garçon facile madame ! »

Pendant notre conversation mon téléphone s'est mis à sonner. Plusieurs messages de Thaïs.
« Coucou, est ce qu'on pourrait parler. » « Tout le monde sait pour Gino maintenant, je suis contente. » « Si tu ne veux plus me voir je comprends. »
Elle m'énerve. J'ai envie de la voir je l'apprécie, mais elle va devoir être clair, je ne veux plus de relation ambiguë.  

La vie est une fête.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant