16.Tête haute

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 Le week-end tant attendu (non) est enfin là. Le programme est simple : manger ensemble pour profiter sûrement des derniers instants de paix avec mes parents.
Je suis prise d'une fureur qui ne me lâche plus, j'ai envie de leur dire, de leur crier qui je suis !

Ils viennent me chercher et comme d'habitude nous allons dans un super restaurant. Je culpabilise car je joue l'imposteur. Je sais ce qui va se passer dans peu de temps et je ne dis rien. Mes parents sont très heureux de me voir. Ma mère me fait des réflexions car je n'ai pas été les voir depuis son anniversaire. Je ne suis pas bavarde, je les laisse discuter je prends juste la peine de leur répondre. Mon père voudrait aller se balader, mais je ne peux pas, je ne tiens plus j'ai besoin de leur parler et rapidement. Je leur dis que je préfère rentrer prendre un café avec eux.

Arrivée à la maison je les fais s'installer face à moi, tout en leur servant le café.
Ma mère prend la parole :
« Tu vas bien ma fille ? Tu n'as pas beaucoup parlé et tu es distante avec nous. On s'inquiète pour toi.
-Tu sais que tu peux nous parler, ta mère a raison, on n'en parle pas tous les jours mais on sent bien que quelque chose ne va pas. »
Après leur phrases j'ai les larmes aux yeux.
« Naëlle, tu pleures.
-Ok, bon papa maman, c'est pas facile. Je vous aime, tout ce que je vais vous dire n'est pas de votre faute. Ne me coupez pas s'il vous plaît, c'est super dur pour moi.
En réalité, Julina n'était pas qu'une copine c'était ma petite amie, on s'est aimée énormément on a vécue ensemble. Mais aujourd'hui c'est terminé parce que j'avais pas le courage d'assumer qui j'étais et ce que je vivais. Malgré notre rupture ça ne change rien je n'aime pas les garçons et j'en suis sûre depuis longtemps. Je connais vos pensées et.
-Et ? Tu penses qu'on va accepté ton petit numéro parce que tu n'es plus avec cette fille. Ta mère voulais l'inviter à la maison le jour de son anniversaire. Et tu nous aurais menti ?
-Justement ! J'ai refusé qu'elle vienne parce que je savais ce que tu aurais dit si tu savais la vérité. Mais c'est comme ça papa. Je suis homosexuelle, je reste Naëlle.
-Je ne vais pas tolérer ça ! C'est des délires de gens malades ou qui se rendent intéressants. T'as fait ta petite expérience de merde maintenant t'arrêtes tes conneries.
-C'était pas une connerie papa. Tu peux crier je ne vais pas m'énerver. Je n'attends pas votre approbation je n'attends rien de vous. C'est ma vie privée, le seule choix que je fais c'est d'assumer qui je suis vraiment.
-Madeleine ! Dis quelque chose bordel ! Tu restes là à ne rien dire.
-Qu'est ce que tu veux que je réponde ? Ca ne changera pas, Naëlle tu es sûre de toi visiblement.
-Je suis moi maman, j'ai aimé une femme, et je finirai mes jours avec une femme. Je ne vais plus vous mentir. Je voulais juste vous le dire être honnête et respectueuse de la personne que je suis.
-Écoute ma chérie on va y aller. On a besoin de digérer avec ton père. On va écourter le séjour.
-Non mais Madeleine ! Tu t'entends là. Elle nous a pas annoncé qu'elle a cabosser la voiture, ta fille est une gouine ! Tu sais ce que ca veut dire ?
-Georges stop ! Prends tes affaires on y va. »
Ma mère me regarde désolée du comportement de mon père. Lui ne se retourne même pas, il claque la porte derrière lui.

Je suis sonnée, je savais que ca serait compliqué mais la violence de mon père est incompréhensible. Je m'attendais au rejet ou au silence mais les insultes c'est autre chose. Et ma mère qui ne dit rien de plus. Je reste bouche bée durant plusieurs minutes.

C'est ça tout perdre ? En avoir le sentiment en tout cas. D'abord mon histoire avec Julina, maintenant je n'ai même plus le respect de mes parents. J'en veux terriblement à mon père de ne m'aimer qu'à moitié. Et c'est moi, si c'est le prix de la liberté alors tant pis, je n'ai rien fait de mal, je n'ai pas trahi leur confiance, je ne suis pas devenue une mauvaise personne, enfin je crois. Je ne peux pas m'en vouloir d'être attirée par les femmes.
Et je m'en veux encore moins d'avoir aimé Ju', c'est une personne magnifique, je ne sais pas comment j'ai pu la cacher pendant ces années. J'ai tout donné à cette femme sauf ce qu'elle méritait le plus. Je ne ferais plus cette erreur, que mes parents l'acceptent ou non.
J'aurais besoin de Marcus mais il est en week-end avec Aminata. 

Je vais contacter Thaïs car je devais la voir, on peut sûrement avancer l'heure du rendez-vous. Au moins ça me changera les idées. Elle est mystérieuse et parfois ça me fait peur, et ça me pèse aussi.
Je l'appelle mais rien. Je tente les réseaux mais toujours rien. Ce n'est pas possible elle va m'ignorer encore une fois.

Je vais envoyer un message à Marcus pour qu'il puisse me répondre plus tard.
« Hey, ça y est j'ai tout dit aux parents, comme tu t'en doutes c'est une catastrophe, mon père a vrillé et m'a insulté. Je suis triste et sous le choc, mais une grande partie de moi est libérée. Profite bien et bisous à Aminata. »
Je ne voulais pas le crier sur tous les toits, mais si je ne m'étais pas autant cachée je serais encore avec Julina aujourd'hui, j'en reste persuadée. C'est trop lourd de rester dans le placard, c'est ma vie, c'est moi, je n'ai rien de plus ou de moins. J'aime juste quelqu'un, et je ne suis pas attiré par les hommes, est ce que je mérite de me faire insulter sur une chose si privé, si intime ? Et encore je m'estime heureuse, je suis chez moi, sous mon toit, je ne dépend plus totalement d'eux. Mais pour toutes ces femmes tous ces hommes qui vivent dans le noir, dans le mensonge, dans le silence, dans la honte, je me battrai. Je ne veux plus être lâche, je ne veux plus qu'on parle pour moi ou qu'on choisisse à ma place.

Prise d'une soudaine inspiration je me mets à avancer ma BD, j'étais bloqué je n'arrivais plus à rien mais ça y est ! Je me lance, je ne m'arrête plus. J'écris tout ce dont j'ai besoin pour l'histoire et je suis enfin satisfaite. C'était donc ça, il fallait que je respire et que j'assume pour débloquer la situation. Bon tout n'est pas parfait et c'est loin d'être réglé mais c'est la fin de la page blanche. C'est le début et pour moi aussi. Il faut que je dise à Julina ce qui vient de se passer.
Je vais aller lui rendre visite, normalement elle est encore chez elle à cette heure-ci, il n'est que dix-sept heures elle doit encore être chez elle. J'enfile une veste et me dirige vers chez elle.
Arrivée devant la porte, je perds un peu de mon enthousiasme. Ce n'est pas le moment de se dégonfler Naë aller tu sonnes !
J'entends une voix, la porte s'ouvre enfin et c'est... Thaïs ?!

« Qu'est ce que tu fais là ?
-Salut... Euh je peux t'expliquer.
-Pourquoi tu chuchotes ? Non tu sais quoi laisse tomber. Tu lui diras que j'étais passée. » Au moment de partir j'entends Ju' de loin.

« Euh, Naë qu'est ce que tu fais ici ?
Thaïs : Je vais y aller. Je passais juste t'apporter le matos. Merci pour la bière et bonne soirée à vous.
Moi : J'en ai pour cinq minutes.
Thaïs : Ok mais je dois y aller je suis attendue. Bisous les filles. » Je suis dégoûtée, j'avais raison depuis le début elle cache quelque chose. Son double jeu ne mènera nul part, je ne veux plus en entendre parler. Bref je suis ici pour Julina, je suis venue faire ce que j'aurais du depuis bien longtemps.
« Ju' désolée de passer comme ça.
-Pas de soucis je ne m'y attendais pas c'est tout. Tu as un truc à me dire ?
-Oui, c'est important. On s'est tout dit hier ne t'en fait pas. J'ai vu mes parents aujourd'hui et je leur ai dit la vérité. Je leur ai tout dit Ju'. Pour nous, pour moi. Ils savent que leur fille n'est pas hétéro. Et ça me tenait à cœur de leur dire que tu as fait partie de ma vie, entièrement. Tu n'es pas personne, et tu auras toujours une place particulière dans mon cœur et dans ma vie. Même si je sais que c'est fini et que ça ne change rien à la situation. Je voulais que tu saches que tu existes à leur yeux.
-Merci Naë... Merci de leur avoir dit. Ça compte pour moi. C'est un beau geste. On aura pas réussi toute notre relation. Mais en terme de rupture je pense qu'on est imbattable. »


On rigole à sa phrase c'est vrai qu'on se donne du mal pour ne pas ternir ce qu'on à vécu. On s'enlace très fort, il y a encore tant d'amour entre nous et une infinie tendresse. Je la regarde, elle est émue aux larmes, et moi aussi. J'imprime son visage pour ne jamais l'oublier. On ne se verra pas de si tôt.

Je rentre chez moi, j'ai le cœur lourd et pourtant je suis si soulagée. C'est la fin, la vraie. Je ne sais pas comment je vais pouvoir m'en remettre. Perdue dans mes pensées je ne me rends pas tout de suite compte, que quelqu'un est devant ma porte.

« Non mais c'est du harcèlement à ce niveau là. Qu'est ce que tu veux ?
-Faut que je te parle. Je sais que mon comportement est nul mais tu ne sais pas tout.
-Et bien tu as cinq minutes pas une de plus.
-Ok, tout ce que je vais te dire est vrai d'accord ? Et après t'auras le droit de me dégager de ta vie si tu veux mais tu dois m'écouter je t'en prie.
-Bon ok ok, allez, entre.»


La vie est une fête.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant