Je sens le béton glacé sous ma joue. Comme si chaque irrégularité de cette surface tentée de pénétrer ma peau. Je n'entends rien, je ne vois rien... mes tremblements sont de plus en plus fort laissant mon agresseur gagner en puissance pour me plaquer encore plus fort. Aucune odeur ne me parvient sauf celle du sang qui me coule sur le cou. J'ai l'impression que mon odorat s'est bloqué d'un coup. Son souffle glisse de derrière mon oreille à la base de mon coup. Je déglutis lentement pour ne pas enfoncer plus la lame du couteau. Le goût de la bile me surprend. Je serre les mâchoires pour me retenir de vomir. J'ai envie de hurler... et c'est ce que je fais, oubliant le couteau... Je hurle sans limites, mais aucun son ne sort de ma bouche, je réitère à plusieurs reprises...
Je me réveille en sursaut sur mon canapé. Je suis en sueur et les tremblements de mon cauchemar m'ont malheureusement suivi dans la réalité. La lumière du soleil passe au travers des volets presque entièrement baissés, ce doit être l'après-midi, je ne sais pas, je suis un peu perdue depuis quelques jours ; je reste enfermée à attendre je ne sais quoi. J'ai demandé à mes collègues de me laisser un peu seule, mais au final c'est dur pour moi. Voilà plusieurs jours que je reste là à ressasser cet événement. Pourquoi je n'arrive pas à me sortir de là ? Al m'appelle régulièrement, mais je ne prends pas vraiment de plaisir à discuter avec elle. Sa vie est ailleurs et je veux qu'elle profite sans avoir à me traîner comme un fardeau.
Sans réfléchir, j'envoie un message à Thomas pour savoir si lui et Sam pourraient passer après le travail même si c'est dans plusieurs heures, j'ai besoin de voir du monde pour ne pas devenir folle. Il me répond quelques minutes plus tard :
Sup T : Désolé, tu sais que je pars à mon festival ce soir, pour le we. Je prends la route aussitôt, à minuit. Sam n'est pas là aujourd'hui, we en famille ou je ne sais quoi.
Je m'en veux en lisant sa réponse, car il m'en a parlé à plusieurs reprises tout comme Sam et ses projets, et je me rends compte qu'ils prennent soin de moi, mais que je ne suis même pas capable de retenir des choses importantes à leurs yeux.
Moi : Ah oui c'est vrai on est vendredi ! Amuse-toi bien !
Sup T : Mais ça va ?
Moi : Oui promis !
Sup T : À lundi alors, bon we.
J'en prends un coup au moral quand je réalise que ce n'est pas la soirée que je vais passer seule, mais surement le week-end. Fermant les yeux, je tente de me planifier un we... Il est clair que je vais devoir sortir, je ne peux indéfiniment pas rester dans mon appartement. La salle d'entraînement sera mon objectif pour le week-end. Ça me fera le plus grand bien. Je suis sortie de mes pensées par la sonnette de la porte d'entrée.
Comme à chaque fois, je suis terrifiée, de savoir qui vient me rendre visite. Approchant lentement de la porte pour ne pas faire entendre ma présence, je regarde dans le judas et sans hésiter j'ouvre la porte presque aussitôt.
— Qu'est-ce qui t'arrive ? lâche-t-il entrant sans attendre mon consentement.
Je le regarde enlever sa veste pour la jeter sur le fauteuil, il a l'air inquiet.
— Rien, pourquoi ? Tenté-je
Après avoir refermé la porte, je m'installe sur le canapé où il me rejoint.
— Tu as demandé à Thomas de passer... Tu ne peux pas continuer comme ça Mél. Va falloir que tu sortes de ce cercle vicieux.... Regarde-toi, tu restes dans le noir toute la journée.
Je baisse les yeux pour éviter son regard. Il sait très bien que je fuis la réalité. J'ai refusé chaque sortie qu'ils m'ont proposée, chaque activité. Je me ferme de plus en plus. Cette agression a fait ressortir toutes mes peurs...
— Tu as refait un cauchemar ?
Je lève le regard, surprise par sa question. Jamais, je n'ai abordé le sujet de mes nuits agitées. Je le fixe sans comprendre, je me sens mise à nue.
— C'est Sam qui m'en a parlé, elle t'a entendu plusieurs fois.
Il décolle une mèche de ma joue, surement un vestige de mon cauchemar, et la glisse derrière mon oreille. Je dois avoir une tête affreuse... une mine affreuse.
— Tu veux en parler ? murmure-t-il en s'écartant.
Je hoche la tête de gauche à droite fuyant son regard une nouvelle fois. Je ne veux pas revivre ça encore une fois aujourd'hui.
— Bon je nous commande un truc à manger ? me lance-t-il avec un sourire en coin pour détendre l'atmosphère.
Je relève la tête tentant de chasser mes démons, et lui fais un sourire en coin validant ainsi sa proposition.
— Voilà c'est mieux.
Je suis contente que Thomas l'ait appelé. En même temps j'aurais dû m'en douter. Ces deux acolytes sont devenus inséparables depuis que Rémi est passé dans l'équipe du soir et surtout depuis cette fameuse nuit.
Dégustant nos plats chinois, j'en oublie que Rémi est tout près de moi. J'arrive à me demander quand ai-je eu un repas complet pour la dernière fois ? J'entends Rémi pouffer de rire en m'observant dévorer les différents mets. Je lui lance un regard noir.
— Tu n'as pas mangé depuis combien de temps ? ajoute-t-il reprenant son sérieux.
— Je ne sais pas, soufflé-je honteuse.
— Tu vas te bouger Mél...
Je ne réponds pas et l'observe en silence. Mon regard se pose sur ses cicatrices qui m'intriguent depuis le premier jour. Sans réfléchir, je pose mes mains sur celles-ci caressant sa joue. Aussitôt il ferme les yeux et sa mâchoire se contracte comme si mon simple contact le brûlait. J'hésite, mais je poursuis :
— D'où te viennent ces cicatrices ?
Son visage semble se détendre et une fossette apparaît en même temps qu'un sourire léger. Les yeux toujours clos, il répond :
— Je parie que tu as cette question sur le bout des lèvres depuis le premier jour.
— Beh... oui... rigolé-je.
Il ouvre les yeux et son regard plonge dans le mien. Ses yeux noisettes m'hypnotisent, mais je ne bouge pas... attendant sa réponse.
— Ne t'attends pas à un truc extraordinaire, en fait juste un accident bête quand j'étais gamin, qui m'a valu d'être marqué à vie.
Un silence s'installe entre nous. Il me scrute comme s'il cherchait, au fond de mes yeux, une réponse à je ne sais quelle question. Je n'ose pas bouger... Pas pas peur, mais parce que j'apprécie ce moment. Plus que je ne devrais. Sa main repousse une autre mèche de cheveux comme il l'aime le faire pour me rassurer et il déglutit. Son mouvement est lent et calculé pour ne pas m'effrayer. Je suis sensible au moindre rapprochement depuis l'agression, il m'a vu à plusieurs reprises me reculer devant Thomas ou Thierry... mais jamais avec lui. Son regard s'intensifie me provoquant une chair de poule incontrôlée. Il déglutit toujours en me fixant. Je n'ose pas bouger...
Lentement, très lentement, il vient déposer ses lèvres sur les miennes, les effleurant doucement. Son contact est doux, tendre. Soudain son regard change.
— Je dois partir... Je suis désolé.
Il ne me laisse pas le temps de répondre qu'il a déjà quitté mon appartement laissant un grand vide. Eh merde... Dans quoi je me suis lancée là ?
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Panique au bout du fil
General FictionMélanie doit revoir son plan de carrière rapidement car les fins de mois deviennent difficiles avec ses maigres revenus. Elle finit par décrocher un entretien dans un centre d'appel qui va lui ouvrir ses portes pour une durée indéterminée. Inespéré...