Chapitre 14*

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Après quelques bières et surtout les pizzas tant attendues, nous nous retrouvons tous avachis sur le canapé king size qui a valu deux heures de casse-tête aux garçons dans les escaliers. Nous discutons de tout et de rien quand Sam et son cousin se lance dans une chamaillerie puisqu'il semblerait que la belle est ramenée « par inadvertance » un DVD ne lui appartenant pas. Avec plein d'humour, Thierry se mêle à leur conversation. Pour ma part, je préfère sortir faire une pause nicotine. Nico me rejoint très vite.

— Alors ça va ? Pas trop fatigué ?

— Je crois que je découvre des muscles dont je ne soupçonnais pas l'existence, lâché-je en rigolant.

Il s'appuie sur la rambarde près de moi et profite de la vue. La ville éclairée est magnifique. Un silence s'installe.

— Et toi ? Tu habites où ? Tu connais notre adresse, mais on ne sait pas où habite l'énigmatique Nico.

— L'énigmatique ? rigole-t-il le sourire en coin.

— Un peu quand même, ajouté-je, souriant à mon tour sans le regarder.

— Je crois que j'ai changé tellement d'appart ces deux dernières années, que j'arrive à ne plus me rappeler où j'habite.

J'explose de rire et m'allume enfin ma cigarette, lui en proposant une au passage.

— Tu devrais arrêter de fumer, me lance-t-il sèchement.

Je le regarde interloquer, lui-même porte une cigarette à ses lèvres.

— Et toi non ?

— C'est différent... Je trouve que pour une femme c'est mieux de ne pas fumer ou fumer de temps en temps...

— Pardon je le coupe, agacée.

— Désolé je ne voulais pas te choquer... je suis toujours franc.

— Si tu veux mon avis, tu aurais mieux faire de t'abstenir là.

Cette fois-ci c'est un silence gênant qui s'installe. Nico s'en rend évidemment compte et à peine ai-je écrasé ma cigarette qu'il reprend :

— Ok, désolé... dit-il hésitant, on reprend à zéro.... Sympa la vue, je t'offre une autre cigarette.

Il parle en théâtralisant ses mots, tentant surement de me soutirer un sourire. Son air stressé et ses efforts pour se rattraper me font effectivement esquisser un sourire.

— Donc tu veux que j'arrête, mais maintenant tu m'incites à en reprendre une ?

Je rigole, mais lui prends l'objet de la discorde sans attendre. L'atmosphère se détend enfin. Nous continuons à discuter tranquillement, mais intérieurement je me pose un tas de questions. Il est difficile à cerner et les remarques machistes que je viens d'entendre ne me plaisent guère.

Mon téléphone vibre dans ma poche et je m'en empare pour vérifier mes messages.

Sup R : Il y a de la place pour dimanche. Tu veux bosser ?

Je relis les derniers messages échangés et avec un grand sourire lui réponds :

Moi : Je ne sais pas trop, j'ai du mal à me contrôler, ce n'est peut-être pas une bonne idée.

Il ne met qu'une minute à me répondre :

Sup R : Tu sais que tu as un sale caractère !

Je pouffe de rire, oubliant presque la présence de Nico près de moi, qui a dû apercevoir notre conversation. Je fais abstraction et envoie une réponse rapide.

Moi : Je sais. Ok pour dimanche !

— Vous sortez ensemble ? M'interroge Nico presque trop froidement, me montrant mon téléphone d'un signe de tête.

— Non ! N'importe quoi ! C'est mon sup et je ne sais pas, il est sympa. Il n'y a rien du tout.

Sans répondre, Nico lance sa cigarette par-dessus le balcon, chose que je déteste, moi qui accumule les mégots dans le fond de ma poche tous les jours pour ne pas les jeter dans la rue. Décidément, ce passage sur le balcon n'a pas fait monter Nico dans mon estime. Plus je le connais et plus certains ombres de sa personnalité ne me plaisent pas.

Au bout d'une heure, je décide qu'il est tant pour moi de rentrer. Sur la route qui s'avère plus rapide qu'à l'allée, mon téléphone sonne. Ayant le kit mains libres, j'ai juste à répondre via une commande au volant, sans risque. Je m'interroge sur l'identité de la personne qui m'appelle à cette heure tardive, mais rien ne s'affiche sur l'écran de ma voiture.

— Allo ?

— ...

Sans m'en rendre compte, je ralentis ma vitesse. Personne ne répond. J'entends un souffle saccadé, mais rien d'autre. Je raccroche aussitôt. Je me gare rapidement pour attraper mon portable, activant la fermeture centralisée comme pour me protéger de l'appel. L'appel était évidemment masqué. Je tente de retenir ma crise de panique, mais des tremblements m'empêchent de reprendre la route. J'inspire et j'expire plusieurs fois pour tenter de me calmer.

Je sursaute lorsque quelqu'un frappe à ma porte. Toute tremblante, je lève la tête et aperçois Rémi et Thomas près de ma voiture. Je descends ma vitre pour pouvoir leur parler tentant de me calmer au maximum.

— Salut toi ! Me lance Thomas. Qu'est-ce que tu fais là ? T'as l'air chamboulé ?

Je me frotte le visage, soulagée de voir des visages connus. Ma respiration se calme petit à petit.

— Je viens d'avoir un appel étrange...

— Sur ton portable ? me coupe Rémi.

— Oui, c'est la première fois... j'en ai eu beaucoup au boulot, mais pas sur mon portable. Je ne comprends pas.

Les deux hommes froncent presque simultanément les sourcils réfléchissant à mon problème.

— Va falloir le signaler, je pense, reprend Rémi inquiet.

— Non c'est rien, surement une coïncidence. Je ne vois pas qui pourrait me faire ça franchement.

— Tu veux qu'on rentre avec toi ? On revient du ciné et Rémi allait me payer une bière, mais on peut te raccompagner si tu veux... on rentrera après.

Effectivement, je ne suis plus trop rassurée pour rentrer toute seule. Je ne suis pas loin de chez moi, c'est un peu bête, mais la peur, ça ne se contrôle pas. J'estime que je les connais assez pour leur faire confiance et les fais monter sans attendre.

En arrivant, ils m'accompagnent jusqu'à ma porte, mais refusent de rentrer, prétextant qu'il est tard, mais je pense qu'ils ont bien compris que j'avais envie de m'enfermer chez moi seule. À peine ai-je retiré mes chaussures qu'une notification me sort de mes songes.

Sup R : Appelle si besoin, bonne nuit.

Je ne réponds pas, je n'ai pas vraiment envie de jouer à ce jeu tout de suite maintenant. Je ne comprends pas pourquoi quelqu'un me fait ça... car maintenant j'ai presque la certitude que les appels au travail et de ce soir, ont un lien. Ça m'angoisse terriblement, mais je ne sais pas vraiment comment éclaircir la situation. À qui puis-je le dire ? Deux ou trois appels ne permettront pas de lancer une enquête. 

Panique au bout du filOù les histoires vivent. Découvrez maintenant