— Félicitations ! hurle ma meilleure amie au téléphone, tellement fort que j'écarte le portable de mon oreille le sourire aux lèvres.— Oui je suis contente, je vais un peu sortir de la galère et pouvoir voir venir. Bon après il va falloir tenir le mois d'essai.
— Je n'ai aucun doute sur ça, tu vas assurer... mais dis-moi comment tu vas. Tu ne me racontes rien depuis pas mal de temps, je m'inquiète.
Ma meilleure amie Alice a quitté la ville il y a quelques mois pour une opportunité professionnelle. Elle a été ma colocataire pendant toutes nos années de fac, mais également les premières années dans la vie active même si ça a été plus compliqué pour moi. Nous étions plusieurs amis à nous côtoyer régulièrement, mais en quelques mois, tout le monde a suivi sa route et je suis la seule à être restée. Tout ceci me paraît bien loin : les soirées, les sorties à pas d'heure, les moments complices. Depuis leur départ, je me suis concentrée sur ma recherche d'emploi peu fructueuse. Alice semble ravie et moi aussi. Cet emploi tombe à pic pour enfin sortir de cette inactivité qui me pesait.
Après un week-end à rester enfermée chez moi sur le canapé à parcourir Netflix et les réseaux sociaux, je me prépare enfin pour ma première journée de formation. J'ai opté pour une tenue sobre : jean brut, baskets noires et pull noir avec un col en v. J'attache mes cheveux châtains en un chignon coiffé décoiffé et je me maquille juste d'un trait de crayon noir mettant en valeur mes yeux sombres. Il me reste encore une heure avant le début des festivités, je peux donc m'offrir un café rapide installée dans mon salon.
Par chance, je n'habite qu'à quelques rues de mon nouveau lieu de travail ce qui va considérablement diminuer mes frais journaliers. C'est un appartement modeste dans une résidence calme et sécurisée, j'y vis depuis maintenant plusieurs années et m'y sens très bien. Il se compose d'une entrée avec un grand placard sur la gauche, d'un salon éclairé par une baie vitrée donnant sur un balcon assez grand pour ma mini table de jardin. Un couloir mène à deux chambres et une salle de bain de petite taille, mais suffisamment grande pour moi seule. Ma partie préférée reste la cuisine séparée du salon par un bar ou plutôt un comptoir. Évidemment la cafetière tant aimée y trône, toujours remplie.
Un rapide coup d'œil à ma montre m'indique qu'il est tant pour moi de partir, j'enfile mon parka et ferme mon appartement cosy pour affronter mon Nouveau Monde.
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Voilà maintenant une bonne heure que nous avons rejoint la salle de formation située près de la salle de conférence visitée lors du recrutement. Ce doit être la seule pièce qui n'est pas entourée de vitres, nous mettant ainsi à l'écart des « open space » de l'étage que nous n'avons pas encore eu la chance de voir. À notre arrivée un badge nominatif nous a été remis pour accéder au bâtiment en toute sécurité. L'équipe formatrice s'est présentée. J'ai ainsi pu me rendre compte que la dame en rouge qui aujourd'hui devient la dame en bleu était notre formatrice principale et nous suivrait pendant ces deux semaines. Je suis un peu déçue de ne pas retrouver l'homme aux cicatrices, mais j'imagine qu'il doit faire partie de la RH et qu'on ne le verra que rarement. Vingt personnes assistent à cette formation, toutes des nouvelles recrues. On nous explique que la formation sera suivie de deux semaines d'essai pour voir si nous arrivons à faire face sur le terrain. Il me reste encore un mois avant d'être sûre d'obtenir mon CDI, il va falloir que je reste discrète.
Nous passons les deux heures suivantes à écouter un descriptif complet de notre employeur et surtout des clients comme un opérateur téléphonique et une entreprise de vente en ligne. J'avoue n'avoir aucune préférence, le boulot ne sera de toute façon à mon avis pas passionnant, mais je ferai mon possible pour le faire au mieux.
L'heure du déjeuner arrive enfin. Je décide de rester pour manger dans la salle de repos. Je la rejoins dès la fin du cours. L'endroit est pour l'instant vide. Mes camarades de formation ne se connaissent pas encore et ont certainement fait le choix de rentrer chez eux pour manger. Cette pièce est très atypique et me rappelle un peu les séries espagnoles que l'on peut voir à la télé. Il y a beaucoup de couleurs, du violet, du jaune et une pointe de vert. J'ai rarement vu une salle de pause comme celle-ci. Je souris largement en atteignant les distributeurs au coin de la pièce. Des écrans télé sont accrochés au mur avec un accès aux commandes pour permettre au plus rapide de choisir le programme. Un grand comptoir de couleur flashy occupe le fond de la pièce entouré de hauts tabourets et de prises USB pour charger nos téléphones ou tout autre appareil avec cette connectivité. Je suis conquise, je me vois déjà installée ici le midi avec mes écouteurs Bluetooth.
Les distributeurs contiennent tout le nécessaire pour une pause rapide ou une pause déjeuner. Sans trop m'attarder, j'opte pour un sandwich et une bouteille de soda light.
Bien installée sur un tabouret, mon portable à la main, j'entends la porte de la salle s'ouvrir laissant apparaître deux hommes en chemise, le badge accroché à leur poche de pantalon. Je reconnais immédiatement l'homme aux cicatrices et ne peux m'empêcher de l'observer. Se rendant compte de ma présence, il me fait un signe de tête et me sourit discrètement. J'imagine que les stagiaires comme moi ne doivent pas espérer sympathiser avec le personnel de bureau. Les deux hommes s'installent avec un café sur une des tables. Il est tant pour moi de m'offrir une pause cigarette avant de rejoindre la salle de formation.
Après plusieurs jours de formation, j'ai dû remplir un carnet complet de notes de tout ce qui nous a été dit et montré. Je passe évidemment pour la stagiaire exacerbante qui pose des questions à tout va. J'ai toujours été comme ça et je sais que ça agace, mais j'aime maitriser le sujet et ne pas avoir de faille. Ce n'est en aucun cas pour me mettre en avant. À la pause déjeuner, je décide de me lier enfin avec mes futurs collègues pour sortir un peu de cette image de casse pied.
— Salut, lancé-je en m'approchant de trois femmes de ma promo installées dans la salle de pause.
Elles me regardent de haut en bas comme je déteste, mais je me dis qu'il est préférable de ne pas relever. Après tout je ne peux pas rester isolée toute ma vie. Je peux peut-être me faire des amis ou du moins des connaissances. Je m'installe près d'elles en échangeant un sourire léger avec celle qui me paraît la plus abordable, la plus discrète.
— Pfff, vivement qu'on en ait fini avec cette formation, sérieux ça bourre le crâne, j'ai perdu l'habitude de rester des heures face à un tableau comme ça, enchaîne la plus vieille reprenant ainsi le fil de la discussion avant mon arrivée.
— Vous restez manger maintenant ? tenté-je, en approche.
— Oui, ça commence à faire des frais les allés et retours. Et puis on ne va pas avoir une super paie ici donc bon.
J'observe ces trois femmes, tellement différentes. La plus vieille s'appelle Magali, elle est assez forte, mais semble à l'aise dans son corps avec son look assez exubérant. J'apprends en discutant avec elle qu'elle est mère de famille de trois enfants et a décidé de se remettre à travailler après de longues années d'inactivité. Celle qui m'avait l'air la plus sympathique semble toute timide par rapport à l'ainé. Elle a de longs cheveux blonds et paraît presque malade tellement elle est maigre. Je n'ai toujours pas entendu le son de sa voix, mais je sais qu'elle se prénomme Emilie. La troisième, une blonde platine, quant à elle, a la trentaine comme moi et semble ailleurs comme ci être ici n'était que provisoire. Elle est très maquillée et je remarque que ses vêtements arborent les sigles de grandes marques. Comment fait-elle pour s'offrir tout ça ?
Je ne pense pas que nous serons les meilleures amies du monde, mais au moins je me sens moins seule quand nous retournons dans la salle de formation.
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Panique au bout du fil
Ficción GeneralMélanie doit revoir son plan de carrière rapidement car les fins de mois deviennent difficiles avec ses maigres revenus. Elle finit par décrocher un entretien dans un centre d'appel qui va lui ouvrir ses portes pour une durée indéterminée. Inespéré...