3. LA RÔDEUSE

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3.

LA RÔDEUSE

« Il y a des moments où les mots s'usent. Et le silence commence à raconter. »

Khalil Gibran

Mardi 1er septembre 2020

Maintenant, qu'il était face à moi, je pouvais contempler aisément les traits de son visage en dépit du faible éclairage. Son teint bronzé faisait ressortir sa cicatrice rose logée au creux de sa joue et remontant jusqu'à la fin de son sourcil gauche. Ses yeux d'un gris flamboyants étaient devenus vifs en un laps de temps.

- Je peux savoir ce que tu fais ici alors que le couvre-feu vient de commencer ? Avait-il prononcé d'un ton austère.

- J'ai... Je ne me suis pas rendu compte de l'heure. Avais-je réussi à bafouiller.

Il prit une grande respiration et soupira peu à peu en ne me lâchant pas du regard, comme s'il essayait de savoir si je disais vrai, véritablement.

- Tu m'accompagnes ? Dit-il en entrant dans le coin fumeur et en disposant une cigarette dans l'encoignure de ses lèvres.

- Comment ça ? Demandais-je confuse.

- Ils vont vérifier les couloirs pendant une petite dizaine de minutes après l'extinction des lumières. Je ne te conseille pas d'y retourner tout de suite. Il hausse les épaules et part s'accouder à un mur.

Il était curieusement sympathique à mon égard. Je ne m'attendais certainement pas à un tel comportement de la part de mon Major.

Je me suis rapprochée de lui pour pouvoir rester en dehors des éclairages, tout en gardant une distance entre nous.

Intimidée par sa présence et ne sachant pas quoi faire. Je suis restée silencieuse et décontenancée.

Le silence devenait presque pesant et les secondes paraissaient être, de longue minutes, interminable.

À la suite de quelques minutes, je déporte mon regard vers lui et me rends compte qu'il me fixe. Troublée, je déroute ma vision de la sienne et je me mords l'intérieur de ma lèvre inférieure.-

- Tu oses ne pas respecter un ordre qu'on te donne, mais me regarder dans les yeux t'intimide. Il ricane de façon narquoise en secouant sa tête de gauche à droite.

Comment pourrais-je justement le regarder après avoir déroger à un ordre ?

- C'est que je suis un peu confuse. Je fronce les sourcils en marquant un arrêt avant de poursuivre. Je ne m'attendais pas à ce que vous soyez aussi agréable. Dis-je avec une pointe d'hésitation sur le dernier mot.

- Croyez-moi, c'est une exception et je serais loin de l'être la prochaine fois. Disons, que je laisse passer cette erreur sur la faute des premiers jours. Il souffle pour laisser échapper la fumée de sa bouche.

On ne pouvait pas être plus limpide que ça. Je n'avais donc plus intérêt à me faire remarquer pour la suite.

À première vue, il n'avait pas l'air d'être quelqu'un de très commode, et même si pour l'instant mes premières impressions ne se sont pas encore démontré, je ne préfère pas que cela se fasse.

- Au fait, comment tu t'appelles et tu es de quel régiment ? Me questionne-t-il.

- Romy Lammers, 21e régiment. Répondis-je sans hésiter.

Il hoche la tête et aplati le mégot de sa cigarette contre le mur avant de le jeter dans la petite borne métallique servant de poubelle à clope.

Sans empressement et presque détendu, il me fait signe de le suivre. Contrairement à lui, je ressentais une vive pression à l'intérieur de ma poitrine qui rendait le balancement de mon coeur plus ardent.

LAISSE MOI T'AIMEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant