7. JEUX MALSAIN

24 5 0
                                    


7.

JEUX MALSAIN

« Les mots n'ont aucune valeur quand les actes sont à l'opposé »

Anonyme

Vendredi 11 septembre 2020

J'attends là, cloîtré sur ma chaise comme si j'attendais qu'un juge m'accorde ma sanction après avoir commis un homicide. Mais non, je patiente juste dans un bureau un vendredi soir à attendre qu'un de mes supérieurs hiérarchiques fasse un point sur ma situation après mon premier avertissement dont avait fait part l'adjudant-chef Dorcivac. Maudit, soit-il.

Autant de répercussions pour une simple phrase. Dorénavant, je prendrais mes précautions et je n'ouvrirais plus ce qui me sert de cavité située en bas du visage.

- Mademoiselle Lammers, je ne m'attendais pas à vous revoir de si tôt.

Une voix puissante et masculine fait irruption dans mon dos. Je tourne machinalement ma tête pour apercevoir le Major Klein, je le suis du regard et jusqu'à ce qu'il se positionne devant moi les fesses posées sur son bureau.

Il attrape une feuille qui a l'air d'être récemment imprimée, car l'encre est encore brillante.

- D'après l'adjudant-chef Dorcivac, vous ne respectez pas les règles imposées. Il rigole. Mais ça ce n'est pas une nouvelle n'est-ce pas ? D'un coup, il devient plus sérieux et me questionne durement du regard.

Je ne suis me pas trompée. J'ai bien l'impression d'être en procès pour avoir commis un acte qui semble irréparable. Me faire gronder comme un enfant, c'est bien le comble à mon âge de jeune adulte de vingt et un an.

- Bon, poursuivons. Il soupire et continue de zieuter les quelques lignes restantes. Elle se permet d'entrer dans les chambres masculines. Il insiste bien sur le « masculines ». Et bien mademoiselle Lammers, qu'est-ce qu'il vous prend ? Vous ne pouvez pas attendre le week-end ?

Pardon ?

Je suis complètement révoltée par ses allusions rabaissante, mais que puis-je répondre à un supérieur après-tout. Les hommes de cette établissement se permettent vraiment tout, pour rabaisser quelqu'un.

Est-ce que je pourrais avoir un avocat pour ma défense ou c'est trop demander ?

- Si je peux me permettre major Klein, je ne suis pas entrée dans une chambre du sexe opposé. J'étais simplement à la porte. Avais-je dit pour me défendre.

- Je me contre-fou de votre avis et mes supérieurs aussi par la même occasion. Je ne veux pas savoir ce que vous avez fait ou pas. Il fronce les sourcils et élève la voix.

Mais où est-ce qu'on est là ? Au moyen-âge ? Ça veut dire qu'on pourrait m'accuser de toute sorte de chose et je n'aurais jamais le droit au bénéfice du doute.

Ce procès n'est clairement pas équitable, le juge n'est pas objectif dans cette affaire. Je dirais même qu'il est inévitablement corrompu.

- L'avertissement va figurer dans ton dossier.

Il prend ce qui s'avère être mon dossier et glisse la photocopie à l'intérieur.

Ce n'est pas possible, c'est certainement une caméra cachée pour avoir une réaction de ma part.

Prise d'un élan inexplicable, je me lève et me place face à lui. Je sers les poings et les dents en le dévisageant. Quant à lui, il esquisse un petit sourire en coin de façon narquoise comme si la situation qui débutait l'amusait.

- C'est injuste ! M'exclamais-je.

- Chaque acte à son lot de conséquences mademoiselle Lammers. Me répondit-il d'une voix suave.

- Quoi que je dise et qu'on dise sur moi, j'aurais tort, c'est ça ? Je baisse la tête complètement abattue.

Il dépose une de ses mains sur mon menton et le tire vers le haut pour que nos regards se croisent. Même à une distance correcte entre nos visages, je peux sentir son souffle chaud et mentholé s'écraser sur mes lèvres. Une sensation de tiraillement se fait à l'intérieur de mon ventre. À quoi joue-t-il ?

- C'est ça Lammers, tu as tout compris. Me souffle-t-il en s'approchant de mon oreille.

Ce qui me provoque un élan de frisson sur tout le corps. J'espère qu'il ne l'a pas remarqué. Mais le petit sourire mesquin affiché sur ses lèvres me fait comprendre tout l'inverse.

Il s'amuse complètement de la situation, et cela, lui plaît. Peut-être qu'à moi aussi ça me plait. Non, pas du tout ! La situation était complètement inéquitable pour moi et il s'en distrayait. Comme un enfant qui s'amuserait à terroriser un chaton. Mais un enfant, c'est innocent et ça n'a souvent pas conscience de ses actes contrairement au contexte actuel !

Une petite voix dans ma tête ne pouvait pas s'arrêter de me répéter : « Il veut jouer ? Et si c'est moi qui devenais le maître du jeu. ». Mais ce n'est clairement pas une bonne idée d'écouter cette petite voix diabolique qui s'avère être une partie sombre de ma conscience. Il est clair que je ne l'écouterais pas !

À force de réfléchir et sans m'en rendre compte, sa tête était déjà penché sur moi et sa mâchoire était au niveau de mon coup. Il laisse son expiration chatouillée la fine pellicule de peau qui recouvrait ma chair.

Je ne peux pas le laisser prendre le dessus sur moi et me faire perdre le contrôle. Je dégage mon coup de sa tête en me décalant de quelques centimètres.

Un petit rire espiègle s'échappe de sa gorge pour ressortir de sa bouche.

Il colle son front au mien en rompant l'espace que j'avais mis entre nous. Son nez effleure le mien. Les battements de mon coeur s'accélère encore plus que quand je suis sur le terrain d'athlétisme à courir au point de décéder sur place. Je pense que je suis presque en train de frôler la crise cardiaque en ce moment même. À tout moment mon coeur risque de céder.

Je regarde ses yeux qui sont encrés dans les miens, maintenant que j'ai croisé son regard. Il y a quelque chose d'électrique, comme une tension palpable dans l'air. Mes yeux descendent sur ses lèvres qui sont dangereusement proches des miennes, une minime intervalle de sécurité les sépare.

Pourquoi est-ce que je ne fais rien pour stopper cette grotesque mise en scène ? Peut-être parce que ce petit jeu tout à fait malsain me plaît en fin de compte...

- Tu peux sortir maintenant. Dit-il en laissant ses paroles écraser le bord de mes lèvres.

Il s'éloigne ensuite de moi en interrompant notre proximité.

Sérieusement ?

Je reste sur le cul. Comment pouvait-il s'amuser ainsi avec les émotions d'autrui.

Je lui lance un regard furieux auquel il me répond par un de ses nombreux sourires vicieux que j'avais pu apercevoir à plusieurs reprises.

Je lui tourne le dos en sentant son regard descendre sur mon postérieur. Tous des porcs.

Je ne manque pas de faire claquer la porte pour lui montrer mon mécontentement. Je ne manque pas aussi par la même occasion de me retrouver nez à nez avec la femme de ménage qui me toise avec un regard mauvais après mon action. Aillant une bonne éducation, je m'excuse auprès d'elle et me sauve.

LAISSE MOI T'AIMEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant