Il y avait une horloge dans ma nouvelle chambre. Du type ancienne avec aiguilles, grande et dorée, où l'on voyait le mécanisme s'agiter. Cela me permettait de savoir que j'attendais depuis près de deux heures.
Non pas que je n'avais rien à faire pour m'occuper, bien au contraire, mais je commençai à trouver le temps long. J'étais impatiente de rencontrer mon nouveau propriétaire.
J'avais commencé par prendre une douche. Je m'étais rendue compte qu'on m'avait laissée dans la tenue de mes anciens propriétaires —la vieille robe devenue tachée et ensanglantée— aussi j'avais éprouvé le besoin de me laver le plus rapidement possible. Cela tombait bien, il y avait une salle de bain attenante à la chambre.
Je n'avais pas passé beaucoup de temps sous la douche, malgré un environnement très agréable et de l'eau chaude encore plus agréable. J'avais eu peur que mon propriétaire arrivât trop tôt —ce pour quoi je n'aurais finalement pas dû m'en faire.
Il m'avait aussi été difficile de me regarder en face, dans le miroir de la salle de bain. J'avais découvert que mon corps était couvert de blessures hideuses, dont je ne voulais pas entendre parler. J'avais l'impression que ce n'étaient pas les miennes, que c'étaient des marques qu'on m'avait laissées sur la peau comme les tatouages d'une vache, pour marquer une propriété. J'avais beau garder la tête haute, je n'en menais pas large. La plupart des cicatrices resteraient sans doute à vie sur mon corps, même si leurs souvenirs m'échappaient. Moins je me voyais nue, mieux je me portais.
Certaines blessures ne pouvaient cependant pas se soustraire aussi facilement à la vue. Ma joue était atteinte d'une cicatrice que je ne pouvais cacher, et j'avais réalisé qu'il me manquait un bout de mon oreille droite. En m'en rendant compte, je m'étais souvenue de murmurs terrifiant et de l'amusement d'un tortionnaire lorsqu'il me mangeait l'oreille. Je m'étais sentie fébrile, sans doute l'on avait dû me la couper car elle était trop abîmée pour être soignée.
J'étais certaine que mon intimité avait été bafouée, j'en avais un profond sentiment de honte. J'avais détaché mes cheveux pour me couvrir l'oreille puis, quand j'étais allée m'habiller, j'avais pris soin de choisir des tenues larges qui cacheraient mon corps.
Histoire d'assurer que je ne coopérerais pas, j'avais voulu m'habiller comme un clown. J'avais fouillé dans l'armoire qui couvrait tout un pan du mur de la chambre, face au lit, et m'étais débrouillée pour trouver les vêtements les moins assortis possibles. Les habitants de ce monde ne semblaient porter que des tissus clairs ou des pantalons fins, à mi-chemin entre des toges romaines et des tuniques moyenâgeuses. Ça n'avait pas été facile de trouver de quoi piquer les yeux parmis ces étoffes très neutres, mais j'étais finalement arrivée à un mélange de couleurs violettes et jaunes désagréable, qui m'avait satisfaite. J'avais ensuite entrepris de vider les placards pour chercher avec quoi jouer.
Je n'en avais pas tiré grand chose. À part le lit flottant, il n'y avait aucun gadget magique dans ma chambre. J'avais dû me contenter de lancer des chaussettes —si cela s'appelait "chaussettes" dans ce monde— en visant la poignée de la porte d'entrée et en espérant secrètement que mon nouveau propriétaire l'ouvrirait et se prendrait, par un malheureux coup du sort, l'un de mes projectiles.
Mais ce jeu avait un intérêt limité, et le mystérieux jeune maître mettait trop longtemps à arriver. Lasse, j'avais fini par m'allonger sur le lit flottant. Les pieds battants dans le vide, yeux levés vers le plafond, je m'occupai désormais à détailler les poutres du regard et profitai de la lumière qui se répandait dans la pièce, à travers la fenêtre dont j'avais tiré les rideaux et ouvert les battants. De ma chambre, j'avais vue sur une petite cours verte d'herbe et de buissons, entre les larges murs en pierre de la bâtisse. Je devais être en ville, des bruits de machines, de foule et d'animaux me parvenaient de par delà l'enceinte.
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Seconde
ParanormalComme un ange... ou presque ? Aussi loin que le ciel s'étendra, il sera sa prison. Bienvenue dans un monde où les anges jouent aux démons, où les alliés trahissent, où les cieux s'embrasent et où la liberté se révèle être le plus grand des poisons. ...