18 ~ Tu as rencontré une Ery ?

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Elkass était un sacré parano. En ouvrant son sac pour travailler, entre deux bouchées de carottes, au self, il s'était rendu compte qu'il avait oublié son stylo en classe. J'avais dû me battre pour qu'il acceptât de me permettre de retourner le chercher. Il ne voulait pas me laisser seule, même Bill, avait dû se joindre à moi pour le convaincre.

J'avais retenu le chemin entre la classe et la cafète, j'y avais veillé. Et puis les couloirs étaient déserts sur le temps de la pause, ce qui évitait les mauvaises rencontres. J'avais fait remarquer qu'Alzès et Kalion étaient tous deux en train de manger, et que je ne connaissais personne d'autre qui pût m'agresser. Cela n'avait toujours pas été suffisant pour Elkass, qui tenait malgré tout à y aller avec moi. Je l'avais mal pris : je voulais pouvoir me déplacer seule sans qu'il ne fût sur mon dos.  Bien que ce ne fût pas une tâche passionnante, aller lui chercher son crayon était devenu une obsession : je ne voulais céder cette liberté sous aucun prétexte.

Le bruit de mes pas résonnait entre les murs du couloir vide. À grands coups de discours grandiloquents et de larmes de crocodile, j'avais finalement convaincu mon maitre -j'avais invoqué son manque de confiance en moi et l'avait accusé de m'oppresser, ce qui l'avait obligé à craquer. Il avait cependant imposé Bill comme escorte, le second de son ami Pazachy -à croire qu'il ne me faisait pas réellement pas confiance.

Durant la marche, je jetai des regards prudents du côté de mon associé. Ce petit bonhomme était assez mal à l'aise pour que je sois persuadée que ça allait être à moi de le protéger s'il nous arrivait un pépin. Décidément, Elkass était stupide.

Ou peut-être pas tant que ça ? Du moins avait-il raison lorsqu'il disait que même si je ne connaissais personne, les gens m'avaient déjà repérée.

— Eh, toi ! entendis-je appeler en passant devant la cage d'escalier.

Bien que les couloirs fussent vides, ce n'était sans doute pas moi que l'on appelait. Dans le doute, je préférai poursuivre ma route.

— Toi, la seconde d'Elkass !

Cette fois, il était difficile de se méprendre. Je m'arrêtai, serrai les poings, les battements de mon cœur s'accéléraient dans ma poitrine. C'était plus fort que moi, j'étais certaine que ça allait être une mauvaise rencontre.

Sur mes gardes, je me retournai vers la provenance de la voix. Derrière, Bill s'était déjà arrêté et observait notre interlocutrice avec méfiance.

La jeune fille devait avoir mon âge, mais toute ressemblance s'arrêtait là. Des cheveux crépus d'un noir profond coiffés en pétard, du maquillage à outrance qui encerclait ses yeux de sillons clairs pour faire éclater ses iris d'un brun rayonnant, la peau halée, une tunique à une manche manquante, ajustée selon un style très aléatoire, et des mains posées sur ses hanches pour donner une posture fière depuis sa grande taille, elle respirait la confiance en elle.

— Je m'appelle Zede-a, grommelai-je.

Elle fit la grimace.

— Je sais, mais j'aime pas parler leur langue.

Elle abordait un air suffisant qui me contrariait. Je fronçai les sourcils. "Leur" langue ? J'avisai le collier passé autour de son cou, il s'accordait si bien avec sa tenue qu'il passait inaperçu. Elle était une seconde, compris-je dans un haussement de sourcils. Une seconde en mauvais termes avec les anges, avec ça, notai-je dans un coin de mon esprit. Je devais faire attention à mes fréquentations pour ne pas nuire à l'image d'Elkass, et elle ne semblait pas en être une bonne. Cependant, elle avait un petit quelque chose qui m'attirait. Un air de rebelle qui trouvait résonnance en moi et qui me plaisait, moi qui ne pouvais rien faire dans notre marché avec Elkass.

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