12 ~ Ce sont mes affaires

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Mon propriétaire s'était dépêché de nous faire quitter la salle de classe pour la pause du matin, sans doute voulait-il éviter les gêneurs. J'avais compris qu'il ne portait pas Alzès dans son cœur, tout comme je supposais que si nous étions resté plus longtemps en classe, ce dernier n'aurait pas manqué de venir nous provoquer.

Nous avions donc passé la pause à l'écart, dans un coin de la cour peu fréquenté. Le parc immense qui entourait le château de l'université regorgeait de cachettes. En revenant en classe, nous dûmes cependant retrouver le population.

Nous nous glissions les uns après les autres entre les élèves. Enohan pour ouvrir la marche, suivi de près par mon propriétaire, devant, et Pazachy avec son second dans mon dos. Je serrai la sacoche d'Elkass contre moi, comme si cela pouvait me protéger des regards curieux. Plus le temps passait, moins j'avais l'impression d'être à ma place, parmi ces étranges élèves. Je n'étais qu'une humaine, après tout.

Malheureusement, le moment tant redouté finit par arriver. Devant, mon propriétaire pila net, et je manquai de me le prendre avant de m'arrêter.

— Mon cher Elkass, tu ne nous présentes pas ?

La voix qui nous appelait avait quelque chose d'amusé, d'hautain et de suave tout à la fois. Il fallait être un sacré professionnel pour parvenir à un tel mélange.

Je lançai un regard curieux par-dessus l'épaule de mon propriétaire. C'était bien Alzès qui se tenait là, sa peau dorée et ses cheveux bouclés en travers du visage, abordant un sourire provocateur digne du plus terrible des démons. S'il devait être un ange, sans doute descendait il de Lucifer.

En face de lui, bien droit dans ses bottes, Elkass ne répondit pas.

— Alors les rumeurs étaient vraies, ricana son adversaire. Tu as réussi à t'acheter une seconde, avec tes trois sous ?

C'était insultant.

Mon propriétaire soupira, il sembla comprendre qu'il ne pouvait pas éviter l'affrontement.

— En effet, confirma-t-il. Zede-a, je te présente Alzès. Alzès, voici Zede-a, ma nouvelle seconde.

Je ne sus trop quoi faire, mon propriétaire m'avait présentée sur un ton si sirupeux que je ne savais pas s'il était sérieux. À défaut d'essayer une révérence maladroite, je décidai de ne pas bouger.

Si je lui manquai de respect, cela ne sembla pas navrer l'autre tête de démon. Ce fut à peine s'il m'adressa un regard, se contentant d'un soupire las et d'un regard levé au ciel en m'avisant. Je serrai plus fort la sacoche contre ma poitrine, vexée. Cela devait être une bonne chose, qu'il ne s'intéressât pas à moi, mais sa manière d'être dédaigneuse m'écœurait. Pour qui se prenait-il ?

Tête de démon se pencha à hauteur d'Elkass —parce qu'avec sa petite taille, mon propriétaire devait faire une tête de moins que lui.

— J'espère que ce ne sera pas un motif pour t'imaginer des choses, menaça-t-il.

Je frissonnais : en plus de ses mauvaises manières, ce type savait se montrer effrayant. Je ne le connaissais pas, mais son attitude suffît à me décourager d'approcher.

Mon propriétaire ne se laissa cependant pas impressionner.

— Parce que tu sens menacé ? répondit-il avec un sourire en coin, le genre de sourire effronté que l'on aborde pour énerver l'assistance. Il me suffit d'avoir une seconde pour te mettre la pression ?

Alzès fronça davantage les sourcils. Son attitude devint dangereuse, ça ne m'étonnerait pas qu'Elkass se prît très prochainement un coup de poing dans la tête. Heureusement, le démon se retint et se contenta de prendre du recule, préférant répondre sur le ton de la plaisanterie :

SecondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant