21 ~ Tu dois le tuer

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La maison de Caraca n'avait rien d'une maison de sorcière. Il fallait dire qu'à Hestala, il n'y avait aucune façade sombre et aucun arbre mort pour ressembler de près ou de loin à une maison de sorcière.

Pour mettre fin à notre périple, Ery s'arrêta devant une propriété comme les autres, perdue dans l'enchaînement de boutiques et d'immeubles en briques un peu à l'écart du centre ville. La maison disposait d'une petite cours d'entrée, d'une façade d'une teinte rosée, de petites fenêtres blanches et d'un hublot rond sous le toit. Sceptique, j'avisai mes compagnons entrer dans la boutique avant de les suivre. En retrait, j'inspirai profondément puis pénétrai dans l'antre de la sorcière. 

En première lieu, j'eus l'impression qu'on s'était moqué de moi. Il n'y avait rien qui évoquait la magie noir dans cette maison.

La petite échoppe avait tout d'une boutique de charlatans, comme il y en avait des centaines sur Terre. Un rideau de perles devant la porte d'entrée, des étagères plaquées contre les murs couvertes de babioles en tout genre, des étoiles qui pendaient du plafonds et une atmosphère tamisée filtrant à travers les rideaux transparents des fenêtres. Il s'y rajoutaient un rayon pour les pierres, un autre pour les herbes, encore un pour les potions, une boule de cristal posée sur une table ronde et deux chats noirs dormant sur le comptoir. C'était un cirque, ça avait tout d'une boutique de diseuse de bonne aventure. Je ne savais pas ce qu'Ery appelait "sorcière", mais ça ne me faisait plus si peur.

Pour compléter le tableau, lorsque la gérante débarqua —suite à l'appel d'Ery— elle correspondait parfaitement à la caricature d'une sorcière. Caraca était une femme petite aux formes avantageuses, avec une robe en coton noire, des gants qui remontaient jusqu'en haut de ses coudes et des cheveux d'un roux aussi éclatant que le soleil. Emmêlée de boucles étincelantes et parcourue de mèches brunes, sa chevelure descendait jusqu'à ses fesses, encadrant sa silhouette généreuse et couvrant son dos telle une cape de feu. Son maquillage prononcé, dessiné d'arabesques noires et violacées, jouait avec le blanc de ses pupilles pour lui conférer un regard perçant, que ses joues rebondies rendaient plein de vie. Son sourire était pulpeux, contagieux. C'était une belle femme qui, en l'occurrence, faisait très "sorcière". Même si elle ne faisait pas peur pour autant.

— Ery ! s'exclama-t-elle en faisant tinter les rideaux de billes accrochés à l'arche derrière le comptoir. Ma chérie, comment vas-tu ?

— Très bien, Caraca !

Je sentis tout de suite l'affections que ces deux filles se portaient, j'avais l'impression d'être entrée dans la maison d'Ery. L'ambiance familiale qui régnait me mettait mal à l'aise.

— Laure ! Thomas ! Wann ! Bienvenue les enfants !

À chaque nouveau prénom, la sorcière changeait de direction. Elle dansait entre nous avec de larges mouvements de mains, sans trop savoir où s'arrêter. Elle m'aperçut finalement et se concentra sur moi.

— Oh ! Ery, tu me ramène une nouvelle recrue ?

La jeune fille confirma d'un signe de tête. Elle s'approcha de moi et me prit le bras avant que je ne pusse réagir.

— C'est Zede ! me présenta-t-elle. La nouvelle seconde de l'autre lourdingue, là. Je pense qu'elle sera ravie de se joindre à nous !

La sorcière pencha la tête pour me jauger. Cela aurait pu être effrayant, mais elle était trop bienveillante pour que je me sentisse en danger.

— C'est vrai ça ? Tu es la seconde de l'autre lourdingue, là ?

Caraca exagéra sa manière de parler, ce qui me donna envie de sourire. Ce ne fut que quelques secondes plus tard que je réalisai que c'était Elkass qu'elles traitaient de "gros lourdingue". Je fronçai les sourcils.

SecondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant