Chapitre 1

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Quand je voyais s'éloigner la rive, je comprenais que plus rien ne serait comme avant, je comprenais que j'allais découvrir des nouvelles personnes mais en perdre d'autres.
Je partais en mer et je plongeais peu à peu dans le vide et je me noyais dans l'horizon qui s'étendait à mon grand regret, à l'infini.
Je ne regardais sûrement pas les nombreuses personnes qui étaient là, avec moi sur ce bateau, je savais qu'ils allaient rester avec moi durant de très longs jours, mais je n'étais pas pressé de les connaître, en fait, c'était une nouvelle aventure qui commençait.

Je pensais à mes sœurs, qui avaient préparés très soigneusement mes affaires et qui en partant ont laissés une larme couler sur ma joue.
Cathy, ma sœur aînée, enfin elle s'appelle Catherine, mais pour tout le monde c'est Cathy. Elle ne pleure jamais, en fait, elle me disait toujours ; « Ne pleure jamais pour ton malheur ou pour celui des autres ». En effet, c'est ce que j'ai toujours fait, aujourd'hui encore, vu la situation je ne pouvais laisser paraître mon mécontentement.
Je devais faire ce voyage, il était nécessaire que j'aille chercher des provisions, ou des médicaments, pour notre père qui devait revenir bientôt de la guerre. Mais voilà, malheureusement, c'était dans des conditions qui m'étaient familières, je me souviens de circonstances terribles.
Tous ces gens, qui souriaient, qui étaient heureux, de partir loin de chez eux pour découvrir des nouveaux lieux, de nouveaux paysages et animaux étrangers, mais pas moi.
Moi, ayant déjà fait ce voyage, et contraint de recommencer, je ferais n'importe quoi pour céder ma place.

Au moment où je songeais à m'évader à la nage ou à dos de dauphins, je me figeais, en fait je ne pensais plus, je ne voyais qu'elle. Elle était là, sous le soleil et les nuages éclairée par les seuls rayons qu'il dégageait, elle semblait pensive mais également pas très heureuse sur le moment. Je l'ai regardée assise là pendant au moins deux heures d'affilées et je ne m'en lasserais pas, je cherchais chaque détail, chaque mimique, chaque défaut, pourtant si parfaits, chaque millimètre de son corps irrésistiblement attirant et je m'imaginais chaque scène potentielle. Jusqu'au moment ou un homme brun foncé aux yeux très clairs ne me sorte de ma rêverie impossible.

Il me faisait un petit signe de la main puis me questionna ;
- Toi aussi tu connais ce voyage n'est-ce pas ? Son ton est agréable et il n'est pas méprisant je lui réponds d'un signe de la tête et il poursuit ;
- C'est vraiment déstabilisant de voir tous ces gens heureux de faire un voyage qu'ils vont regretter d'ici deux jours tout ou plus, et je voyais dans ton regard que toi seul ici savait la vérité sur ce voyage. Mais je ne suis pas méchant, à vrai dire nous pourrions devenir amis ?
Apparemment, il lit dans mes pensées. J'avais été troublé par ce personnage si gentil, qui avait l'air d'avoir vécu tant de choses mais qui au fond semble rempli de générosité et de sympathie.
- Tous ces gens ne savent rien. On ne peut être heureux d'un tel voyage. Je pense qu'être à deux ne sera jamais pire que ce qui nous attend. (Je pense soudainement à la fille.) Connais-tu cette fille, là-haut ?
Il prend un air de rigolade, j'avais l'impression qu'il se moquait, mais au moment où je commençais à me vexer il enchaînait ;
- Cette fille-là ! J'espère que tu plaisantes. Je pense que même le plus doué d'entre nous serait incapable de seulement l'approcher. C'est la fille de Mr Headklift.
Je prétend ne pas être vexé.

Cela dit, en effet, il serait impossible pour moi, ou n'importe qui d'avoir l'idée de l'approcher.
Mr Headklift était un grand homme qui travaillait pour le roi, c'était aussi l'homme le plus riche d'Angleterre, c'était un homme important en affaires avec plus de contacts qu'il n'en faudrait, mais c'est également l'homme qui organise ce voyage, tout le monde serait forcé d'avoir peur, financièrement, comme physiquement.
- Je ne savais pas qu'il avait une fille.
- En fait si, elle doit d'ailleurs se marier à Smith d'ici quelques mois.
Smith. J'aurais pu m'en douter, tous mes rêves s'entassaient au fond de mon cœur mais mon esprit savait mieux que personne que ce n'est pas ce futur mariage qui m'arrêterait. Je décide de changer de sujet.

- Allons manger.
Il acquiesce d'un signe de la tête et nous nous dirigeons vers la grande pièce centrale qui est sans doute là où nous devons nous installer pour manger.

La pièce était très grande, en fait, je me demandais comment cette dernière pouvait être à sa place sur ce bateau qui en apparence n'est pas aussi grand qu'il n'y paraît. Nous nous installons sur une table de quatre places en bois sur la gauche en rentrant. La table était gravée de plusieurs noms, cela n'était pas rassurant, je vous l'accorde.

Deux hommes assez costauds servaient nos assiettes déjà toutes préparées et prêtes à être mangées.
- Je ne me souvenais pas que cette nourriture fût si bonne. Dis-je avec sarcasme, et discrètement par peur que ces deux messieurs m'entendent.
Il me regarde et me lance un léger sourire timide. Quand je me remettais à penser à cette fille, je me disais que je pouvais peut-être lui poser quelques questions à son sujet, à vrai dire il avait l'air d'en connaître suffisamment sur sa vie.
- Comment s'appelle-t-elle ?
Il me regarde avec interrogation mais comprend rapidement, en souriant, il me dit ;
- Merredia.
- Pourquoi est-elle venue sur ce bateau ?
- Sa famille possède ce bateau, ils en possèdent plusieurs d'ailleurs. D'après ce que l'on m'a dit, elle serait venue seulement pour faire plaisir à son futur mari mais que tout cela ne lui plaisait pas. (Il reprend son souffle) mais d'autres disent des hypothèses imaginaires, tout le monde croit que c'est une sirène.

J'avais de l'eau dans la bouche, à vrai dire, maintenant elle est par terre. Je sens des regards qui se posent sur nous mais je n'y prête pas attention.

Il ne devait pas comprendre pourquoi je m'étais mis à rire aussi fort, peut être pense-il que je me moquais, ce n'est pas totalement faux finalement, je n'y crois pas un instant.
- Malheureusement personne n'a jamais eu de preuves et personne n'a jamais prétendu avoir vu quelque chose de suspect. Mais tout le monde en est persuadé.
- Moi je n'en suis pas du tout persuadé, cela n'existe pas. Dis-je la bouche pleine.
- Son corps serait comme en liaison avec l'eau.
- Évidement. Mon ton est plein d'ironie.
Lorsque nous avons fini de manger nous allons directement sur le pont pour regarder la mer, on voyait pleins d'animaux marins et les paysages étaient, je dois l'admettre, magnifiques.
Je pensais à ma maison, j'avais évidemment très envie de rentrer chez moi. Ma pensée me répétait sans cesse que je n'avais pas envie de partir, loin d'elle.
- Tu m'as entendu ?
- Non excuse-moi.
- N'as-tu jamais entendu parler de cette légende ?
Je mis quelques secondes à comprendre de quoi il me parlait.
- Non, à vrai dire, jamais.
- Même pas dans les contes ? Ta maman ne te lisait jamais d'histoire fantastiques ?
- Ma mère est décédée quand j'avais trois ans, dis- je, elle est morte peu de temps après la Première Guerre Mondiale. En fait, je crois que c'est la raison de sa mort.
Quand il voyait ma réaction embarrassée il ne pouvait plus s'arrêter de s'excuser.
- Excuse-moi, je ne savais pas.
- Non ne t'excuse pas, tu ne pouvais pas savoir et c'était il y a très longtemps, c'est agréable de pouvoir parler d'elle sans dire que cela est une tragédie pour la famille.
Il me fait son plus beau sourire gêné. Et soudain je me demandais ;
- Comment t'appelles-tu ? J'aurais sans doute dû le demander plus tôt.
- Max, sourit- il, Et toi ?
En réalité, jusqu'ici je ne pensais pas donner mon prénom à quiconque.
- Je m'appelle Arthur. (Je baisse la tête).

En relevant la tête j'aperçois la jolie fille de tout à l'heure, elle était beaucoup plus proche, cette fois-ci, et encore plus belle. Mais elle ne me remarquait pas. Elle était d'un brun brillant avec de jolis reflets châtain. Des yeux verts absolument magnifiques et un regard des plus perçants. Quand son regard croisait le mien je me forçais à regarder ailleurs mais j'échouais lamentablement. En fait, elle avait déjà remarqué que je la regardais. Elle me lança un sourire rempli d'espoir, tourna ses talons et s'en alla.

Deux grands hommes assez semblables à ceux qui nous ont servi notre dîner, s'approchaient vers nous.
- Suivez-nous, votre cabine se trouve au fond. Sans vraiment comprendre pourquoi, nous les suivons, et nous nous retrouvons dans une cabine assez étroite mais tout de même convenable pour deux. Dans mes souvenirs c'était beaucoup moins bien, nous devions nous débrouiller seul pour trouver nos cabines qui étaient très sales et beaucoup plus petites.
- C'est moi qui prends le lit du haut !
Un éclat de rire ne viens, je me rends compte que c'est le premier depuis longtemps.
- On dirait des gamins.

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