Chapitre 2

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- Ce soir est j'imagine la seule soirée qui ne sera trop terrible.
- Probablement. Ou alors tous les souvenirs de ce voyage sont du passé, ils ont peut-être changé leurs règles.
Je m'endors sur une brève pensé pour la fille aux cheveux magnifiques et au regard ravageur, Merredia. Je me demande justement si elle a vécu ce que l'on a vécu du voyage dernier, ou était-elle seulement là à nous regarder souffrir comme des bêtes, ou, souffrait- elle avec nous ?

Le lendemain nous sommes réveillés par des cris, j'étais déjà sur le point de m'imaginer les pires scénarios qui commençaient de ce voyage, quand très naturellement un enfant entra dans notre cabine en criant puis reparti pour poursuivre son activité dans les autres cabines.
- C'est une plaisanterie ? Dis-je agacé. C'est comme ça que nous nous réveillons désormais, à choisir, je préférais l'ancienne méthode.
Je mens. L'ancienne méthode consistait à nous jeter des seaux d'eau glacée dessus. Parfois, ils alternaient, c'était de l'eau bouillante.

Il suffisait que cette idée me traverse la mémoire pour que mon corps tout entier frissonne.
J'entends vaguement Max en dessous, qui ronchonne des mots incompréhensibles et soudainement je me rappelle très précisément que je pouvais avoir très mal au cœur sur un bateau.

Pour le petit déjeuner, un morceau de pain par personne, ce n'est pas la guerre tout de même, nous mangeons tous à notre faim. Mais avions-nous seulement un petit déjeuner lors de notre dernier voyage.
- Je pense à tous ces bourgeois là-haut qui sans aucun doute se font servir sur une assiette en argent des œufs mimosas, du bacon et...
- Je ne pense pas que Merredia mangerait ainsi sachant que des personnes ne mangent pas à leur faim, juste un étage au-dessous d'elle.
- Tu ne la connais pas Arthur. C'est une bourgeoise comme les autres et fait ce que les autres font.
Je sais qu'il a raison, je ne veux simplement pas l'admettre, à vrai dire je ne peux admettre qu'il y ait une ombre de méchanceté dans cette personne.

Je me retrouvais là, couché sur un banc, un livre à la main alternant le ciel foncé et ses étoiles et les pages blanches des Hauts du Hurlevent.
Il devait être vingt-trois heures quand je sentais mes paupières tomber, lorsqu'un petit cri les réouvra complètement. Je me demandais qui pouvait bien encore crier.
Je me précipitais vers le cri qui finalement semblait être un cri de détresse, et j'aperçu une dame vêtue de blanc avec un chapeau et une rose blanche à la main. En regardant de plus près, je voyais bien qu'elle allait tomber. En fait, sa robe était accrochée à la barrière, si je n'agissais pas rapidement, la robe craquerait et elle basculerait par-dessus bord. J'avais comme un sentiment de panique, sans vraiment savoir comment m'y prendre mais quand je réussis à la sortir de là, et qu'elle fut saine et sauve sur le beau parquet de l'étage des bourgeois, je la regardais pour la première fois depuis que je suis arrivé sur les lieux bien décidé à faire ce beau geste, elle leva la tête et j'ai vu ce beau visage, ce magnifique visage inondé de larmes.
- Je vous suis tellement reconnaissante.
Sa voix sonne comme une mélodie si douce mais en même temps si fragile, je suis comme envoûté par son charme.
- Ce n'est pas la peine, voyons, vous étiez en danger.
- Non, je vous en prie, laissez-moi vous offrir un dîner.
Je ne peux qu'accepter cette proposition, un dîner avec la femme qui tourmente mon esprit depuis deux jours.
- Si vous insistez, dis-je très calmement.
Mais intérieurement c'était le carnaval de Venise.
Quand je rejoignais Max dans la cabine, il s'était déjà endormi. J'aurais voulu lui raconter ce qu'il venait de m'arriver.
Le lendemain matin, par chance, c'est Max qui me réveille, il m'annonce qu'il est déjà midi et qu'il est pratiquement l'heure d'aller déjeuner. Je fais un bon et saute de mon lit pour me préparer.
- Tu viens ? Nous allons déjeuner.
- Non, je déjeune avec la jeune fille, elle voulait me remercier et...
- Te remercier ? J'ai loupé un épisode ?
- Oui, à vrai dire, un petit épisode, dis-je en rigolant bêtement. Je t'expliquerais tout ça en détail après ce rendez- vous auquel je suis déjà en retard.

Quand je suis monté à l'étage, c'était exactement comme je l'imaginais, il y a sur le pont des musiciens qui jouent une belle musique enjouée au violon, que je ne connais pas, sur les bords, il y a des chaises longues avec des gens en maillots de bain allongés et quand je tourne la tête pour analyser l'arrière de l'endroit, je me retrouve face à face avec Merredia. Elle est habillée d'une longue robe rouge avec un foulard léger en coton pour couvrir un peu son visage. Sûrement pour ne pas être reconnue avec moi à ses côtés, quand elle baissa son foulard je vis un sourire gêné et un regard moqueur qui me reluquait de haut en bas.
- N'avez-vous pas de costume ?
- Non.
Cela va de soit, je n'ai pas d'argent, en fait.
- Suivez-moi dans mes appartements, je dois avoir ce qu'il vous faut.
- Je ne peux pas accepter.
- Vous n'avez pas la permission d'entrer comme cela dans le restaurant où nous allons.
J'en oubliais presque ou j'étais, à ce moment-là. Je me vois dans l'obligation d'accepter, je ne peux rater un déjeuner avec elle.
- Allons-y.
Cela ne me plaisait pas vraiment d'être habillé comme tous ces gens. Je devais au moins le supporter cette soirée. Je ferais tous les changements possibles pour elle.

Quoi ?

Quand je repensais à toutes ces soirées auxquelles je me forçais à aller, Cathy les adoraient. Quand les serveurs portaient leurs plateaux d'amuse-gueules, elles se précipitaient toujours dessus avec Molly.

Molly est la cadette de mes sœurs, elle a cinq ans. La seconde, Kaly, aura bientôt onze ans. Moi je me place derrière elle, je viens d'avoir dix-huit ans. Et Cathy, l'aînée, a vingt ans. Nous avons deux ans d'écart mais nous sommes si proches, ce n'est pas si simple d'être entouré de filles. Mon père et moi étions les seuls garçons, mais lorsqu'il est parti, j'étais le seul.
Ces derniers temps, nous sommes les parents, Cathy et moi. Mon père doit servir pour l'Angleterre, et reviendra seulement dans un mois.
Je pense être fin prêt pour aller à ce fameux déjeuner. Une fois qu'elle finit d'arranger mon nouveau nœud papillon, elle me dévisage, en me regardant de haut en bas. Je sens mes joues qui rosissent, seulement j'espère qu'elle ne l'a pas remarqué. J'ai à peine eu le temps de penser cela, qu'elle rigole en regardant mes joues.
- Cette fois, nous sommes prêts.
A-t-elle lu dans mes pensées ?
Quand nous arrivons dans ce grand restaurant, un homme qui semble dépasser la trentaine, nous ouvre la porte au moment où j'allais tendre le bras pour l'ouvrir.
- Il faut sûrement que je m'habitue à ce genre de détails.
J'entends un gloussement s'échapper de sa bouche, et je me surprends à m'imaginer poser mes lèvres sur les siennes.
Le repas est très savoureux, je l'admets, je n'avais pas mangé comme cela depuis très longtemps, depuis que mon père est parti en fait. Au niveau de l'attitude, je dois sûrement faire des efforts mais pour rien au monde je ne voudrais être ailleurs.
Je ne sais pas ce qui me fait soudainement penser à cette légende, je pensais lui en parler mais finalement je vais m'abstenir et ne pas aborder le sujet.
- Nous pouvons nous tutoyer ?
- Mmh... eh bien, je ne tutoie que rarement...mais...
- Non ce n'est pas grave je comprends, ne vous inquiétez pas, on...on peut se vouvoyer dans ce
cas.

Pathétique.

- En fait, non, j'allais justement dire que nous pourrions nous tutoyer.
- Je ne veux pas changer vos habitudes, vraiment.
J'ai l'impression d'en faire beaucoup trop, peut-être a-t- elle vraiment envie que nous nous tutoyons. J'espère qu'elle ne sera pas trop déçue par ce déjeuner.
- Ça va, je t'assure, tout va bien.
- Je vous, enfin je t'apprécie beaucoup. Pardon pour cette scène de théâtre ratée dis-je en rougissant lamentablement.
Elle me répond d'un sourire de sympathie, et nous finissons le repas dans le silence. Je me rappelle avoir commandé du homard, il était vraiment délicieux. Et elle, avait pris du saumon. Il avait l'air appétissant aussi. Je ne me serais pas permis de goutter dans son assiette, je ne pense pas que ce soit des choses qui se fasse du coté ci de ce bateau.

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