Prologue

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Elle n'était pas une jolie princesse qui se languissait d'un hypothétique prince presque charmant. Elle ne vivait pas dans une chambre mansardée, occupée du soir au matin à suer sang et eau au service de sa perfide marâtre et ses horribles filles, encore moins enfermée à double tour en haut d'un donjon gardé par un dragon féroce.

C'était une jeune brebis mérinos qui, jusque-là, menait une existence tout ce qu'il y avait de plus modeste et simple, dans un tout petit village Atacama, à l'extrême Est du désert du même nom, à la frontière du Chili et de la Bolivie, en plein cœur de la Cordillère des Andes. Latitude 22.85° sud, longitude 67,88° ouest, pour être tout à fait précise.

Sur des kilomètres à la ronde, on y trouvait, depuis des temps immémoriaux, des lagunes turquoises ou rougeâtres au taux de salinité qui frôlait des records, ainsi que des salars d'un blanc lumineux, aux étonnants motifs hexagonaux. La plupart se trouvait le plus souvent pris d'assaut par des hordes de flamants roses en quête d'un savoureux repas. L'activité tectonique intense de la région avait même ajouté au décor quelques curiosités géologiques telles que des champs de geysers, de nombreuses vallées encaissées aux strates multicolores, mais surtout toute une copieuse ribambelle de volcans, dont l'imposant et majestueux Licancabur, voisin immédiat du petit ayllu.

Connaissez-vous ce dicton « laisse pisser le mérinos » ? À côté du fait que ces animaux grégaires sont considérés depuis des temps anciens comme les champions du monde toutes catégories de production lainière, et qu'en moyenne 4 % des jeunes béliers mérinos sont sujets à la cryptorchidie2 – information assez superfétatoire au quotidien, qui peut malgré tout vous permettre de briller en société, je vous laisserai en juger par vous-même –, on les élève également pour leur production de fumier qui permet de fertiliser depuis des siècles les terres pauvres de la région. Par chance pour les fermiers locaux, les moutons ont toujours passé beaucoup de temps à cette activité extra-scolaire.

Comme tout bon mérinos qui respecte ce dicton, Euphrosine allait en général au petit coin au moins deux fois par jour, et pendant ce temps, elle en profitait pour méditer sur la vie, l'univers et le reste...

Les tribulations d'Euphrosine - Une aventure dont vous êtes un peu le héros !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant