Les tribulations d'Euphrosine - Une aventure dont vous êtes un peu le héros !

Niquedouille, sirop pour matou et contrebasse

Nos aventuriers niveau 1 repartirent le lendemain d'un bivouac somme toute agréable, et sans déplorer d'incident diplomatique. Et cette fois-ci, ils avaient pris la bonne direction, grâce aux indications d'un groupe tout aussi hétéroclite qu'eux et qu'ils quittèrent, pour certain-e-s, à regret. Je n'évoquerai pas l'amourette qui naquit cette nuit-là entre un membre des Abdomens et un(e) de nos aventuriers, sans la présence de mon avocat.

Maintenant, espérons qu'ils n'allaient pas tout gâcher, ni continuer à tourner en rond, ou en n'importe quelle autre figure géométrique trop longtemps, et que le groupe allait vite trouver la trace de la brebis fugueuse.

La petite ville de Huara, qu'Olaf Petersen avait indiquée à nos aventuriers, se trouvait par un heureux hasard à environ un tupo de leur position. Cela correspondait, en unité locale, à la distance que peut parcourir un homme en bonne forme, ou un cheval pas pressé, en une heure et demie. Ils devraient donc atteindre la bourgade assez vite. Et si la chance continuait à leur sourire, ils tomberaient peut-être directement sur la brebis au détour d'une colline, ou trouveraient de nouveaux indices sans trop de difficultés. Mais comme la naïveté de ce groupe n'avait d'égale que la désorganisation dont il faisait quotidiennement preuve, la probabilité pour que cela arrive était à priori infinitésimale.

Cela dit, Regina se fit une réflexion frappée au coin du bon sens, à propos de Huara. Les Abdomens sur Fémurs avaient indiqué avoir croisé la brebis quatre jours auparavant, à environ un tupo. Ça fait plutôt long pour parcourir une si courte distance... Au mieux, cela dénotait un amateurisme patenté, au pire que le groupe à la recherche du Peuchen leur avaient fourni une information biaisée, ou encore qu'ils leur avait caché quelque chose.

Et, on the route encore, le groupe crapahuta en file andine pendant une bonne matinée sans rencontrer d'obstacle majeur, ni trouver Huara, d'ailleurs... L'absence totale de signalisation routière participait hélas beaucoup à ralentir leur avancée. Comme il commençait à faire vraiment très chaud et sec, tout le monde tomba d'accord pour faire une pause.

— Oh non, ma gourde est presque vide... se lamenta Blythe.

— C'est ce que je pense depuis le début ! ricana Tito, toujours prompt à lancer un sarcasme.

— C'est toi qui me traite de gourde vide ? Elle est bonne, celle-là ! rétorqua – t-elle crûment. C'est la paille qui brise le dos du chameau ! Il commence vraiment à avoir ma chèvre, celui-là ! Tu ferais mieux de baisser ton tuyau, dude !

S'ensuivit une longue litanie de grossièretés et de propos aussi orduriers que triviaux que le reste du groupe, concentré, observa avec application, regardant d'un côté (Blythe), de l'autre (Tito), tel le public du tournoi de tennis de Wimbledon qui eut la chance d'assister au fameux match qui opposa Björn Borg à John McEnroe, lui aussi amateur d'insultes et de gestes obscènes en tous genres, et qui fut le théâtre d'un long échange particulièrement serré et disputé. Des rediffusions passent de temps en temps à la télévision, je vous assure que ça vaut le coup d'œil.

Pêle-mêle, ils assistèrent à des « inhibiteur de pompe à protons, alpha mâle bête, niquedouille, sac à glace, petite péronnelle pimpante, branquignol », ce à quoi fut sèchement rétorqué « tartignolle », pour faire une belle rime riche, « bourrin bigrement brindezingue (qui équivaut à « babouin braillard et empoté », pour les aficionados), punk à poule, vieux slip à col roulé, néant d'Ertal, et autre fieffé vilebrequin », ce qui aurait beaucoup plu au tennisman américain, réputé pour son très mauvais caractère et ses services-volées.

Quand cet intermède fourni, aussi musclé que gratiné fut terminé, Lucy brisa le silence électrique qui le suivit avec flegme, dans le plus grand des calmes, comme si rien ne s'était passé ces vingt dernières minutes.