Cochon dingue, petit-déjeuner copieux et grosse colère

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La nuit tomba sur la Cordillère des Andes, de façon très abrupte, toutefois sans faire aucun bruit, à moins que vous soyez capable d'entendre les infrasons, ou que vous soyez doté.e de l'ouïe fine d'un éléphant ou d'une taupe.

À quelques enjambées de là, Euphrosine trouva une grotte à flanc de falaise. Elle procéda à une vérification oculaire rapide : la cavité semblait vacante. Ça ferait bien l'affaire, tant qu'elle pouvait se reposer en toute sécurité.

La brebis n'arrivait pas à s'y faire : elle était libre. Euphrosine, le sourire aux lèvres, poussa un soupir de satisfaction lorsqu'elle repensa à toutes ses péripéties. Elle se fit alors une réflexion tout à fait péremptoire : elle venait de vivre déjà bien plus de choses en un seul jour au dehors, que pendant toute sa courte existence dans la bergerie, et croyez-moi, ce n'était pas peu dire. Elle avait pu le vérifier un peu plus tôt ce jour-là, alors que sa vie défilait devant ses yeux bien trop vite.

Dans un recoin de cette caverne, Euphrosine aménagea une litière aussi douillette que le lui permettait son environnement. Grâce à quelques poignées de feuilles, de mousses et d'herbes glanées aux alentours, elle se prépara une paillasse qui, détail pratique, pouvait aussi lui servir d'en-cas pour une fringale nocturne, le cas échéant. La vie est parfois bien faite.

La fatigue envahit alors la brebis, à tel point qu'elle ne prit même pas le temps d'admirer les somptueuses œuvres d'art pariétal inestimables, ainsi que les magnifiques gravures précolombiennes qui ornaient son abri, que la lumière de la lune parvenait à atteindre. Elle tourna trois fois sur elle-même et se coucha, les pattes recroquevillées sous elle pour se tenir bien au chaud. Ses paupières s'étaient fermées avant même qu'elle soit couchée.

Allez, bonne nuit.

Buenas noches también, et fais de beaux rêves ! lui répondit-on.

Euphrosine, dans un grand bêlement effarouché, tomba à la renverse en faisant voler une touffe d'herbe, tellement elle avait eu peur, et son pauvre cœur fit un petit tour de manège à sensations dans sa poitrine. Mais qui donc pouvait bien s'être faufilé jusqu'au fond de cette grotte, sans qu'elle ne s'en aperçoive ?

Dans la pénombre, elle écarquilla les mirettes, aussi méfiante qu'inquiète. Le temps que ses yeux s'habituent à l'obscurité, elle distingua, après un moment de flou, une silhouette plutôt imposante. Ses contours ne permettaient pas de faire une identification spontanée : ça pouvait aussi bien être un rocher ou un meuble qui serait apparu par magie, « pouf », comme ça, au beau milieu de la caverne. La malheureuse n'avait d'ailleurs jamais remarqué qu'elle possédait une si mauvaise perception de la profondeur et des ombres... Désormais, elle en avait pleinement conscience. Néanmoins, son flair d'ordinaire très développé aurait dû l'alerter.

— J'espère que je ne te dérange pas, poursuivit dans le plus grand des calmes la créature furtive, tapie dans l'ombre. Je ne tiens pas à dormir dehors, à découvert... Par ici, c'est infesté de poules autobloquantes, j'ai une sainte horreur de ces bestioles-là, elles sont vraiment trop bizarres... Elles n'ont... pas de bras !

Euphrosine resta d'abord muette, et une fois ses esprits et un rythme cardiaque proche de la normale retrouvés, lança à l'intrus :

— Bretzel de merle, mais qui êtes-vous, et comment se fait-il que je ne vous ai pas entendu passer à côté de moi ? Heureusement que j'ai le palpitant bien accroché, hein !

Elle n'en croyait toujours pas ses yeux aux pupilles rectangulaires, tenta de se frotter les paupières pour s'assurer qu'elle ne rêvait pas, mais comme elle n'avait pas de mains et des pattes peu souples, elle abandonna tout de suite l'idée.

Les tribulations d'Euphrosine - Une aventure dont vous êtes un peu le héros !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant