Chapitre 3

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Seigneur, qu'ils sont nombreux mes adversaires, nombreux à se lever contre moi,
nombreux à déclarer à mon sujet : « Pour lui, pas de salut auprès de Dieu ! »
- Psaume 3 :2-3 -

Le plafond blanc immaculé de ma chambre me donna la nausée. Je le fixai, allongé dans mon lit et j'attendais que ma sonnerie brise le silence de mort. Le soleil n'était pas encore levé, j'avais froid et je rêvais que les beaux jours chassent cet hiver mordant.

Avant, j'adorais l'hiver. La nature qui meurt pour mieux s'épanouir, la neige qui tombe et recouvre le paysage de son manteau unique, le vent frais qui colore le bout de mon nez, les chocolats chauds. J'aimais cette ambiance.

Aujourd'hui, le froid me ramenait dans cette salle austère de l'église, lorsque mon corps grelotait jour et nuit et que ma peau exposée subissait chaque courant d'air. Ces souvenirs me hantaient en permanence. Je serrai les dents pour ne pas repartir trop loin dans mes réminiscences et détournai les yeux.

Mon réveil annonçait sept heures moins le quart. Il sonnerait bientôt.
Sans attendre, je me levai pour prendre une douche bien chaude. La maison semblait morte, mes parents n'étaient pas encore levés, ils dormaient paisiblement, inconscients de mon mal-être. Ils pensaient que les choses s'étaient arrangées. Que ces deux semaines avaient chassé leur acte, leur décision, leur abandon.

Dans ma tête, il était question d'une trahison.
J'avais envie de leur hurler à quel point je me sentais blessé, meurtri par ce qu'ils avaient fait. Mais je n'avais rien dit. À quoi bon ?

Alors je faisais semblant, semblant d'oublier, de tourner la page, de pardonner. Mais il n'y aurait aucun pardon. Malgré ce que Dieu prônait, pour moi, il était inconcevable que je pardonne mes parents.

Une fois sous la douche, la chaleur imprégna mon corps, détendit mes muscles contractés et relâcha ma tension intérieure. Cela me fit du bien. Mon esprit s'éclaircit assez pour me focaliser sur ma journée et non sur mon passé.

Aujourd'hui, je retournais en cours. Au lycée Notre Dame des Victoires. Un lieu privé et catholique, parfait pour garder son enfant sur le chemin de Dieu, même en dehors du foyer familial. Je devais finir ma terminale, comme si rien ne s'était passé. Mes parents avaient prétexté une maladie coriace, décrétant que je devais me reposer avant d'y retourner.

Me reposer.

Je détestais lorsque je les entendais dire ça, je n'avais pas besoin de repos, mais d'une psychothérapie ! Ou encore mieux, j'avais besoin d'oublier que j'avais été trainé de force dans un piège, qu'on m'avait cruellement enfermé, nu et sans nourriture pendant une semaine ! Oui, j'avais besoin qu'on me retire ses images, ses sensations de ma tête, qu'on me délivre de cette impression de vulnérabilité que j'éprouvais en permanence depuis cet épisode cauchemardesque.
Dormir, n'était qu'un palliatif. Même la nuit, mes souvenirs venaient me hanter. Le repos n'était pas la solution, mais mes parents étaient dans le déni.

—    Eliott ? Tout va bien ? demanda mon père à travers la porte de la salle de bains.

—    Ça va, j'ai fini ! indiquai-je en coupant l'eau bouillante.

Je sortis rapidement, me séchai et me lavai les dents en vitesse. Je ne pris pas la peine de me coiffer et j'enfilai un jean, un pull noir et mes air force one blanches. Mes affaires de cours étaient déjà dans mon sac à dos, que j'emportai avec moi jusqu'à la cuisine. Ma mère buvait son thé tranquillement et me sourit en me voyant arriver.

—    Tu te sens prêt pour aujourd'hui ?

—    Oui, répondis-je sans un regard.

J'ouvris le frigo pour m'emparer du jus de pomme et en bus un verre tout en appréciant un brownie.

Entre NousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant