Chapitre 15

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Ne me livre pas à la merci de l'adversaire : contre moi se sont levés de faux témoins qui soufflent la violence.
- Psaume 25 :12 -

Ma mère resta silencieuse un temps interminable. Assise droite comme un I, elle me fixait avec cette expression totalement neutre sur le visage.

Dès mon réveil, ce samedi, sans même un bonjour, elle m'annonça qu'on devait avoir une discussion. La veille au soir, en rentrant de chez Loïs, elle s'était empressée de faire comme toujours, s'enquérir de mon état, de l'école et me serrer fort dans ses bras. Seulement, cette fois-ci son froncement de sourcils s'était accentué, elle ne m'avait pas lâché et, pire que tout, elle avait froncé le nez.

Jusqu'ici je ne m'y étais pas attardé. À présent, une multitude de pensées se battaient dans ma tête, tandis que j'étais assis sur le fauteuil en face de mes parents.

Attendant d'avoir une discussion. Cela ne pouvait être que mauvais. Cette phrase déclencha tous mes signaux d'alerte, j'avais le cœur en folie et les mains qui tremblaient. J'étais terrorisé.

Je mentais chaque jour avec aplombs, je pensais même m'améliorer de jour en jour et cette mascarade durait depuis des mois. Loïs m'avait tout appris. Les subtilités du mensonge et du double-jeux. J'avais espéré qu'en cessant de tricher, mon secret le resterait jusqu'à ce que j'aie dix-huit ans.

Mais ce n'était qu'illusoire.

—    Eliott, intervint ma mère de sa voix ferme.

—    Oui ?

—    As-tu quelque chose à me dire ?

—    Qu-quoi ? balbutiai-je.

L'angoisse refit surface avec violence.

Son expression se ferma et elle ne me répondit pas. Comme souvent avec cette femme, ses émotions étaient gravées sur les traits de son visage, on pouvait la déchiffrer très clairement et elle ne faisait aucun effort pour le dissimuler. Ma mère choisissait quand parler et quand se taire.

Je sus alors.

Mon père et ma mère m'abandonnent ; le Seigneur me reçoit.
- Psaume 25 :10 -

Le Seigneur... rien du tout !

À cet instant, je sus qu'elle savait. Mon cerveau se mit à hurler toutes ces fois où j'avais menti, où j'avais joué avec les mots, les situations, avec le peu de confiance qu'ils plaçaient en moi. Je cherchais à quel moment j'avais échoué. Quand avais-je fait une erreur ?

Le silence m'oppressait, tout autant que l'angoisse qui altérait mon corps. Pour pallier une crise, je fis comme toujours, je me fis mal. Planter mes ongles dans ma peau, me pincer jusqu'au sang, c'étaient des alternatives pour empêcher mon esprit de s'égarer.

Mon père s'exprima enfin :

—    Eliott, nous te laissons une chance. As-tu quelque chose à nous dire ?

—    Je- non, je ne sais pas, dis-je, hésitant et le cœur en arythmie.

Il était hors de question que j'avoue quoi que ce soit. Pas alors que je pouvais encore me tromper.

—    Tu es donc un menteur, asséna ma mère.

—    Tu dois nous dire la vérité, mon fils, intervint mon père. C'est important.

—    Quelle vérité ?

—    Où en es-tu de ton combat intérieur ? s'enquit ma mère en redressant son dos.

Tout mon sang disparut instantanément de mon visage. Le froid s'empara de mes membres, pourtant, je me retrouvais rapidement à transpirer, à me sentir à l'étroit dans mon corps. Je pinçai alors plus fort la peau du poignet.

Entre NousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant