PARTIE II - Chapitre 17

372 47 105
                                    

Nos cauchemars, c'est notre âme qui balaye devant sa porte.
- De Jacques Deval -

Quatre ans plus tard

L'atrocité du silence me broyait les entrailles, elle m'oppressait, me rendait fou. Vint alors les sons insupportables. La cloche qui tinta à chaque heure, diffusant un écho qui faisait vibrer mes os fragiles. Les prières soufflées à travers le bois de ma cellule, délivrées encore et encore, plusieurs fois par jour, rituel de ma thérapie.

« Tu dois faire vœu de silence. Ne dis rien, lutte simplement pour combattre le mal en toi, mon petit, ainsi tu seras rapidement libre. »

Père Vincent fut face à moi avec son visage aux traits droits, sa toge noire, sa voix hautaine... Les battements de mon cœur s'acharnaient à prendre de la vitesse, ma poitrine devenait douloureuse, ma respiration me manquait.

— Eliott ! Eliott, réveille-toi, c'est un cauchemar !

Cette voix me tira de ce songe bien connu et le prêtre s'estompa.

— C'est un cauchemar, Eliott, tout va bien.

Mes paupières s'ouvrirent et mon buste se redressa, poussé par le besoin de s'expanser au maximum. Je suffoquais.

— Respire doucement, chéri, ça va aller.

Je ne vis rien, ma vision était floue et mon esprit trop embrumé, cependant je savais être revenu à la réalité. Le sentiment qui me saisissait violemment les entrailles m'était connu, je savais à quoi m'en tenir et comment réagir. Après plusieurs années à me battre contre elle, j'avais appris à la gérer, mais jamais à la contrôler tout à fait.

Mon psy disait que ça viendrait avec le temps. Ça faisait déjà trois ans et je commençais à désespérer de me détacher de ce traumatisme.

Foutue psychothérapie ! À chaque fois que j'avais rendez-vous avec Monsieur Legoux, les nuits qui suivaient ressemblaient à un film d'horreur dont j'étais le personnage principal, celui qui se faisait poursuivre par un prêtre dégénéré.

Petit à petit, mon esprit s'éclaircit. Mes mains se refermèrent sur le drap frais et mes dents entaillèrent sans pitié ma lèvre inférieure. L'éclair de douleur chassa le brouillard pour délivrer sa dose d'endorphine. Ce mécanisme restait pour moi le plus efficace, même si Monsieur Legoux désapprouvait.

— Tiens, bois un peu d'eau, proposa Mathias en me tendant une bouteille d'eau.

Je fis mine de sourire en récupérant son offrande et me désaltérai. La sensation d'angoisse s'estompa progressivement et un coup d'œil sur l'horloge m'apprit que pour une fois, je n'avais pas réveillé Mathias en pleine nuit. Le jour se levait, les rayons filtraient à travers les rideaux écrus, illuminant les millions de petits grains de poussière d'air.

— Tu devrais prendre une bonne douche, je vais préparer le petit-déjeuner.

Mathias accompagna ses mots d'une caresse dans mon dos avant de se lever et sortir de la chambre. J'étais avec ce garçon depuis environ deux mois. C'était à la fois long et très court. Long parce que je n'arrivais pas à garder un homme dans ma vie plus d'un mois, ce qui était donc une première. Et très court en considérant objectivement cette durée dans une relation.

Mais il fallait bien commencer par le début pour construire quelque chose... Il se pouvait que ce soit l'homme de ma vie, qui savait. Enfin, non, je savais que non. Quel abruti je faisais.

Rageant contre moi-même, je repoussai les draps pour sortir du lit et suivre le conseil de mon petit-ami. La douche m'aida à dissiper les dernières réminiscences d'anxiété. Elle me permit également de réaliser à quel point cette sensation ne faisait que s'accrocher à moi. Près de cinq ans. Cinq foutues années que je vivais avec ce traumatisme, trois ans à travailler sur moi-même pour la faire disparaitre...

Entre NousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant